Biden accuse Poutine d’être responsable de la mort de Navalny

Par latribune.fr  |   |  1695  mots
En décembre dernier, Alexeï Navalny avait indiqué être arrivé dans un nouveau lieu de détention dans l'Arctique russe et assurait aller bien. (Crédits : YULIA MOROZOVA)
L'adversaire numéro 1 du Kremlin purgeait une peine de 19 ans de prison. Les services pénitentiaires (FSIN) de la région arctique de Iamal ont indiqué ce vendredi qu'il était décédé après s'être « senti mal après une promenade ». Sa porte-parole a indiqué que ses soutiens n'avaient pas été prévenus de sa mort. Alexeï Navalny « a payé de sa vie sa résistance à un système d'oppression », a réagi le chef de la diplomatie française.

[Article publié le vendredi 16 février 2024 à 13H30 et mis à jour à 19H30] Emprisonné dans la prison de l'Arctique, l'opposant russe Alexeï Navalny est mort ce vendredi. « Le 16 février 2024, dans le centre pénitentiaire N°3, le prisonnier Navalny A.A. s'est senti mal après une promenade et a presque immédiatement perdu connaissance », ont indiqué les services pénitentiaires (FSIN) de la région arctique de Iamal dans un communiqué.

« Tous les gestes de réanimation nécessaires ont été pratiqués mais n'ont pas donné de résultat positif. Les médecins urgentistes ont constaté la mort du patient. Les causes de la mort sont en train d'être établies », ont ajouté les services pénitentiaires dans leur communiqué.

« Les médecins arrivés sur place ont poursuivi les opérations de réanimation qu'avaient déjà menées les médecins de la prison. Ils les ont poursuivies plus de 30 minutes. Cependant le patient est décédé », a indiqué un hopital public de la ville de Labytnangui, situé à proximité de la colonie pénitentiaire.

« Si c'est la vérité, je voudrais que Poutine, tout son personnel, tout son entourage, tout son gouvernement, ses amis, sachent qu'ils seront punis pour ce qu'ils ont fait à notre pays, à ma famille et à mon mari. Ils seront traduits en justice et ce jour viendra bientôt », a déclaré Ioulia Navalnaïa, son épouse, à la tribune de la Conférence de Munich pour la sécurité.

Elle a lancé « un appel » pour que Vladimir Poutine soit tenu « personnellement responsable de toutes les atrocités commises ».

Navalny incarcéré depuis janvier 2021

Depuis l'annonce de la mort de Navalny, les hommages se sont multipliés. Plusieurs responsables occidentaux ont immédiatement pointé du doigt la responsabilité de Moscou. Le Kremlin a assuré vendredi que les accusations et critiques occidentales envers Moscou après la mort en prison du principal opposant russe étaient « absolument inacceptables », tout en assurant ne pas savoir dans l'immédiat la cause du décès.

« Il n'y a aucune information sur la cause du décès et pourtant de telles déclarations se succèdent (...). Nous considérons que de telles déclarations sont absolument inacceptables », a déclaré Dmitri Peskov, le porte-parole de Vladimir Poutine, cité par les agences de presse russes.

Joe Biden s'est notamment dit vendredi « scandalisé » par la mort de l'opposant russe, une « voix puissante pour la vérité », et a affirmé que le président russe Vladimir « Poutine était responsable ».« Nous ne savons pas exactement ce qui s'est passé », a toutefois précisé le président américain lors d'une allocution à la Maison Blanche.

Le Haut Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme s'est dit, lui, « indigné » et a appelé à la « fin des persécutions » en Russie, dans un communiqué diffusé vendredi. « Tous ceux qui sont détenus ou ont été condamnés à diverses peines de prison en raison de l'exercice légitime de leurs droits, notamment du droit à la liberté de réunion et d'expression pacifiques, doivent être immédiatement libérés et toutes les charges retenues contre eux doivent être abandonnées », exige encore le communiqué.

« Si quelqu'un meurt sous la garde de l'Etat on part du principe que l'Etat est responsable - une responsabilité qui ne peut être réfutée que par une enquête impartiale, approfondie et transparente menée par un organisme indépendant », souligne le Haut Commissariat, qui exhorte les autorités russes « à veiller à ce qu'une telle enquête crédible soit menée. »

Incarcéré depuis janvier 2021, l'adversaire numéro 1 du Kremlin s'était vu infliger en août dernier une énième peine : 19 années pour « extrémisme » à passer dans l'un des établissements les plus rudes du système carcéral russe.

