Pétrole : le Venezuela se décrète en "état d'urgence économique"

Par Lyse Le Runigo  |   |  702  mots
Nicolas Maduro, président socialiste du Venezuela, affronte la colère de l'opposition alors qu'il vient de voir confirmer son décret "d'état d'urgence économique" lui permettant de jouir de pouvoir élargis pour faire face à la dure crise économique qui frappe son pays.
Le Tribunal suprême de justice du Venezuela (TSJ) a validé le décret du président Nicolas Maduro instaurant cette situation d'exception pour 60 jours, ignorant le rejet formulé le 22 janvier dernier par le Parlement. En réponse, le chef du Parlement a appelé vendredi l'opposition -majoritaire à l'Assemblée- à accélérer la procédure pour raccourcir le mandat du président socialiste Nicolas Maduro.

L'état d'urgence est décidément un concept à la mode. Le Venezuela, particulièrement affecté par la chute des cours du pétrole et en situation d'hyperinflation record, s'est officiellement placé en "état d'urgence économique" ce vendredi. Le Tribunal suprême de justice du Venezuela (TSJ) a en effet validé un décret du président Nicolas Maduro pris le 5 janvier 2016, faisant fi du rejet formulé le 22 janvier par le Parlement, où l'opposition domine.

Le décret "est entré en vigueur à partir de sa publication et sa légitimité, sa validité, sa vigueur et son efficacité juridico-constitutionnelle sont irrévocables, conformément à ce qui est prévu" dans la loi, a estimé le TSJ dans un avis publié jeudi soir sur sa page internet.

La "parole sainte" du Tribunal suprême de la justice...

Le texte prévoit notamment le recours par le gouvernement aux moyens des entreprises privées (transport, distribution) pour "garantir l'accès" aux aliments, médicaments et biens de première nécessité et le contrôle des changes, alors que l'été dernier, le prix d'une boîte d'œufs avoisinait les 90 euros, occasionnant de nombreux pillages.

"Cela facilite beaucoup le travail", a réagi le président socialiste Nicolas Maduro sur les antennes de la télévision d'Etat, précisant qu'il annoncerait les premières mesures dans les prochains jours.

"Le Tribunal suprême de justice a parlé, sa parole est sainte et doit être respectée par tous les secteurs et toutes les institutions", a-t-il insisté.

...Et les accusations d'entrave au pouvoir législatif

Sur Twitter, le député d'opposition Juan Guaido s'est lui insurgé : "Le TSJ ne peut pas usurper les compétences du pouvoir législatif". Le député José Guerra, l'un des plus critiques envers le décret, a estimé que le Tribunal suprême "croit être un Etat au sein de l'Etat" et "pense être au-dessus de la volonté du peuple".

Le décret, instituant cet état d'urgence pour 60 jours avait été pris par Nicolas Maduro le 15 janvier. Mais il avait été rejeté une semaine plus tard par le Parlement, tenu par l'opposition. Saisie par des dirigeants du parti au pouvoir, la chambre constitutionnelle du TSJ leur a finalement donné raison.

Maduro sur la sellete?

En réaction, le président du Parlement Henry Ramos Allup a décidé d'accélérer la procédure pour éjecter Nicolas Maduro de son siège présidentiel plus tôt que prévu. Le mandat du dirigeant socialiste, ancien chauffeur de bus adoubé en 2012 par un Hugo Chavez mourant, doit normalement s'achever en 2019.

Le président du Parlement, qui réclame une réduction de quatre à six ans du mandat de Maduro, n'a pas eu de mots assez durs pour le pouvoir: "Dans les prochains jours, nous devrons faire déjà une proposition concrète de sortie (du pouvoir) de ce malheur national qu'est le gouvernement, a-t-il annoncé.

Et ce, même si les procédures envisagées nécessitent le feu vert d'organismes réputés proches du gouvernement, compliquant les chances d'aboutir.

Craintes pour la propriété privée et les emplois

L'opposition, mais aussi les syndicats et les milieux d'affaires, craignaient que le décret menace la propriété et l'entreprise privées, détruise le pouvoir d'achat et nuise à l'emploi, rejetant de manière globale la poursuite des mêmes stratégies inefficaces face à la crise. Le pays sud-américain, autrefois un riche producteur pétrolier grâce à ses immenses réserves de brut - les plus importantes au monde -, est plongé dans une grave crise économique avec la chute des cours du pétrole.

Dans un article publié au début du mois de février, le Forum économique mondial s'interroge d'emblée: qui du gouvernement ou de l'économie, va "totalement" s'effondrer le premier ? Ce qui est sûr, c'est qu'aucune de ces deux dégringolades ne donne autant le vertige que celle de la devise vénézuélienne, le bolivar, qui a accusé une perte de valeur de pas moins de 93% en deux ans!

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