Moscou "n'en a rien à foutre" des sanctions occidentales en cas d'invasion de l'Ukraine, selon l'ambassadeur russe en Suède.

Par latribune.fr avec AFP  |   |  1358  mots
(Crédits : Maxim Shemetov)
Dans un langage à peine imagé, l'ambassadeur russe en Suède vient de renvoyer dans leurs buts les menaces de dures sanctions occidentales en cas d'invasion de l'Ukraine. La tension monte dans les chancelleries mais l'Ukraine maintient ouvert son espace aérien. Et le même ambassadeur russe en Suède assure que son pays ne veut pas d'une guerre.

Moscou "n'en a rien à foutre" des risques de sanctions occidentales en cas d'invasion de l'Ukraine, a déclaré sans ambages l'ambassadeur russe en Suède. "Pardonnez-moi l'expression, mais nous n'en avons rien à foutre de toutes leurs sanctions", a indiqué Viktor Tatarintsev au Aftonbladet, dans un entretien diffusé tard samedi sur le site internet du journal suédois.

Les Occidentaux, Etats-Unis et Européens de l'ouest en tête, craignent que la Russie n'envahisse l'Ukraine voisine, et menacent Moscou de "fortes sanctions" économiques dans ce cas. "On nous a déjà imposé tellement de sanctions, et dans un sens elles ont eu des effets positifs sur notre économie et notre agriculture", souligne l'expérimenté M. Tatarintsev, qui parle couramment suédois et a occupé plusieurs postes en Suède.

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"Nous sommes davantage autosuffisants et avons été capables d'augmenter nos exportations. (Par exemple) nous n'avons pas de fromages italiens ou suisses, mais nous avons appris à fabriquer des fromages russes aussi bons en utilisant des recettes italiennes ou suisses", a-t-il expliqué.

"De nouvelles sanctions n'ont rien de posifif, mais ne sont pas aussi mauvaises que l'Occident le dit", a-t-il assuré. Pour M. Tatarintsev, les pays occidentaux ne comprennent pas la mentalité russe: "Plus l'Occident fait pression sur la Russie, et plus forte sera la réponse russe".

Washington dit craindre une invasion "imminente", en soulignant que Moscou a massé plus de 100.000 soldats près de la frontière ukrainienne et vient d'entamer des manoeuvres militaires en mer Noire et au Bélarus, encadrant de facto le pays. M. Tatarintsev assure au contraire que la Russie tente d'éviter une guerre. "C'est le souhait le plus sincère de nos responsables politiques. La dernière chose que veulent les gens en Russie, c'est la guerre".

Moscou, qui a déjà annexé la Crimée en 2014, conditionne la désescalade à une série d'exigences, notamment l'assurance que Kiev n'intégrera jamais l'Otan. Une condition que les Occidentaux jugent inacceptable. Plusieurs séries de pourparlers ces derniers jours n'ont pas permis de progresser vers une résolution de la crise, que les Occidentaux décrivent comme l'une des plus dangereuses depuis la fin de la Guerre froide il y a trois décennies.

L'Allemagne pourrait augmenter son aide à l'Ukraine

Le gouvernement allemand envisage d'augmenter son aide économique à l'Ukraine mais campe sur son refus de livraisons d'armes de guerre, a indiqué dimanche une source gouvernementale à la veille d'une visite à Kiev du chancelier Olaf Scholz.

Berlin examine "si nous avons encore, sur le plan bilatéral, des possibilités en vue de contribuer à un soutien économique", a souligné cette source, au moment où les craintes d'une invasion russe imminente grandissent.

Depuis l'annexion de la Crimée en 2014 par Moscou, l'Allemagne est le pays qui a apporté l'aide financière bilatérale la plus importante à l'Ukraine, avec 2 milliards d'euros, auxquels s'ajoute une ligne de crédit de 500 millions d'euros, dont les deux-tiers environ ont été utilisés. L'aide de l'Union européenne vient en plus de cette aide bilatérale.

Dans une interview dimanche à la radio publique allemande, l'ambassadeur d'Ukraine à Berlin, Andrij Melnyk, a réclamé, lui, l'annonce d'un plan d'aide "de plusieurs milliards" d'euros, lors de la venue d'Olaf Scholz lundi à Kiev, avant un déplacement le lendemain à Moscou. Et les deux pays restent à couteaux tirés sur la question des livraisons d'armes "létales", que Berlin continue de refuser en l'état à Kiev en se réfugiant derrière la politique suivie en la matière depuis la période nazie, consistant à ne pas en exporter dans les zones de conflit.

