Moldavie : les séparatistes pro-russes de la Transnistrie réclament des mesures de protection à la Russie

Par latribune.fr  |   |  967  mots
La Transdniestrie a fait sécession avec le reste de la Moldavie après une courte guerre civile en 1992 (photo d'illustration). (Crédits : © Baz Ratner / Reuters)
Les autorités de la Transdniestrie, une région séparatiste pro-russe de Moldavie, ont demandé ce mercredi des « mesures de protection » à la Russie. Sans donner plus de détails sur l'aide souhaitée, les députés justifient cet appel par les « menaces sans précédent » qu'ils disent subir de la part du gouvernement moldave, sur fond de tensions exacerbées par le conflit en Ukraine voisine.

C'est une étroite bande de terre - 200 kilomètres de long et rarement plus de 20 km de large - située entre la Moldavie et l'Ukraine : la Transnistrie. Ce mercredi, les députés de ce territoire séparatiste pro-russe se sont réunis en congrès extraordinaire à Tiraspol, une première depuis près de vingt ans. Surtout, ils ont adopté une déclaration. Dans ce texte, cité par les agences de presse russes, il est réclamé au Parlement russe de « mettre en œuvre des mesures pour protéger la Transnistrie », où vivent « plus de 220.000 citoyens russes », face à une « pression accrue de la part de la Moldavie ». Sans donner plus de précisions sur l'aide souhaitée.

Les autorités séparatistes ont fait savoir que ce congrès, auquel ont participé 620 députés, est une réaction à la récente introduction de droits de douane par le gouvernement moldave sur les importations en provenance de Transdniestrie.

Dans son discours cité par les médias, le président local, Vadim Krasnosselski, a assuré que ce territoire subissait « une politique de génocide », via des pressions économiques, « physiques », juridiques et linguistiques. Des propos qui corroborent ceux de la déclaration des députés, qui fait état de « menaces sans précédent de nature économique, socio-humanitaire et militaro-politique ».

Dans cette résolution, les députés s'adressent également à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), au Parlement européen, à la Croix-Rouge et enfin au secrétariat général de l'ONU, les exhortant à empêcher « des provocations » pouvant conduire à « une escalade des tensions ».

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Crainte d'un nouveau front

La Transdniestrie a fait sécession avec le reste de la Moldavie après une courte guerre civile en 1992. Comptant officiellement 465.000 habitants majoritairement russophones, ce petit territoire qui longe le Dniestr n'est pas reconnu en tant qu'État par la communauté internationale, y compris par Moscou, qui le considère néanmoins comme une tête de pont non loin des frontières de l'Union européenne. La Russie y maintient d'ailleurs 1.500 militaires censés notamment assurer une mission de maintien de la paix, selon les chiffres officiels.

Depuis l'assaut russe contre l'Ukraine en février 2022, des conjectures ressurgissent régulièrement quant à une éventuelle attaque russe à partir de la Transdniestrie en direction de la grande ville portuaire ukrainienne d'Odessa, sur la mer Noire. La demande de ce mercredi des députés rappelle d'ailleurs celle similaire des séparatistes pro-russes de l'est de l'Ukraine, qui avait été l'un des prétextes mis en avant par Vladimir Poutine pour déclencher son attaque de grande ampleur contre Kiev.

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Le gouvernement moldave a toutefois déclaré plus tôt mercredi que « les choses semblaient calmes », affirmant qu' « il n'y a aucun risque d'escalade » malgré cette « nouvelle campagne visant à créer l'hystérie au sein de la société ».

Une relative sérénité que ne partage pas la Pologne. Son Premier ministre, Donald Tusk, a estimé ce mercredi également que les tensions en Transdniestrie sont « dangereuses » pour la région et l'Ukraine. « La menace d'une intervention russe, ou du moins d'une provocation, est permanente. Cela ne me surprend pas. Mais cela montre à quel point la situation est dangereuse, et pas seulement pour l'Ukraine », a-t-il déclaré.

La Russie, de son côté, a fait savoir que « la protection » des habitants de Transdniestrie, ses « compatriotes » est « une priorité » pour Moscou. « Toutes les demandes sont toujours examinées avec attention par les organismes russes compétents », a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères, cité par les agences de presse russes.

Dépendance à la Russie

La dernière fois qu'un tel congrès a eu lieu, il faut remonter à 2006. À cette époque, les députés séparatistes ont décidé d'organiser un référendum sur une intégration de la Transdniestrie à la Russie. Au cours de ce scrutin, dont le résultat n'a pas été reconnu internationalement, la population locale a voté à 97,1% pour son rattachement à ce pays.

Ce territoire est fortement dépendant économiquement de la Russie, qui lui fournit gratuitement du gaz. Son économie repose sur l'industrie lourde et sur de multiples trafics, en particulier à partir du port d'Odessa, mais le niveau de vie reste très bas.

À noter par ailleurs que le groupe Sheriff, fondé au début des années 1990 par deux anciens policiers soviétiques et régulièrement accusé de corruption, y jouit d'un quasi-monopole économique et politique. Il y détient supermarchés, stations-service ou encore un club de football, le FC Sheriff, qui s'est à la surprise générale illustré pour ses débuts en Ligue des champions, en 2021-2022. Sheriff possède également la célèbre distillerie de cognac Kvint et un élevage d'esturgeons bélougas qui fournissent un caviar prisé. En 2015, le média d'investigation RISE Moldova a affirmé qu'un tiers du budget de ce territoire finissait dans les coffres de ce groupe.

Musée de l'ex-URSS

Malgré son capitalisme débridé, la Transdniestrie reste un musée à ciel ouvert de l'époque soviétique. Une statue de Lénine trône dans le centre de sa principale ville, Tiraspol, et un buste du père de la révolution bolchevique de 1917 monte la garde devant le bâtiment de la mairie qui a conservé son nom d'origine : la Maison des Soviets.

Le drapeau de la Transdniestrie reste frappé des symboles communistes les plus connus : la faucille et le marteau, ainsi qu'une étoile rouge.

Ce territoire, contrairement à la Moldavie, a par ailleurs conservé l'alphabet cyrillique

(Avec AFP)