Les soutiens de Navalny pas informés de son décès

Le 26 décembre dernier, sa porte-parole Kira Iarmich avait annoncé avoir « trouvé Navalny ». « Il est dans la colonie pénitentiaire numéro 3 de la localité de Kharp », indiquant qu'il allait « bien » et que son avocat lui avait rendu visite. Le voyage vers son nouveau lieu de détention dans l'Arctique russe et qui a duré 20 jours, était « assez fatigant », avait-il lui-même déclaré sur X (ex-Twitter). « Quoi qu'il en soit, ne vous inquiétez pas pour moi. Je vais bien. Je suis soulagé d'être enfin arrivé », avait-il ajouté.

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Pour rappel, il avait survécu de justesse en 2020 à un empoisonnement à l'agent neurotoxique Novitchok alors qu'il était en campagne électorale en Sibérie. Un acte que ses soutiens et lui avaient attribué au Kremlin. Transféré dans le coma en Allemagne pour y être soigné, il avait choisi de rentrer en Russie après sa convalescence, et avait été aussitôt arrêté. Ce empoisonnement, une grève de la faim et des séjours répétés à l'isolement, l'avaient marqué physiquement.

Ce vendredi, Kira Iarmich a affirmé que les soutiens de celui-ci n'avaient pas été informés de sa mort en prison et a précisé qu'un de leurs avocats se rendait sur place. Le service pénitentiaire « annonce la nouvelle du décès d'Alexeï Navalny dans la colonie pénitentiaire numéro 3. Nous n'en avons pas encore la confirmation. L'avocat d'Alexeï part en avion pour Kharp (localité où se trouve la prison, NDLR). Nous communiquerons dès que nous aurons une information », a-t-elle écrit sur X (ex-Twitter).

Navalny « a payé de sa vie sa résistance à un système d'oppression »

Alexeï Navalny « a payé de sa vie sa résistance à un système d'oppression », a réagi le ministre français de l'Europe et des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné ajoutant que « sa mort en colonie pénitentiaire nous rappelle la réalité du régime de Vladimir Poutine » et adressant « à sa famille, ses proches et au peuple russe, ses condoléances » au nom de la France.

Le ministre norvégien des Affaires étrangères, Espen Barth Eide, a, lui, estimé que « le gouvernement russe » portait « une lourde responsabilité » dans la mort de l'opposant politique de 47 ans, ajoutant être « profondément attristé » par la nouvelle.

De son côté, le président letton, Edgars Rinkevics, a déploré qu'Alexeï Navalny vienne « d'être brutalement assassiné par le Kremlin ». « Quelle que soit votre opinion sur Alexeï Navalny en tant qu'homme politique, il vient d'être brutalement assassiné par le Kremlin. C'est un fait et c'est quelque chose qu'il faut savoir sur la vraie nature du régime actuel de la Russie », a-t-il affirmé sur le réseau social X (ex-twitter).

Le président du Conseil européen, Charles Michel, a, lui aussi, réagi, disant tenir le « régime russe » pour « seul responsable ».

Le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, s'est dit, de son côté, « profondément bouleversé par la mort d'Alexeï Navalny » et a affirmé que Madrid « (exigeait) que soient éclaircies les circonstances » de ce décès. Il a également souligné que cette mort était « survenue durant son emprisonnement injuste pour raisons politiques » et a présenté ses condoléances à « ses proches » et son « soutien à ceux qui oeuvrent pour la liberté ».

Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez s'est dit « bouleversé » par la mort de l'opposant russe. « Toutes mes condoléances à sa famille et ses amis, ainsi qu'à tous ceux en Russie qui défendent les valeurs démocratiques et payent pour cela le prix fort », a-t-il déclaré sur le réseau social X (anciennement Twitter).

Poutine « devra rendre des comptes »

Quant au président ukrainien, Volodomyr Zelensky, il a dit estimer « évident » que « (Alexeï Navalny) a été tué comme des milliers d'autres qui ont été torturés à mort à cause d'une seule personne, [Vladimir] Poutine, qui ne se soucie pas de qui va mourir tant qu'il conserve sa position », lors d'une conférence de presse commune avec le chancelier Olaf Scholz à Berlin, ajoutant que le président russe « devra rendre des comptes pour ses crimes ».

Le dissident russe, Oleg Orlov, qui est jugé depuis ce vendredi pour avoir dénoncé à plusieurs reprises l'assaut contre l'Ukraine, a fustigé « un crime du régime » de Vladimir Poutine. « C'est une terrible nouvelle, une tragédie pour nous tous », a-t-il déclaré à la sortie de la première audience de son procès à Moscou. Ce vétéran de la défense des droits humains risque jusqu'à cinq années de prison.

« Sa mort dans une prison russe et la fixation et la peur d'un seul homme ne font que souligner la faiblesse et la corruption au cœur du système que Poutine a construit. La Russie est responsable de cette situation », a fustigé de son côté Antony Blinken, patron de la diplomatie américaine, en marge de la Conférence de Munich sur la sécurité, en Allemagne.

(Avec AFP)