La guerre va provoquer une récession de -20% en Ukraine, -10% en Russie cette année, selon la Berd

Les prévisions de croissance de l'Ukraine pour 2022 sont déjà largement plombées par la guerre. Son PIB devrait plonger de 20% d'après la Berd, et celui de la Russie de 10%. Le gouvernement ukrainien estime de son côté que cette contraction serait même de 55%. Kiev chiffre d'ailleurs les pertes économiques à plus de 500 milliards d'euros, alors que le conflit n'est pas encore terminé. L'économie russe devrait reculer de 20 à 30 années en arrière d'après un économiste.
L'économie de l'Ukraine devrait rebondir de 23% en 2023, si le conflit est stoppé dans les prochains mois, tandis que le PIB de la Russie devrait tout juste se stabiliser avec une croissance nulle.
L'économie de l'Ukraine devrait rebondir de 23% en 2023, si le conflit est stoppé dans les prochains mois, tandis que le PIB de la Russie devrait tout juste se stabiliser avec une croissance nulle. (Crédits : THOMAS PETER)

La plupart des pays ont déjà anticipé une baisse de leurs prévisions de croissance pour 2022 en raison de la guerre en Ukraine. Les deux principaux concernés, l'Ukraine donc et la Russie, ne vont évidemment pas y échapper. D'après la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd), l'économie ukrainienne devrait se contracter de 20% cette année et celle de la Russie de 10%.

Or, ses prévisions, avant le début du conflit, tablait sur +3,5% pour l'Ukraine et +3% pour la Russie.

Autrement dit, le gouvernement ukrainien estime une contraction encore plus forte de son PIB pour cette année. Ioulia Sviridenko, ministre de l'Économie et également vice-Première ministre, a estimé à 102 milliards d'euros la baisse du PIB en 2022, soit une contraction estimée de plus de 55% de l'économie par rapport à 2021, a-t-elle annoncé lundi 28 mars. Le budget de l'État ukrainien risque, lui, d'être amputé de 43,8 milliards d'euros, soit une baisse de près de 90% sur le budget annuel prévu.

« L'Ukraine (...) exigera de l'agresseur une compensation financière que ce soit par des décisions de justice ou bien en transférant directement à l'État les avoirs russes (actuellement) gelés en Ukraine », a indiqué la ministre ukrainienne de l'Économie.

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Retour de la croissance dès 2023, sous conditions

La Berd, créée en 1991 pour aider les pays de l'ex-bloc soviétique à passer à une économie de marché (elle a depuis étendu son périmètre pour inclure des pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord), part du principe qu'un arrêt des hostilités sera décidé sous quelques mois suivi d'un effort majeur de reconstruction de l'Ukraine. Selon ce scénario, l'économie de l'Ukraine devrait rebondir de 23% en 2023, tandis que le PIB de la Russie, qui devrait encore subir des sanctions, devrait tout juste se stabiliser avec une croissance nulle.

L'institution prévoit par ailleurs dans ses nouvelles projections que sa zone, hors Biélorussie et Russie, connaîtra une croissance de 1,7% cette année, contre 4,2% anticipé en novembre, avant la guerre, avant une accélération à 5% en 2023.

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La banque avertit néanmoins que ces prévisions sont à considérer au regard d'une incertitude exceptionnellement élevée, « et avec une marge de détérioration élevée si les hostilités augmentent ou si les exportations de gaz et autres matières premières depuis la Russie sont restreintes ». D'après elle, l'économie mondiale fait face au « plus fort choc d'approvisionnement depuis au moins le début des années 1970 ».

« La banque s'attend à ce que la hausse du coût de matières premières alimentaires, ou du pétrole, du gaz et des métaux va avoir un impact profond sur les économies, particulièrement dans les pays en développement », note-t-elle dans son communiqué, car la Russie et l'Ukraine sont des producteurs d'une portion « particulièrement élevée des matières premières, notamment le blé, le maïs, les engrais, le titane et le nickel ».

