Moscou dénonce une attaque ukrainienne en Russie : cela va peser dans les négociations, prévient le Kremlin

Par latribune.fr  |   |  1264  mots
(Crédits : Reuters)
Selon Moscou, l'Ukraine a lancé une attaque contre un entrepôt de pétrole situé en territoire russe. Si Kiev n'a pas réagi, le Kremlin a indiqué que cette opération n'allait pas créer les conditions appropriées pour la poursuite des négociations. Par ailleurs, la Russie a repris vendredi la mobilisation de jeunes hommes pour le service militaire obligatoire d'un an.

Après l'espoir d'un règlement du conflit suscité par les négociations qui se sont tenues mardi à Istanbul entre les négociateurs russes et ukrainiens, la perspective d'une fin de l'offensive russe en Ukraine semble à des années-lumière. Selon la Russie, et plus précisément le gouverneur de la région de Belgorod, des hélicoptères ukrainiens ont attaqué vendredi à l'aube un "dépôt de pétrole" dans la ville de Belgorod, située à une quarantaine de kilomètres de la frontière ukrainienne. Si Kiev n'a pas fait de commentaire pour l'instant sur cette opération, le Kremlin a estimé dans la foulée que cette attaque allait peser sur les pourparlers russo-ukrainiens pour mettre fin à l'offensive en Ukraine, alors que les pourparlers russo-ukrainiens ont repris par visioconférence, selon un négociateur russe.

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"Il est clair qu'on ne peut pas considérer cela comme quelque chose qui va créer les conditions appropriées pour la poursuite des négociations", a estimé le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.

Cette annonce intervient alors que le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avait fait état ce vendredi de progrès dans les pourparlers avec l'Ukraine et annoncé que Moscou préparait sa réponse aux propositions formulées par Kiev. S'exprimant devant la presse, le chef de la diplomatie russe avait jugé que les discussions devaient se poursuivre, tout en disant avoir constaté que les Ukrainiens commençaient à se montrer beaucoup plus "compréhensifs" sur la question de la Crimée, annexée par la Russie en 2014, et du Donbass, où Moscou a reconnu l'indépendance des républiques autoproclamées de Donetsk et Louhansk. Les troupes russes ont commencé à se retirer de la région de Kiev et de celle voisine de Tchernihiv, un verrou routier et ferroviaire situé au nord-est de la capitale ukrainienne, ont déclaré vendredi les gouverneurs de ces deux régions.

Retrait des forces russes

Le ministère russe de la Défense a annoncé cette semaine qu'il allait réduire son activité autour de ces deux villes pour concentrer ses efforts militaires sur la "libération" du Donbass, dans l'est de l'Ukraine, mais hormis des mouvements troupes près de Kiev, où l'armée russe a récemment subi des défaites, aucun retrait significatif n'avait été confirmé jusqu'à présent. Le ministère de la Défense a confirmé ce retrait. Les Russes "poursuivent leur retrait partiel" du nord de la région de Kiev vers la frontière bélarusse, a-t-il indiqué, en dénonçant de nombreux actes de "pillage" de la part des soldats russes.

Même son de cloche du côté du gouverneur de l'oblast (région) de Kiev, Oleksandre Pavlyouk. Vendredi sur Telegram, il a indiqué qu'une partie des troupes russes qui assiégeaient la capitale avaient pris la direction de la Biélorussie.

"Nous observons des mouvements coordonnés de colonnes de véhicules russes d'importance variable", a-t-il dit.

L'armée russe a notamment quitté Hostomel, dont l'aérodrome avait été la cible d'une spectaculaire opération aéroportée au premier jour de l'invasion russe, le 24 février, a précisé le gouverneur. La ville d'Hostomel est située dans la banlieue nord-ouest de Kiev, au nord de celle d'Irpin qui a été reprise cette semaine par l'armée ukrainienne après de violents combats.

