Russie : défaut de paiement "sélectif" avant un défaut général ?

Par latribune.fr (avec AFP)  |   |  671  mots
Incapable de rembourser en dollars, la Russie est passée en défaut de paiement sélectif. (Crédits : Ilya Naymushin)
La crainte d'un défaut de paiement de la Russie commence à se matérialiser sous l'effet des sanctions occidentales. Incapable de rembourser un emprunt en dollars, Moscou a payé en roubles et s'est vu affublé de la note de "défaut sélectif" par l'agence S&P. C'est la dernière étape avant le défaut général.

N'ayant pu régler une dette en dollars en début de semaine, la Russie a été déclarée en "défaut de paiement sélectif" par l'agence de notation S&P Global Ratings. Déjà rétrogradée à plusieurs reprises par les différentes agences (S&P, Fitch et Moody's) depuis le début de la guerre en Ukraine, le pays se rapproche encore un peu plus du défaut de paiement général, déjà jugé imminent par les agences de notation mi-mars.

La Russie s'est pourtant bien acquittée de l'équivalent de 650 millions de dollars le 4 avril, dans les temps, mais elle l'a fait en roubles. Or, un emprunt libellé dans une devise doit être remboursée dans cette même devise. Les agences de notation ont été claires sur le sujet : un coupon en dollar ou en euro ne pourra pas être remboursé en rouble sous peine de voir sa notation se dégrader. C'est donc ce qui s'est passé.

Avec cette notation de défaut sélectif, S&P estime que la Russie n'a pas pu honorer une partie de ses obligations, mais garde une capacité de remboursement sur de prochaines échéances. Il s'agit néanmoins de la dernière note avant le défaut de paiement.

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Un défaut généré par les sanctions internationales

Sur le papier, la Russie n'a pourtant aucun problème pour rembourser sa dette. Le pays est d'ailleurs peu endetté - environ 18% du PIB à la fin 2020, son plus haut niveau depuis 2012 (10%) - et il dispose d'environ 630 milliards de dollars de réserves en devises ou or. Mais les sanctions occidentales ont permis de "geler" environ la moitié de ces réserves.

A cela est venu s'ajouter un changement d'attitude de la part du gouvernement américain. Alors qu'il avait permis pendant plusieurs semaines à la Russie d'utiliser ses devises détenues à l'étranger pour régler des dettes extérieures, le département du Trésor a décidé lundi dernier de ne plus autoriser Moscou à rembourser sa dette avec des dollars détenus dans des banques américaines. Du coup, JPMorgan, qui servait de banque correspondante, a bloqué un paiement.

Reste que le pays encaisse toujours ses revenus liés à l'exportation de gaz, de pétrole et d'autres produits non soumis à embargo. Si les pays de l'Union européenne se sont accordés sur un embargo sur le charbon russe à partir d'août, ce n'est toujours pas le cas pour les hydrocarbures.

C'est en partie grâce à cette manne que le rouble a d'ailleurs retrouvé de la vigueur. Après s'être effondrée début mars sous le coup des premières sanctions internationales, la monnaie russe redécolle depuis un mois. Avec une hausse de 70 % depuis son point bas du 7 mars, le rouble a pratiquement retrouvé son cours d'avant-guerre. Il faut désormais 80 roubles pour faire un dollar, là où il en fallait 140 il y a un mois.

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Un impact limité sur l'économie mondiale

Si la Russie venait à faire défaut, les avis des économistes sont unanimes : l'économie russe pèse peu dans l'économie mondiale, même si certaines spécialités de son économie, notamment dans l'énergie, les engrais et les céréales, peuvent faire mal. Le constat est le même sur les marchés financiers : depuis l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, les investisseurs internationaux se sont peu à peu désengagés de l'exposition au risque russe.

Au total, la situation aujourd'hui semble bien différente de celle de 1998 lorsque le défaut de paiement avait fortement secoué les marchés. Personne ne croit aujourd'hui à un effet de contagion d'un éventuel défaut sur les marchés, ni même à un risque systémique sur le secteur financier et bancaire.