Snowden aurait-il vraiment fourni des documents classés secret défense aux Russes et aux Chinois ?

Par latribune.fr  |   |  487  mots
Invités par le quotidien à répondre aux affirmation du "Sunday Times", le gouvernement britannique s'est refusé tout commentaire, tout comme les agences de renseignement.
Le lanceur d'alerte américain aurait laissé des documents hautement confidentiels tomber aux mains des services de renseignement russes et chinois, rapporte l'hebdomadaire britannique The Sunday Times. Une information à prendre avec des pincettes au vu du manque de sources sûres.

Un argument de plus pour incriminer Edward Snowden ? "Plus d'un million de documents classés secret défense, volés par le lanceur d'alerte américain, sont tombés entre les mains des Russes et des Chinois", révèle en fanfare l'édition dominicale du Sunday Times, le 14 juin. Conséquence : les agents britanniques, "en danger", doivent être rapatriés au plus vite.

Sûr de son titre, "Des espions britanniques livrés aux Russes et aux Chinois", l'hebdomadaire britannique vise le scoop, tout en gardant ses sources anonymes. Et c'est, en partie, ce qui met la puce à l'oreille.

Un anonymat peu crédible

Le Sunday Times cite en effet de "hauts responsables au sein du gouvernement, du ministère de l'Intérieur et des services de renseignement". Mais, à l'heure où Edward Snowden est considéré comme un traître aux yeux de certains députés américains, le gouvernement britannique se serait empressé de leur communiquer l'information, estime le quotidien The Guardian. Aux États-Unis, la Maison Blanche "ne se serait pas privée d'une grande conférence de presse" autour d'une telle nouvelle.

Invités par le quotidien à répondre aux affirmation du Sunday Times, le gouvernement britannique s'est refusé à tout commentaire, tout comme les agences de renseignement.

Le calendrier de la publication en question

Surtout, le quotidien britannique s'interroge sur la date de publication d'un tel article, tout juste un mois après que la Cour d'Appel de New York a jugé illégale la collecte massive de données téléphoniques par l'Agence nationale de sécurité américaine.

Plus récemment encore, c'est le cadre légal de la surveillance britannique qui vient d'être remis en question dans le rapport de David Anderson, analyste sollicité par le gouvernement pour étudier les lois sur le terrorisme. Les accusations du Sunday Times auraient-elles été publiées pour faire diversion, pour "prendre contrôle des évènements?", s'interroge, suspicieux, le Guardian.

Inexactitude des faits rapportés

De son côté, Glenn Greenwald, le premier journaliste à avoir eu accès aux documents du lanceur d'alerte, souligne dans The Intercept, les incohérences de l'article du Sunday Times : selon une source gouvernementale, "rien ne permet de prouver que quelqu'un a été blessé" à la suite des révélations de Snowden. Mais cela n'empêche pas un responsable du ministère de l'Intérieur d'accuser ce dernier d'avoir "du sang sur les mains".

De plus, comment Snowden aurait-il remis les documents aux autorités russes ou chinoises sachant qu'il n'était plus en leur possession en quittant Hong-Kong, ville dans laquelle il avait donné rendez-vous aux journalistes pour faire ses révélations ? Là encore, Glenn Greenwald pointe du doigt l'inexactitude des faits. Son compagnon David Miranda, arrêté à Heathrow en possession de documents classés secret défense, ne revenait pas de Moscou comme le Sunday Times l'affirme, mais de Berlin. Fin de l'histoire.