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Plus de 500 milliards d'euros de pertes déjà en Ukraine

La ministre de l'Économie ukrainienne a par ailleurs d'ores et déjà chiffré à « 564,9 milliards de dollars » (515,8 milliards d'euros au cours actuel, ndlr) les pertes économiques engendrées par la guerre avec la Russie. À savoir « l'impact direct des destructions » depuis le début de l'invasion russe le 24 février, auquel s'ajoutent « les effets indirects des combats » sur l'économie notamment liés à l'explosion du chômage, à la forte diminution de la consommation des ménages ou encore à la baisse des recettes de l'État.

C'est au niveau des infrastructures que les pertes sont les plus importantes, a indiqué Ioulia Sviridenko, avec « près de 8.000 kilomètres de routes endommagées ou détruites », ainsi que « des dizaines de gares, des aéroports », pour un montant de 108,5 milliards d'euros. Dix millions de mètres carrés de logement et 200.000 voitures ont été détruits en plus d'un mois, a-t-elle ajouté.

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Retour en arrière de 20 à 30 ans pour l'économie russe

Du côté de la Russie, bien qu'il reste encore beaucoup d'inconnues, l'économie « va retourner vingt ou trente ans en arrière en termes de revenus des ménages, et en termes de structure de l'économie », prédisait mi-mars Sergei Guriev, ancien conseiller économique du gouvernement russe et exilé en France - il a notamment travaillé pour la Berd. Selon lui, « Poutine a réussi à détruire l'économie russe en quelques semaines ».

« Il est difficile d'imaginer le nombre d'années qu'il faudra pour revenir au niveau de PIB de 2021 », poursuit Sergei Guriev, évoquant « une tragédie, non comparable au drame en Ukraine, mais tout de même une tragédie ».

Politiquement, Vladimir Poutine « a raccourci l'espérance de vie de son régime » en raison de cette attaque « mal calculée » contre l'Ukraine, pense Sergei Guriev: Vladimir Poutine est un président « mal informé », qui a « surestimé la puissance de l'armée russe, sous-estimé la résolution des Ukrainiens à se battre, et sous-estimé l'unité de l'Occident ».

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Le reste du monde anticipe aussi l'impact de la guerre

Les pays Occidentaux justement ont, pour la plupart, déjà annoncé une baisse de leurs prévisions de croissance pour 2022 en raison de la guerre. Dans ses dernières prévisions en février, avant le déclenchement de la guerre, la Commission européenne avait légèrement revu en baisse sa prévision de croissance du produit intérieur brut (PIB) pour 2022 dans la zone euro, à 4%. Depuis, l'institution a indiqué que ce chiffre devrait être revu à la baisse lors d'une prochaine estimation au printemps, sans prévoir de récession à ce stade. La Banque centrale européenne (BCE) a déjà taillé dans sa prévision de croissance pour la zone euro, l'abaissant à 3,7% pour 2022 (contre 4,2% auparavant).

Du côté de la France, le PIB français devrait être impacté de 0,5 à 1 point, selon les dernières estimations de la Banque de France. Elle table sur une croissance entre 2,8% et 3,4% contre de 3,6% à 3,9% auparavant. En Allemagne, l'institut économique IFO table désormais sur 2,2% à 3,1% de croissance pour 2022, contre 3,7% jusqu'à présent.

Le gouvernement britannique s'attend, lui, désormais à une croissance de 3,8% cette année, alors que la précédente estimation s'élevait à 6%.

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(Avec AFP)

Commentaires 2
à écrit le 31/03/2022 à 11:00
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Ceux qui président un cataclysme économique en Russie se trompent; quand on est autosuffisant en alimentation (céréales, tournesol.), en énergie (gaz, pétrole), et que l’on a toute l’Asie pour accéder à des produits technologiques, on voit mal ce qui...

à écrit le 31/03/2022 à 10:13
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"Banque de France. Elle table sur une croissance entre 2,8% et 3,4%" "En Allemagne, l'institut économique IFO table désormais sur 2,2% à 3,1% de croissance pour 2022" "Le gouvernement britannique s'attend, lui, désormais à une croissance de 3,8%" Et ...

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