Pénurie de main d'oeuvre en Grande-Bretagne : le manque d'anticipation de Boris Johnson

Par latribune.fr  |   |  766  mots
Ces derniers jours et malgré des appels du gouvernement à ne pas paniquer, les stations-service ont été prises d'assaut en raison de ruptures de stocks qui touchent aussi les rayons de produits agroalimentaires. (Crédits : POOL)
Pour lutter contre les pénuries de main d'oeuvre dans le transport routier, le Royaume-Uni va accorder dans l'urgence 10.500 visas de travail provisoires (trois mois). Selon la présidente de la Chambre de commerce britannique, le nombre de visas est "insuffisant" pour "régler un problème d'une telle ampleur".

Et Boris Johnson se ressaisit dans la précipitation. Le Royaume-Uni va accorder jusqu'à 10.500 visas de travail provisoires en réponse à des pénuries de main d'œuvre, un virage inattendu en matière d'immigration après le Brexit pris samedi par Londres. Ces permis de trois mois, d'octobre à décembre, doivent pallier un manque criant de chauffeurs routiers mais aussi de personnel dans des secteurs clés de l'économie britannique, comme les élevages de volailles. Ces derniers jours et malgré des appels du gouvernement à ne pas paniquer, les stations-service ont été prises d'assaut en raison de ruptures de stocks qui touchent aussi les rayons de produits agroalimentaires. Pour l'instant, le gouvernement n'a pas donné suite aux appels l'exhortant à déployer des soldats pour aider à la distribution du carburant.

Cette décision de rouvrir les vannes de l'immigration professionnelle va à l'encontre de la ligne défendue par le Premier ministre Boris Johnson, dont le gouvernement ne cesse d'insister pour que le Royaume-Uni ne dépende plus de la main d'oeuvre étrangère. Pendant des mois, le gouvernement a essayé d'éviter d'en arriver là, malgré les avertissements de nombreux secteurs économiques. Outre ces visas de travail, d'autres mesures exceptionnelles doivent permettre d'assurer l'approvisionnement avant les fêtes de Noël, a mis en avant le secrétaire aux Transports, Grant Shapps. Les examinateurs du ministère de la Défense seront mobilisés pour faire passer des milliers de permis poids-lourds dans les semaines qui viennent.

Londres pointe la responsabilité des transporteurs routiers

Selon la fédération britannique du transport routier (RHA), la Grande-Bretagne a besoin de 100.000 routiers supplémentaires pour faire face à la demande. Le ministre des Transports a ouvertement mis en cause l'attitude des transporteurs routiers, leur reprochant de créer délibérément une situation de blocage. "Ils veulent désespérément avoir plus de routiers européens pour réduire les salaires des Britanniques", a accusé Grant Shapps sur Sky News. En attendant de trouver une solution, le ministre a appelé les Britanniques à ne pas céder à la panique.

Les images de files interminables de voitures aux stations service, qui s'ajoutent à celles de rayons vides dans certains supermarchés, accentuent la pression sur le gouvernement qui les attribue à la pandémie de COVID-19 plutôt qu'au Brexit. Grant Shapps a appelé dimanche ses compatriotes à se "comporter normalement" pour leurs achats d'essence, assurant qu'il n'y a pas de pénurie de carburant. "Il y a énormément de carburant, il n'y a pas de pénurie de carburant dans le pays", a-t-il martelé. "Il faut donc que les gens se comportent normalement, qu'ils remplissent le réservoir de leur voiture comme ils le feraient en temps normal, et ainsi il n'y aura pas de queues et pas de rupture d'approvisionnement dans les stations services", a assuré le ministre.

"Éteindre un feu de camp avec un verre d'eau"

Le ministère de l'Éducation et ses agences partenaires vont débloquer des millions de livres sterling pour former 4.000 camionneurs en mettant sur pied des camps de formation afin d'accélérer le rythme. Grant Shapps a aussi appelé les employeurs à jouer le jeu "en continuant d'améliorer les conditions de travail et les salaires pour retenir de nouveaux chauffeurs". Sous pression, le gouvernement va battre le rappel de tous les détenteurs du permis poids-lourds : un million de lettres doivent partir pour demander à ceux qui ne conduisent pas de retourner au travail.

Toutefois, la présidente de la Chambre de commerce britannique Ruby McGregor-Smith a estimé que le nombre de visas était "insuffisant" et "pas assez pour régler un problème d'une telle ampleur". "Cette annonce équivaut à vouloir éteindre un feu de camp avec un verre d'eau", a-t-elle estimé. Boris Johnson faisait face à une pression croissante. La crise du Covid-19 et les conséquences du Brexit ont accentué les pénuries, qui se conjuguent à une envolée des prix de l'énergie.

Distribution et agroalimentaire plongés dans l'inquiétude

Des usines, des restaurants, des supermarchés sont affectés par le manque de chauffeurs routiers depuis des semaines, voire des mois. Le groupe de produits surgelés Iceland et la compagnie de vente au détail Tesco ont mis en garde contre des pénuries à l'approche de Noël. La chaîne de restauration rapide McDonald's s'est trouvée en rupture de milkshakes et de boissons le mois dernier. Son concurrent KFC a été contraint de retirer des articles de son menu, tandis que la chaîne Nando's a fermé provisoirement des douzaines de restaurants faute de poulets.