Saisie d'un pétrolier britannique : l'Iran fait monter la pression

Par latribune.fr  |   |  1288  mots
L'annonce de la saisie du tanker britannique est survenue quelques heures après la décision de la Cour suprême de Gibraltar de prolonger pour 30 jours l'immobilisation d'un pétrolier iranien, le Grace 1, soupçonné de livrer du brut à la Syrie en violation des sanctions européennes. (Crédits : Handout .)
Les appels se sont multipliés samedi en faveur de la libération du pétrolier battant pavillon britannique arraisonné vendredi par les Gardiens de la Révolution iraniens dans le détroit d'Ormuz pour "non respect du code maritime international".

Une partie de poker dangereuse s'est engagée entre l'Iran et la communauté internationale après qu'un pétrolier battant pavillon britannique ait été saisi par Téhéran. Il est ancré samedi au port de Bandar Abbas (sud). Une enquête a été ouverte après la collision du Stena Impero avec un bateau de pêche, ont indiqué les autorités portuaires. Allah-Morad Afifipoor, directeur général de l'organisation portuaire et maritime de la province de Hormozgan où est situé le port, a affirmé que le Stena Impero était "entré en collision avec un bateau de pêche sur sa route. Et conformément à la loi, après un accident il est nécessaire d'enquêter sur les causes". "L'enquête sur les causes de l'accident a été ouverte ce jour (samedi) par les experts" relevant de l'Autorité portuaire et maritime de la province de Hormozgan, a-t-il ajouté cité par l'agence de presse iranienne Fars.

L'Iran a annoncé vendredi avoir saisi ce tanker, dont le propriétaire est suédois, dans le détroit d'Ormuz pour "non respect du code maritime international". Le pétrolier a été arraisonné vendredi par la force navale des Gardiens de la révolution. Cité par Fars, Allah-Morad Afifipoor a indiqué qu'après la collision, les personnes à bord du bateau de pêche avaient "contacté le navire britannique mais n'avaient pas reçu de réponse". Ils ont alors informé l'Autorité portuaire de Hormozgan "conformément aux procédures légales". Les 23 membres d'équipage sont tous à bord, a-t-il précisé.¨Dix-huit dont le capitaine sont de nationalité indienne et les cinq autres sont de nationalité philippine, lettone ou russe.

Téhéran dénonce un acte de piraterie

L'annonce de cette saisie est survenue quelques heures après la décision de la Cour suprême de Gibraltar de prolonger pour 30 jours l'immobilisation d'un pétrolier iranien, le Grace 1, soupçonné de livrer du brut à la Syrie en violation des sanctions européennes. Ce navire avait été arraisonné le 4 juillet par les autorités de Gibraltar, territoire britannique situé à l'extrême sud de l'Espagne.

Téhéran nie cette accusation et dénonce un acte de "piraterie" et mardi, le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei avait déclaré que l'Iran répondrait "au moment et à l'endroit opportuns" à cet acte de "malveillance".

Le ministre britannique des Affaires étrangères Jeremy Hunt a estimé que la situations des deux pétroliers n'étaient pas comparables, soulignant dans un tweet que l'arraisonnement du Grace 1 était "LEGAL". Jeremy Hunt a indiqué samedi avoir fait part à son homologue iranien Mohammad Javad Zarif de son "extrême déception" quant à la saisie par l'Iran d'un pétrolier battant pavillon britannique. "Je viens juste de parler au (ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad) Zarif et ai exprimé mon extrême déception qu'après qu'il m'eut assuré samedi dernier que l'Iran souhaitait désamorcer la situation, ils agissent dans le sens opposé", a déclaré Jeremy Hunt sur Twitter. "Les navires britanniques doivent être et seront protégés", a-t-il ajouté.

Londres très préoccupé

Le Royaume-Uni a recommandé samedi aux navires britanniques de rester "en dehors de la zone" du détroit d'Ormuz pour une "période provisoire", après la saisie par l'Iran d'un pétrolier battant pavillon britannique. Par le détroit d'Ormuz transite le tiers du pétrole acheminé par voie maritime sur la planète. La région du Golfe et du détroit d'Ormuz se trouve au cœur de vives tensions géopolitiques, sur fond de bras de fer entre l'Iran et les Etats-Unis qui y ont renforcé leur déploiement militaire.

