Pétrole, gaz, Swift... l'UE se prépare à une rupture totale avec Moscou

Par latribune.fr  |   |  982  mots
Dimitri Peskov, porte-parole du Kremlin. (Crédits : MAXIM SHEMETOV)
"Nous devons nous préparer à une suspension des approvisionnements", a averti la Commissaire européenne à quelques heures de la présentation de son sixième train de sanctions à l'encontre de la Russie de Vladimir Poutine. Au menu, un échelonnage progressif de l'embargo sur le pétrole, une potentielle rupture des contrats de gaz et une extension de Swift, sur fond de dialogue proche de la rupture entre le Kremlin et les Occidentaux.

Après la découverte de plusieurs crimes commis en Ukraine par des militaires russes, le 6ème paquet de sanctions de l'Union européenne est particulièrement attendu ce mardi. Tandis que les cinq premiers visaient principalement des avoirs russes, la Commission européenne doit détailler cette fois-ci un calendrier d'arrêt progressif des importations de pétrole russe, qui représentent 30% des importations de pétrole de l'Union. Autrement dit, il s'agit de commencer à peser réellement sur le financement de la guerre menée par le Kremlin.

Si cet embargo sur le pétrole échelonné dans le temps est confirmé par les 27, celui-ci pourrait être un tournant dans le conflit déclenché par la Russie depuis le 24 février. Jusqu'ici les achats en direction de la Russie restaient massifs et plusieurs pays particulièrement dépendants du gaz russe, tel l'Allemagne, affichent des résistances.

En théorie, l'arrêt des achats de pétrole et de produits pétroliers à la Russie sera progressif, sur six à huit mois, mais avec des mesures à effet immédiat, notamment une taxe sur le transport par tankers, a confié un responsable européen.

Vers une rupture des contrats

L'autre riposte européenne doit se trouver sur le refus de payer ses achats de gaz à la Russie en roubles. Dès lors, l'UE doit se préparer à une rupture dans ses approvisionnements, ont averti la Commission européenne et la présidence française du Conseil à l'issue d'une réunion d'urgence des ministres de l'Énergie des 27 à Bruxelles.

La demande de Moscou de payer les achats en roubles est "une modification unilatérale et injustifiée des contrats et il est légitime de la rejeter", a déclaré la commissaire à l'Énergie Kadri Simson.

"97% des contrats (conclus par les entreprises européennes) spécifient la devise pour le paiement et il s'agit soit de l'euro, soit du dollar américain", a-t-elle précisé.

Kadri Simson a affirmé ne pas avoir connaissance d'ouverture de comptes en roubles. "Des paiements sont prévus pour la mi-mai et la majorité des entreprises respecteront les règles des contrats", a-t-elle assuré. La ministre française de la Transition écologique Barbara Pompili, présidente de la réunion, a confirmé la "volonté de respecter les contrats".

L'Europe à court de gaz

Or, la Pologne et la Bulgarie ont réglé leurs achats dans la devise prévue dans leurs contrats avec Gazprom, le géant gazier russe, et ont refusé d'ouvrir un second compte en roubles. La compagnie gazière russe a en rétorsion suspendu ses livraisons, considérant que le règlement n'avait pas été effectué.

"Il n'y a pas de risques immédiats pour les approvisionnements", a assuré la Commissaire. "Mais nous ne pourrons pas remplacer les 150 milliards de m3 de gaz achetés à la Russie par d'autres sources. Ce n'est pas tenable", a-t-elle reconnu.

"Nous pouvons gérer le remplacement de 2/3 des approvisionnements en gaz russe", a-t-elle précisé. En remplacement, ce sont les livraisons de gaz naturel liquéfié (GNL) américaines qui sont attendues.

Extension du blocage de Swift

Les nouvelles sanctions concerneront aussi "le secteur bancaire, il y aura d'autres banques russes qui sortiront de Swift", a précisé le haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères, Josep Borrell, en visite à Panama, en référence au système interbancaire qui permet de communiquer rapidement et de manière sécurisée sur les transactions.

Plusieurs sources diplomatiques européennes avaient indiqué ce week-end que la plus importante banque russe, la Sberbank, qui représente 37% du marché, devait ainsi être exclue de Swift.

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L'annexion de la Crimée

Toutes ces sanctions économiques imposées par l'UE à la Russie depuis l'invasion de l'Ukraine ne seront pas levées tant qu'un accord de paix n'aura pas été conclu entre Moscou et Kyiv, a déclaré lundi le chancelier allemand Olaf Scholz.

"Notre objectif est que la Russie mette fin à la guerre et retire ses troupes du territoire ukrainien", a déclaré le dirigeant allemand lors d'un entretien accordé à la chaîne publique ZDF.

'UE n'acceptera jamais le fait accompli de l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, a-t-il ajouté. Une annexion qui avait déclenché les premières sanctions occidentales.

Hitler "avait du sang juif"

Sur le front diplomatique, les relations continuent de se détériorer avec la Russie. Le ministre des Affaires étrangères israélien Yaïr Lapid a fustigé lundi les propos de son homologue russe Lavrov, qui avait affirmé qu'Hitler "avait du sang juif" et a convoqué l'ambassadeur russe pour obtenir des "clarifications".

Le président ukrainien Volodymyr "Zelensky fait valoir cet argument: comment le nazisme peut-il être présent (en Ukraine) s'il est lui-même juif. Je peux me tromper, mais Hitler avait aussi du sang juif", avait dit M. Lavrov, dont la déclaration a été retranscrite sur le site de son ministère.

La Russie a répété à maintes reprises vouloir "dénazifier" l'Ukraine. Depuis l'invasion du pays par les Russes, le 24 février, l'Etat hébreu a tenté de maintenir un équilibre délicat entre Kiev et Moscou, mais les propos dimanche de M. Lavrov ont suscité l'indignation.

De son côté, le Premier ministre britannique Boris Johnson va s'adresser mardi par visioconférence au Parlement ukrainien, une première pour un dirigeant occidental depuis le début de l'invasion russe, et annoncer 300 millions de livres d'aides militaires supplémentaires à Kiev.

Le Danemark et la Suède ont annoncé lundi la réouverture de leurs ambassades à Kiev, en signe de soutien à l'Ukraine contre l'invasion russe.

Enfin, sur le front militaire, l'Ukraine espère pouvoir reprendre mardi l'évacuation des civils de la ville assiégée de Marioupol.

(Avec AFP et Reuters)