La Russie compte-t-elle lancer une arme nucléaire antisatellite dans l'espace ? Les Etats-Unis inquiets

La Russie aurait l'intention d'envoyer une arme antisatellite dans l'espace, selon la Maison Blanche. Mais cette dernière n'a pas précisé si elle avait une dimension nucléaire, ce qu'ont avancé certains médias américains. De son côté, l'Europe réfléchit à renforcer sa propre défense.
La Russie développe bien une arme antisatellite, a déclaré ce jeudi la Maison Blanche.
La Russie développe bien une arme antisatellite, a déclaré ce jeudi la Maison Blanche. (Crédits : Reuters)

La Russie a-t-elle l'intention de placer une arme nucléaire antisatellite dans l'espace ? C'est ce qu'ont assuré des médias américains. En effet, mercredi, le chef de la commission du renseignement de la Chambre des représentants avait semé le trouble à Washington en invitant publiquement ses pairs au Congrès à passer en revue des « informations relatives à une grave menace pour la sécurité nationale », sans autre détail.

Le mystère a néanmoins été rapidement levé. La Russie développe bien une arme antisatellite, a déclaré ce jeudi la Maison Blanche, estimant qu'il s'agit d'un élément « inquiétant » mais qui ne représente toutefois pas « une menace immédiate ». Le porte-parole du Conseil national de sécurité de la Maison Blanche a toutefois refusé de préciser si elle avait une dimension nucléaire ou non.

Elle n'a pas été « déployée », a tenté de rassurer John Kirby, ajoutant :

« Même si cette activité de la Russie est inquiétante, il n'y a pas de menace immédiate pour la sécurité de quiconque ». « On ne parle pas là d'une arme qui peut être utilisée pour attaquer des êtres humains ou provoquer des destructions sur la Terre », a-t-il encore précisé.

Lire aussiAirbus et Thales vont devoir réviser à la hausse le prix des satellites de nouvelle génération (2/3)

Menace dans l'espace

Pourtant, un tel dispositif serait contraire au Traité sur l'espace de 1967, dont les Etats-Unis et la Russie font partie, et qui interdit le déploiement d'armes nucléaires dans l'espace. Qui plus est, elle pourrait menacer les astronautes voyageant en orbite terrestre basse ou encore endommager des satellites militaires ou civils, a indiqué John Kirby, assurant que les Etats-Unis « suivent la situation de près » et continueront « à la prendre très au sérieux ».

Washington a donc vite réagi. Le président Joe Biden a été informé de cette menace et a ordonné à des responsables de rentrer en contact avec Moscou à propos de ce sujet. Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche Jake Sullivan s'est par ailleurs rendu au Congrès jeudi pour présenter un briefing à un groupe de huit élus ayant accès aux renseignements américains les plus sensibles. En déplacement à Tirana avant de se rendre à la Conférence sur la sécurité de Munich, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a lui précisé jeudi que les Etats-Unis discutaient de cette menace avec leurs alliés.

Lire aussiL'inquiétant trou d'air des constructeurs de satellites tricolores (1/2)

Manœuvre de l'exécutif

Moscou n'a pas tardé à réagir à ces informations. Après le communiqué mercredi du chef de la commission du renseignement de la Chambre des représentants, Mike Turner, qui avait provoqué les spéculations dans le pays de l'Oncle Sam, Moscou avait qualifié les informations en provenance des Etats-Unis de « malveillantes » et « sans fondement ».

Pour le Kremlin, il est « évident » qu'il s'agit d'une manœuvre de l'exécutif américain qui tente de faire passer l'enveloppe d'aide à l'Ukraine, bloquée depuis des mois au Congrès. Pour rappel, le Sénat américain, à majorité démocrate, a bien approuvé mardi une nouvelle enveloppe comprenant 60 milliards de dollars pour Kiev, qui réclame désespérément de l'aide à ses alliés occidentaux dans sa guerre contre la Russie. Mais le chef républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson, refuse tout vote sur le projet. Une autre enveloppe sur l'aide à l'Ukraine avec des fonds pour Israël et un volet sur l'immigration avait été rejetée plus tôt par le Sénat, les élus conservateurs assurant qu'il n'était pas assez ferme.

Des propos qualifiés jeudi de « conneries » par John Kirby. La divulgation de cette information mercredi a, qui plus est, irrité la Maison Blanche. Le porte-parole du Conseil national de sécurité de la Maison Blanche a annoncé que l'exécutif allait chercher à déterminer si les sources et les méthodes des services de renseignement américains avaient été compromises.

