Russie : l’opposant Alexeï Navalny envoyé dans une colonie pénitentiaire… en Arctique

Après plusieurs semaines sans avoir eu de nouvelles, l'opposant russe Alexeï Navalny a été transféré dans une colonie pénitentiaire dans l'Arctique russe. Un transfert qui intervient trois mois avant la présidentielle alors que Vladimir Poutine brigue un nouveau mandat.
Militant anticorruption et ennemi numéro un de Vladimir Poutine, Alexeï Navalny, 47 ans, purge pour rappel une peine de 19 ans de prison.
Militant anticorruption et ennemi numéro un de Vladimir Poutine, Alexeï Navalny, 47 ans, purge pour rappel une peine de 19 ans de prison. (Crédits : GRIGORY DUKOR)

L'opposant russe emprisonné Alexeï Navalny, dont les proches n'avaient plus de nouvelles depuis près de trois semaines, est enfin réapparu ce lundi. Il a été transféré dans une colonie pénitentiaire de Kharp, dans l'Arctique russe, une région isolée. Une absence qui avait également suscité la préoccupation de plusieurs capitales occidentales et de l'ONU. La Maison Blanche s'était notamment dite « très préoccupée » et avait à nouveau exigé la libération de l'opposant.

Militant anticorruption et ennemi numéro un de Vladimir Poutine, Alexeï Navalny, 47 ans, purge pour rappel une peine de 19 ans de prison pour « extrémisme ». Mais début décembre, l'opposant politique disparaît de la colonie pénitentiaire de la région de Vladimir, à 250 kilomètres à l'est de Moscou, où il était jusque-là détenu. Une indication de son probable transfert vers un autre établissement, qui intervient trois mois avant la présidentielle où Vladimir Poutine vise un nouveau mandat de six ans au Kremlin.

« Nous avons trouvé Navalny. Il est dans la colonie pénitentiaire numéro 3 de la localité de Kharp », a rassuré sa porte-parole Kira Iarmych sur X (ex-Twitter), indiquant que l'opposant « va bien » et que son avocat lui a rendu visite ce lundi. Kharp, petite localité d'environ 5.000 habitants, est située en Iamalo-Nénétsie, région reculée du Nord de la Russie. Elle se trouve au-delà du cercle polaire arctique et plusieurs colonies pénitentiaires y sont situées. Selon l'un de ses proches collaborateurs, Ivan Jdanov, il s'agit de « l'une des colonies les plus septentrionales et les plus éloignées » de Russie.

« Les conditions y sont difficiles », a-t-il expliqué sur X. « Il est très difficile de s'y rendre et il n'y a pas de système de distribution de lettres ou (d'accès téléphonique) », a-t-il ajouté.

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Une peine à purger dans des conditions difficiles

Des conditions difficiles d'autant que le verdict pour « extrémisme » prononcé contre Alexeï Navalny le 4 août 2023, indique qu'il doit purger sa peine dans une colonie à « régime spécial ». Une catégorie d'établissements où les conditions de détention sont les plus rudes et qui sont d'ordinaire réservés aux condamnés à perpétuité et aux détenus les plus dangereux. Une colonie à « régime spécial » est justement située à Kharp, la colonie numéro 18 « Hibou polaire », bien qu'Alexeï Navalny soit actuellement détenu dans une autre.

« Dès le début, il est apparu clairement que les autorités voulaient isoler Alexeï, en particulier avant l'élection » présidentielle prévue en mars 2024, a encore réagi Ivan Jdanov. Les transferts d'une colonie pénitentiaire à une autre en Russie prennent souvent plusieurs semaines de voyage par train avec des étapes, les proches des détenus restant sans nouvelles pendant cette période.

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Nouvelles poursuites

Le mouvement d'Alexeï Navalny a été méthodiquement éradiqué ces dernières années par les autorités, poussant ses collaborateurs et alliés à l'exil ou en prison. Son Fonds de lutte contre la corruption a été déclaré « extrémiste » en 2021 et les autorités ont lancé jeudi dernier un avis de recherche contre sa directrice, Maria Pevtchikh, qui a fui à l'étranger. Elle est recherchée en vertu d'un article du code pénal, peut-on lire sur la base de données du ministère russe de l'Intérieur. Il n'est toutefois pas précisé en vertu de quel article celle qui vit en exil à Londres et qui est déjà considérée par les autorités comme « agente de l'étranger », est recherchée. Dans les faits, cela empêche cette critique du Kremlin de rentrer en Russie sous peine de se faire arrêter. « Dangereuse ! », a-t-elle ironisé en réaction sur le réseau social X (ex-Twitter) en accompagnant son message de sa photo sur le site du ministère russe.

Début décembre, les autorités russes ont également engagé de nouvelles poursuites pour « vandalisme » contre le militant anticorruption, ce qui pourrait ajouter trois années de détention supplémentaires à sa peine.