D'après Oleksandre Pavlyouk, les forces russes ont en revanche entrepris de consolider leurs positions à Boutcha, ville située entre Irpin et Hostomel. Le gouverneur de l'oblast de Tchernihiv, Viatcheslav Tchaus, a également fait état du retrait d'une partie des troupes russes qui assiégeaient la ville de Tchernihiv, lourdement bombardée depuis plus d'un mois. Les forces d'occupation se retirent en direction de la frontière avec la Biélorussie et la Russie et l'armée ukrainienne réoccupe progressivement les villages qu'elles abandonnent.

Les troupes russes toujours présentes à proximité de Tchernobyl

Un peu plus à l'Ouest, sur l'autre rive du fleuve Dniepr, le responsable de l'agence en charge de la zone d'exclusion de la centrale nucléaire de Tchernobyl a confirmé vendredi que les soldats russes s'étaient retirés du périmètre de la centrale désaffectée, qu'ils occupaient depuis le 24 février, comme l'avait annoncé jeudi l'agence de l'énergie nucléaire ukrainienne. Yevhen Kramarenko a néanmoins indiqué à la télévision que des témoins avaient constaté que des troupes russes étaient toujours présentes à proximité du périmètre de la centrale. Dans le sud cette fois, les forces armées ukrainiennes ont affirmé avoir libéré 11 localités de la région de Kherson, selon le gouverneur régional Serguiï Gaïdaï sur Telegram.

 "Nous savons qu'ils s'éloignent des régions où nous les battons pour se concentrer sur d'autres qui sont très importantes... où cela peut être difficile pour nous", a indiqué Volodymyr Zelensky. En particulier, la situation dans l'Est du pays est "très difficile".

"Dans le Donbass et à Marioupol, dans la direction de Kharkiv, l'armée russe se renforce en prévision d'attaques puissantes", a encore déclaré le président ukrainien Ce recentrage laisse présager un conflit "prolongé", qui pourrait durer des mois, a prévenu le Pentagone. Hier, le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, a indiqué s'attendre à des "offensives supplémentaires" de la part de Moscou.

Des experts militaires estiment néanmoins que Moscou a abandonné son projet d'avancer simultanément le long de plusieurs axes au Nord, à l'Est et au Sud, en raison des difficultés rencontrées face à la résistance ukrainienne plus forte que prévu.

Selon des responsables américains, la Russie a déplacé environ 20% de ses troupes des environs de Kiev après avoir échoué à prendre la ville.

Plus d'un mois après l'invasion de l'Ukraine, Marioupol, port stratégique du Sud-Est du pays, sur la mer d'Azov, reste assiégé et pilonné sans relâche. Au moins 5.000 personnes ont péri et 160.000 civils seraient toujours bloqués dans la ville, selon des sources ukrainiennes.

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Russie : reprise de la conscription militaire en plein conflit

La Russie a repris vendredi la mobilisation de jeunes hommes pour le service militaire obligatoire d'un an, en plein conflit armé en Ukraine, Moscou assurant toutefois que les conscrits ne seront pas envoyés au front. Tous les ans, des dizaines de milliers de Russes âgés de 18 à 27 ans sont mobilisés dans l'armée pendant deux périodes d'appel, l'une au printemps/été et l'autre à l'automne. Pour cet appel du printemps 2022, le président Vladimir Poutine a fixé pour objectif d'envoyer 134.500 jeunes au service militaire, selon un décret publié par le Kremlin. Les premières affections dans des unités doivent intervenir fin mai. Le Kremlin affirme que, selon les instructions de Vladimir Poutine, seuls des soldats et officiers professionnels, ayant signé un contrat, combattent actuellement en Ukraine. Mais plusieurs médias russes indépendants ont signalé des cas de conscrits ayant été contraints ou très vivement encouragés à signer un contrat puis envoyés sur le front ukrainien. Le 29 mars, le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou a réaffirmé qu'aucun conscrit ne sera envoyé sur des "zones chaudes", ajoutant que ceux dont le service militaire se termine ce printemps deviendront réservistes et seront renvoyés chez eux.

 (Avec AFP et Reuters)