Lire aussiSatellites espions : le ministère des Armées enfin prêt à lancer une nouvelle génération

Bouclier atomique européen

Et face à cette montée des menaces nucléaires, l'Europe réfléchit de plus en plus à renforcer sa propre défense. Notamment depuis les propos chocs de Donald Trump, qui pourrait être réélu à la présidence des Etats-Unis. Ce dernier a ainsi menacé de ne plus garantir la protection des pays de l'Otan face à la Russie, s'ils ne payaient pas leur part.

Une figure du parti social-démocrate d'Olaf Scholz, Katarina Barley, a confié qu'un bouclier atomique européen « pourrait être un sujet ». Des mots qui ont déclenché de vifs débats dans le pays Outre-Rhin anti-nucléaire et pacifiste. L'ancien ministre des Affaires étrangères Joschka Fischer s'était également prononcé en décembre pour une dissuasion nucléaire européenne. « La République fédérale devrait-elle posséder des armes nucléaires ? Non, l'Europe ? Oui », car « le monde a changé », avait estimé cette figure des Verts, parti pourtant né de l'opposition au nucléaire.

Encore mardi, c'est le ministre des Finances Christian Lindner qui a jugé nécessaire de réfléchir à l'organisation d'une dissuasion nucléaire européenne en coopération avec la France et la Grande-Bretagne, les deux puissances nucléaires du continent.

Lire aussiAprès les railleries de Trump, l'Otan annonce des dépenses militaires en hausse

Nombreux obstacles

Cependant, les obstacles restent nombreux. « L'UE aurait l'argent et le savoir-faire mais tant que les Etats-Unis d'Europe n'existent pas, le modèle ne peut pas fonctionner », estime Markus Kaim, expert en sécurité internationale à l'institut allemand SWP. Et qui pour décider, par exemple, de l'usage des armes nucléaires ? Les Français, seul membre de l'UE à posséder l'arme nucléaire depuis le Brexit, seraient-ils disposés à partager le contrôle de leurs armes nucléaires avec leurs alliés ?

Élargir le parapluie nucléaire français à toute l'Europe « est très irréaliste, tant d'un point de vue politique que militaire et technique », tranche Lydia Wachs, chercheuse en relations internationales rattachée à l'université de Stockholm. En 2020, Emmanuel Macron avait proposé aux pays de l'UE un « dialogue stratégique » sur le « rôle de la dissuasion nucléaire française pour notre sécurité collective ».

(avec AFP)

Commentaires 7
à écrit le 17/02/2024 à 9:11
Signaler
Tout comme je ne comprendrais jamais que dans ce monde soit disant aux prises avec le mal, les avions de ligne, cibles faciles et faisant le buzz immédiatement, sont épargnés autant quand même ces satellites sont des cibles particulièrement vulnérabl...

à écrit le 17/02/2024 à 0:29
Signaler
Ca pourrait faire pense aux premiers missiles air-sol nucléaires soviétiques qui étaient très puissants pour détruire la cible même en tapant 5km à côté, ce qui n'était pas étonnant tant le pays partait de loin...

à écrit le 16/02/2024 à 15:46
Signaler
"La Russie aurait l'intention d'envoyer une arme antisatellite dans l'espace, selon la Maison Blanche." Seuls quatre pays ont procédé à des tirs de tels missiles : les États-Unis d'Amérique (dernier tir en 1985, abandon officiel, puis nouveau tir ...

à écrit le 16/02/2024 à 15:45
Signaler
Je ne sais pas si c'est vrai et sérieux, mais il faut se rendre compte que Poutine est fou dans le sens médical du terme et aime jouer à la surenchère peu importe ses propres dégâts à long terme. Ainsi, peu importe que les Russes ont leur propres sat...

le 16/02/2024 à 23:29
Signaler
Tu oubli les faits historiques : Les deux précédentes guerres mondiales ont été provoquées par l'occident. Les premières bombes atomiques ont été fabriquées et lancée par l'occident. Elles ont été utilisées pour exterminer deux villes japonaises habi...

à écrit le 16/02/2024 à 13:00
Signaler
...? Là, j'ai vraiment des doutes sur cette info🥴

à écrit le 16/02/2024 à 12:34
Signaler
Que c'est charmant, on veut nous prévenir du danger que l'on court en faisant référence au "malin"... comme quoi le terrorisme médiatique existe bel et bien ! ;-)

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.