"Nous restons profondément préoccupés par les actions inacceptables de l'Iran, qui constituent un défi évident à la liberté de navigation internationale. Nous avons conseillé aux navires britanniques de rester en dehors de la zone pour une période provisoire", a affirmé une porte-parole du gouvernement britannique dans un communiqué.

"Ce qui s'est passé hier dans le Golfe montre des signes inquiétants indiquant que l'Iran pourrait choisir une voie dangereuse de comportement illégal et déstabilisant", a regretté Jeremy Hunt. "Notre action sera réfléchie, mais ferme", a-t-il prévenu. "Nous ne cherchons pas des options militaires, nous cherchons un moyen diplomatique de régler la situation", avait-il déclaré vendredi soir, sur la chaîne Sky News. La semaine dernière, l'exécutif britannique avait relevé à son échelon maximal le niveau d'alerte dans les eaux territoriales iraniennes pour les navires britanniques, et adressé des recommandations de sécurité aux compagnies opérant dans la région.

De nombreuses réactions internationales

"Cela ne fait que montrer ce que je dis de l'Iran : des problèmes, rien que des problèmes", a réagi lors d'un point presse à la Maison Blanche le président américain Donald Trump, qui est en train de radicaliser l'Iran par sa politique étrangère. Garett Marquis, porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain, a dénoncé la "surenchère de la violence" de l'Iran. "Les Etats-Unis continueront à travailler avec leurs alliés et partenaires pour défendre leur sécurité et leurs intérêts face au comportement néfaste de l'Iran".

"Dans une situation déjà tendue, ce développement alimente les risques de nouvelle escalade et sape les efforts en cours pour trouver un moyen de résoudre la crise actuelle", a déploré le service de la diplomatie de l'Union européenne, exprimant sa "profonde préoccupation". L'UE réclame la "libération immédiate" du pétrolier et de son équipage, et appelle à la "retenue afin d'éviter des tensions supplémentaires", soulignant que "la liberté de navigation doit être respectée en tout temps".

De son côté, Paris est solidaire de Londres. "Nous appelons les autorités iraniennes à libérer dans les meilleurs délais le bâtiment et son équipage, et à respecter les principes de liberté de navigation dans le Golfe", a rappelé le ministère français des Affaires étrangères. "Une telle action nuit à la nécessaire désescalade des tensions dans la région du Golfe", a estimé le ministère.  Berlin a qualifié cette initiative de Téhéran "injustifiable". "Nous exigeons de l'Iran la libération sans délai" du navire britannique et de son équipage, a indiqué le ministère allemand des Affaires étrangères. "Une nouvelle escalade serait très dangereuse pour la région (...) elle saperait tous les efforts en cours pour trouver une solution à la crise actuelle" entre les Etats-Unis et l'Iran.

 New Delhi, Manille, Riga sont également mobilisés. Sur les 23 membres d'équipage du Stena Impero, dont le propriétaire est suédois, 18 dont le capitaine sont de nationalité indienne. Les autres sont trois Russes, un Letton et un Philippin, selon Manille. Un porte-parole du ministère indien des Affaires étrangères a indiqué samedi être "en contact avec le gouvernement iranien pour obtenir (la) libération rapide et leur rapatriement" de ses 18 ressortissants. "L'ambassadeur (philippin) en Iran Fred Santos cherche à obtenir des autorités iraniennes l'assurance que le marin philippin est sain et sauf et qu'il sera rapidement libéré", a indiqué le ministère philippin des Affaires étrangères, ajoutant que la famille du marin, dont l'identité n'a pas été révélée, avait été informée. Enfin, le ministère letton des Affaires étrangères, qui a confirmé qu'un marin letton se trouvait à bord du pétrolier, a expliqué "préparer une demande à la République islamique d'Iran qui sera rendue publique de libérer l'équipage entier du pétrolier et non pas uniquement l'officier letton".