Trois questions autour d'un éventuel défaut de paiement de la Russie

Personne ne sait si le paiement de coupons à hauteur de 117 millions de dollars sur des obligations russes, à échéance du 16 mars, a été réglé ou non. Le gouvernement russe affirme que oui, les porteurs attendent toujours le règlement. Pour les agences de notation, le défaut de paiement russe serait imminent.
La Russie est un pays solvable mais il pourrait techniquement être déclaré en défaut de paiement.
La Russie est un pays solvable mais il pourrait techniquement être déclaré en défaut de paiement. (Crédits : Maxim Shemetov)

Alors que la date limite de paiement des coupons des obligations russes en dollars touchait à son terme mercredi 16 mars, rien n'indique à ce jour que les détenteurs de la dette avaient reçu leur argent. Interrogés par les agences de presse, certains détenteurs d'obligations en Europe et aux États-Unis ont déclaré qu'ils n'avaient encore rien reçu hier au soir, à la fermeture des bureaux.

Pour rappel, il s'agit de coupons à hauteur de 117 millions de dollars sur deux souches obligataires russes et les agences de notation de crédit ont prévenu qu'un défaut de paiement sur la dette russe était « imminent ». L'agence de notation Fitch a notamment baissé de sept crans de la dette russe à « C », soit la note juste au-dessus de « D » comme défaut.

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Toutefois, le ministre russe des finances a déclaré ce jeudi 17 mars matin, dans un communiqué, que les intérêts avaient été payés, et que la transaction attendait désormais l'autorisation des autorités bancaires américaines pour être validée. Éloignant dans l'immédiat la possibilité d'un défaut de paiement.

« L'ordre de paiement sur le versement d'intérêts d'obligations (...) d'une valeur totale de 117,2 millions de dollars (...) a été exécuté », a indiqué le ministère russe des Finances. Le ministère précise avoir envoyé ses fonds à une « banque étrangère » le 14 mars.

Quelques minutes plus tard, le gouvernement russe a précisé que le versement avait été effectué en dollars, et non en roubles, alors que Moscou a menacé à plusieurs reprises de rembourser ses dettes étrangères en devise russe.

« La Russie a tous les moyens nécessaires et le potentiel pour éviter un défaut, et aucun défaut ne peut avoir lieu. Si un défaut se produit, il sera uniquement de nature artificielle », a commenté pour sa part le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, lors d'un point presse.

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Côté américain, les autorités assurent que le paiement d'intérêts russes vers les États-Unis est possible jusqu'au 25 mai 2022 sur les obligations émises avant le 1er mars 2022. Mais, pour l'instant, personne ne sait si l'échéance a été respectée ou non.

Retour en trois points sur l'épineuse question de la solvabilité de la Russie.

Pourquoi la Russie pourrait ne pas être en mesure de payer sa dette ?

Le gouvernement russe et les grandes entreprises, souvent liées à l'État comme Gazprom, Lukoïl ou Sberbank, ont émis environ 150 milliards de dollars de dettes à l'international, essentiellement libellés en dollars ou en euros. Selon les clauses de ces titres, le remboursement et le paiement des coupons doivent être effectués dans la devise de l'émission.

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Sur le papier, la Russie n'a aucun problème pour rembourser sa dette. Le pays est d'ailleurs peu endetté - environ 18% du PIB à la fin 2020, son plus haut niveau depuis 2012 (10%) - et il dispose d'environ 630 milliards de dollars de réserves en devises ou or. Mais les sanctions occidentales ont permis de « geler » environ la moitié de ces réserves. Reste que le pays encaisse toujours ses revenus liés à l'exportation de gaz, de pétrole et d'autres produits non soumis à embargo.

Si la Russie faisait défaut sur sa dette en devises étrangères, ce serait une grande première depuis... 1917, avec ces fameux « emprunts russes » qui ont ruiné tant d'épargnants français à l'époque. Le pays avait cependant également fait défaut en 1998, mais uniquement sur sa dette libellée en rouble.

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Le paiement en rouble d'une obligation libellée en devises signerait-il un défaut de paiement ?

Dans l'hypothèse où la Russie ne s'acquitterait pas de cette échéance de 117 millions de dollars, une période de grâce de 30 jours s'ouvre pour régler la facture, soit au 15 avril, avant que le défaut de paiement soit officiellement prononcé par les agences de notation. Donc, avant cette nouvelle date butoir, la Russie ne serait pas considérée comme en défaut de paiement.

Une autre option est envisagée par les autorités russes : le paiement du coupon en rouble. Le ministère russe des finances agite cette idée comme une menace au cas où les occidentaux empêcheraient la Russie de payer en dollars ou en euros. Reste que les agences de notation ont été claires : une obligation libellée en dollar doit être payée en dollar. Sinon, c'est le défaut.

Certaines clauses sur des titres autorisent néanmoins l'utilisation d'autres devises, mais le paiement éventuel en rouble doit être considéré comme ayant la même valeur que le paiement en dollar. Ce qui paraît compliqué à garantir alors que la monnaie russe ne cesse de plonger (du fait d'ailleurs de la faible capacité de la banque centrale russe de soutenir sa monnaie).

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Quelles conséquences d'un défaut de paiement de la Russie pour les marchés et l'économie mondiale ?

Les avis des économistes sont unanimes : l'économie russe pèse peu dans l'économie mondiale, même si certaines spécialités de son économie, notamment dans l'énergie, les engrais et les céréales, peuvent faire mal. Le constat est le même sur les marchés financiers : depuis l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, les investisseurs internationaux se sont peu à peu désengagés de l'exposition au risque russe.

Au total, la situation aujourd'hui semble bien différente de celle de 1998 lorsque le défaut de paiement avait fortement secoué les marchés. Personne ne croit aujourd'hui à un effet de contagion d'un éventuel défaut sur les marchés, ni même à un risque systémique sur le secteur financier et bancaire.

La crise ukrainienne contraint cependant les institutions à revoir à la baisse les prévisions de croissance mondiale, comme le FMI qui table désormais sur une croissance mondiale de 4,4% en 2022. Le seul impact qui pourrait être douloureux d'une défaillance de la Russie concernerait les entreprises internationales fortement présentes en Russie, ce qui est le cas de grandes entreprises françaises, comme Renault, TotalEnergies ou Société Générale.

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(Avec agences)

Commentaires 4
à écrit le 17/03/2022 à 18:42
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Faudrait peut-être réfléchir sur le fait que la Russie va finir par payer ses dettes avec des missiles sur nos têtes, si on continue ce bras de fer qui ne pourra conduire qu'à la guerre comme en 40. Ce n'est pas pour rien que Hitler voulait raser Wal...

à écrit le 17/03/2022 à 17:03
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"Une banque Étrangère", quel est son nom ? C'est une banque fantôme qui ne versera jamais rien. Les prétextes vont arriver.

à écrit le 17/03/2022 à 15:36
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"Lorsqu'un gouvernement est dépendant des banquiers pour l'argent, ce sont ces derniers, et non les dirigeants du gouvernement qui contrôlent la situation, puisque la main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit. L'argent n'a pas de patrie ; le...

à écrit le 17/03/2022 à 15:29
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Le coup des emprunts russes ?

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