Navalny et son combat contre Poutine en 10 dates

Voici 10 dates du combat engagé par l'opposant russe à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny, empoisonné en 2020 et condamné en août à 19 ans de prison.

  •  2007: actionnaire dans des entreprises publiques

Diplômé en droit des affaires, Alexeï Navalny achète à partir de 2007 des actions d'entreprises semi-publiques pour accéder à leurs comptes et exiger leur transparence. La même année, il est exclu du parti d'opposition libéral Iabloko pour ses prises de positions ultra-nationalistes. Sur son site internet Rospil, il traque dès 2010 des faits de corruption dans l'administration.

  • 2011: à la tête des manifestations anti-Poutine

A l'hiver 2011, il prend la tête du mouvement de contestation des législatives remportées par le parti au pouvoir. Les rassemblements sont d'une ampleur inédite depuis l'arrivée au pouvoir de Poutine en 2000. Il écope de ses premières peines de prison et crée la Fondation anti-corruption (FBK).

  • Juillet 2013 : procès pour escroquerie

Il est condamné à cinq ans de camp le 18 juillet 2013 pour détournement d'argent au détriment de Kirovles, exploitation forestière de la région de Kirov (ouest). Dénonçant un procès politique, il obtient en appel une peine avec sursis.

  • Septembre 2013 : candidat à Moscou

Il devient le visage de l'opposition  avec 27,2% des voix à l'élection pour la mairie de Moscou en septembre 2013 face au maire sortant proche de Poutine. Deux ans plus tard, son parti, le Parti du progrès, est interdit.

  • 2017 : les canards de Medvedev

Dans une enquête sur YouTube, il accuse le Premier ministre Dmitri Medvedev d'être à la tête d'un empire immobilier financé par des oligarques. Des milliers de manifestants brandissent des canards en plastique, en référence à une maison miniature dont disposeraient des canards dans l'une des résidences de Medvedev.

  • 2018 : interdit de présidentielle

Il se porte candidat à la présidentielle de 2018, mais la commission électorale le déclare inéligible en raison de sa condamnation dans l'affaire Kirovles.

  • Août 2020 : empoisonnement

Le 20 août 2020, il frôle la mort. Hospitalisé dans un état grave en Sibérie, il est transféré dans le coma à Berlin à la demande de ses proches. Le 2 septembre, Berlin conclut à un empoisonnement par une substance de « type Novitchok », produit neurotoxique développé à des fins militaires à l'époque soviétique. Navalny accuse Poutine. « Inacceptable » pour Moscou.

  • Janvier 2021 : arrêté et emprisonné

Rentré en Russie après sa convalescence, il est arrêté dès son atterrissage à Moscou le 17 janvier 2021. Des dizaines de milliers de sympathisants manifestent. Son entourage divulgue un scoop sur un palais construit par Poutine sur les bords de la mer Noire. L'enquête engrange des dizaines de millions de vues sur YouTube. Le président dément.

Le 2 février, la justice convertit son ancien sursis pour « fraude » en sentence ferme de deux ans et demi. Il est envoyé dans une colonie pénitentiaire à 100 km à l'est de Moscou. Des manifestations de soutien donnent lieu à 10.000 arrestations. Son organisation anti-corruption FBK est fermée pour « extrémisme ».

  • Mars 2022 : 9 ans de prison

Le 20 octobre 2021, il reçoit le prix Sakharov de défense de la liberté de pensée. En Russie, il rejoint la liste des « terroristes et extrémistes ». Jugé coupable d'« escroquerie » et « outrage à magistrat », il est condamné le 22 mars 2022 à neuf ans de prison et transféré dans une prison à 250 km à l'est de Moscou, d'où il pourfend l'invasion de l'Ukraine.

  • Août 2023 : nouvelle condamnation

Le 4 août 2023, il est condamné à 19 ans de prison pour « extrémisme » et doit purger sa peine dans une colonie pénitentiaire où les conditions sont les plus dures. Ses proches disent le 11 ne plus savoir où il se trouve. L'absence suscite la préoccupation de plusieurs capitales occidentales et de l'ONU. Le 25 décembre, sa porte-parole annonce qu'il se trouve dans la colonie pénitentiaire de Kharp, dans l'Arctique russe.

(Avec AFP)

Commentaires 4
à écrit le 26/12/2023 à 12:45
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la plus grande partie du monde ignore totalement qui est ce bonhomme et les rares qui le savent se fichent totalement de ce qu'il lui arrive. En plus, de quoi se plaint-il : le froid conserve non ?

le 27/12/2023 à 5:38
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Une absence qui a suscité la préoccupation de plusieurs capitales occidentales et de l'ONU. La Maison Blanche s'était notamment dite « très préoccupée Le prix Sakharov. Des manifestations anti-Poutine monstres en 2011. 27% des voix aux municipales ...

à écrit le 26/12/2023 à 7:40
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Ah ça il fait le taf le gars ! ^^

à écrit le 25/12/2023 à 18:04
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Un être conçue par les médias pourra sans contexte résister au froid ! ;-)

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