Pourquoi Donald Trump veut aussi se débarrasser de Jerome Powell (Fed)

Par Nabil Bourassi  |   |  812  mots
Jerome Powell a été nommé en février dernier président de la Réserve fédérale américaine par Donald Trump, en remplacement de Janet Yellen. (Crédits : Carlos Barria)
Le président américain reproche au président de la Réserve fédérale américaine une politique monétaire trop restrictive. Il vient pourtant d'assouplir son programme de hausse de taux, mais a tenu à réaffirmer son indépendance du pouvoir politique. L'entourage de Donald Trump assure qu'il n'y a aucune volonté de limogeage de Jerome Powell.

La liste des limogés et - ou - démissionnaires ne cesse de s'allonger aux Etats-Unis ! Après Jeff Sessions du ministère à la Justice, puis James Mattis à la Défense, pour les plus récents, Donald Trump réfléchit à mettre Jerome Powell à la porte de la Réserve fédérale américaine (Fed), là où il l'avait pourtant nommé en février dernier. Le président américain voulait alors remplacer la pourtant très appréciée Janet Yellen. Selon lui, le virage de politique monétaire que celle-ci avait enclenché, n'était pas favorable à l'économie américaine.

Et pourtant, depuis sa prise de fonction à la tête de la Fed, Jerome Powell n'a pas fait autre chose que de poursuivre cette politique. Dans un tweet publié ce lundi, Donald Trump, a d'ailleurs estimé que "le seul problème que notre économie a est la Fed", alors que l'institution a relevé les taux d'intérêt et abaissé les prévisions de croissance pour 2018 et 2019. "Ils ne sentent pas le marché, ils ne comprennent pas nécessairement les guerres commerciales", a-t-il ajouté.

Un taux de chômage au plus bas

Si Jerome Powell s'applique à poursuivre la politique de sa prédécesseur, c'est d'abord parce que l'économie américaine a retrouvé des fondamentaux solides qui n'ont cessé de se confirmer tout au long de l'année 2018 au point que le taux de chômage ne pèse plus que 3,7% des actifs. Ensuite, parce que le programme de resserrement monétaire est extrêmement progressif. Enclenché en 2015 et parti de quasiment zéro, les taux directeurs appliqués par la banque centrale américaine sont aujourd'hui compris entre 2,25 et 2,5%, soit un taux plus de deux fois plus faible que celui en vigueur avant la crise des subprimes en 2008. Enfin, parce que même s'il le voulait, Jerome Powell doit faire adopter les décisions par un conseil des gouverneurs. Or, celui-ci a voté les dernières décisions à l'unanimité.

La Réserve fédérale américaine est convaincue qu'il faut maintenir cette "trajectoire", y compris si l'objectif d'inflation n'est toujours pas atteint. Elle juge en effet, que la hausse des prix est inéluctable et qu'il s'agit de la garder sous contrôle à tout prix. Avec un taux de chômage aussi bas, elle estime que les entreprises pourraient être tentées d'augmenter les salaires massivement et ainsi accélérer brutalement l'inflation. L'obsession de la banque centrale est d'arriver trop tard et de se retrouver face à une spirale inflationniste qui échapperait à son contrôle.

Le billet vert est trop fort

Mais Donald Trump s'inquiète, lui, des conséquences de la hausse des taux sur le dollar. Avec des taux d'intérêts plus rémunérateurs, le billet vert gagne en attractivité et donc en valeur... Pour le président américain, c'est une mauvaise nouvelle pour les exportations américaines qui sont donc plus chères. Mais Jerome Powell l'assure "les considérations politiques ne jouent aucun rôle" dans les décisions de la Fed. "Une nouvelle erreur", "décision incroyable", a rétorqué, de son côté Donald Trump.

Le président de la Fed consent néanmoins à atténuer la "trajectoire" qu'il s'était fixé. Il a ainsi annoncé qu'il ne procéderait qu'à seulement deux hausses de taux d'intérêt en 2019 contre trois prévues. La Fed constate que les marchés ont marqué un net ralentissement depuis cet automne, tandis que l'inflation, loin d'avoir atteint l'objectif de 2%, semble ralentir. Les marchés ont été rassurés de voir que la Fed restait pragmatique. La semaine dernière, Wall Street a effectivement enregistré sa plus forte baisse depuis 2008. Mais pour Donald Trump, la Fed devrait revenir sur une stratégie beaucoup plus souple. Selon lui, l'institution est trop technocrate, aux antipodes de sa gestion instinctive et court-termiste.

Un précédent historique

Sa réflexion autour du départ de Jerome Powell a toutefois été démentie par son secrétaire d'Etat au Trésor. "Je n'ai jamais suggéré de congédier Jay Powell", selon des propos rapportés par Steven Mnuchin qu'il attribue au président Trump.

S'il devait démettre Jerome Powell de ses fonctions, le président américain engagerait une procédure inédite qui non seulement créerait un précédent historique, mais remettrait directement en cause l'indépendance de cette institution. Sans pour autant être certain que cela rassurerait les marchés...