Kiev a transmis à Berlin une liste de demandes. Pour lundi "il ne faut encore rien attendre" de la part de Berlin sur le sujet, a souligné la source gouvernementale allemande. Selon les médias allemands, cette liste comprend des systèmes de missiles anti-aériens, des systèmes anti-drones, des systèmes de localisation électronique, des équipements de vision nocturne et des munitions. Il n'est pas exclu que certains de ces équipements, considérés comme non-létaux, puissent être acceptés.

Sur cette liste figurent "certains éléments (...) qu'on peut examiner", a souligné la source allemande. Mais il faut voir s'ils sont "disponibles en ce moment" car "l'armée allemande elle-même n'a pas de surplus, on y trouve pas des milliers d'équipements de vision nocturne non utilisés" par exemple, a-t-elle ajouté.

Berlin se voit reprocher depuis plusieurs semaines par Kiev et certains de ses alliés européens, comme les pays baltes, une trop grande complaisance avec Moscou dans la crise. L'ambassadeur ukrainien a reproché dimanche à l'Allemagne sa trop grande "discrétion" malgré les mises en garde répétées, dans l'interview à la radio publique. "Il est temps que l'Allemagne retire ses lunettes russes dans la conduite de sa politique à l'égard de l'Ukraine car elles brouillent sa vision", a-t-il accusé.  "Soit on décide de nous aider, soit on nous laisse tomber", a-t-il lancé, affirmant qu'il en allait de la survie de l'Ukraine.

Kiev laisse l'espace aérien ouvert

Le gouvernement ukrainien a promis dimanche de garder son espace aérien ouvert malgré une menace d'invasion russe. "L'espace aérien au-dessus de l'Ukraine reste ouvert, l'Etat s'emploie à prévenir les risques pour les compagnies aériennes", a indiqué le ministère des Infrastructures dans un communiqué publié sur Facebook. Face à des risques accrus, la compagnie néerlandaise KLM a annoncé samedi suspendre jusqu'à nouvel ordre tous les vols dans l'espace aérien ukrainien.

Un avion de la compagnie ukrainienne SkyUP reliant Madère, au Portugal, à Kiev a dû atterrir samedi à Chinisau, en Moldavie, le propriétaire de l'avion ayant interdit son entrée dans l'espace aérien ukrainien. "La fermeture de l'espace aérien est un droit souverain de l'Ukraine et aucune décision n'a été prise dans ce sens", ajoute le ministère après une réunion à laquelle ont participé des responsables de la présidence, des aéroports et des compagnies aériennes ukrainiennes.

La plupart des compagnies continuent leurs activités, assure le ministère, précisant qu'actuellement, 29 compagnies aériennes internationales assurent des vols depuis 34 pays. Le ministère a pourtant admis que le problème pourrait venir des assureurs. "Si nécessaire, l'État assurera le retour de tous les citoyens ukrainiens de l'étranger", a déclaré le ministre des Infrastructures Oleksandre Koubrakov, cité dans le communiqué.

Appels à partir

Face au spectre d'une invasion de l'Ukraine par la Russie, de nombreux Etats appellent leurs ressortissants à quitter le pays et modifient ou réduisent la présence de leur personnel diplomatique.

Parmi les pays qui ont déjà appelé leurs ressortisants à quitter l'Ukraine, figurent les Etats-Unis, l'Allemagne, l'Italie, la Grande-Bretagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Canada, la Norvège, l'Estonie, la Lituanie, l'Australie, le Japon, Israël, l'Arabie Saoudite ou encore les Emirats arabes Unis.

La France déconseille de se rendre dans les zones frontalières du nord et de l'est, sans appeler ses ressortissants à en partir.

La Roumanie, frontalière de l'Ukraine, "recommande vivement" à ses ressortisssants d'éviter les voyages dans ce pays et de "réévaluer la nécessité d'y demeurer" s'ils s'y trouvent déjà.

Moscou a rappelé une partie de son personnel diplomatique, disant craindre des "provocations" adverses.

Les Etats-Unis ont ordonné le départ de l'essentiel du personnel de leur ambassade américaine à Kiev, relevant qu'une offensive russe pouvait "commencer à tout moment". L'ambassade maintiendra une petite présence consulaire à Lviv (ouest de l'Ukraine).

Le Canada ferme temporairement son ambassade à Kiev et déplace également ses opérations dans un bureau temporaire à Lviv, tout comme l'Australie qui y évacue ses derniers diplomates encore en poste à Kiev. Les institutions de l'Union européenne ont recommandé à leurs personnels non essentiels de la représentation à Kiev de partir pour télétravailler depuis l'étranger. La Roumanie a décidé de retirer le personnel non essentiel de son ambassade à Kiev. Israël a décidé "d'évacuer les familles des diplomates et du personnel de son ambassade".