TTIP/Tafta : "Les Etats-Unis n'attendent pas après cet accord"

Par Sarah Belhadi  |   |  714  mots
Il y a tout juste un an, Mathias Fekl avait déjà annoncé que la France pourrait choisir « l’arrêt pur et simple des négociations » avec les Etats-Unis si elles ne progressaient pas dans le bon sens. Il déplorait alors un « manque total de transparence » et une « grande opacité ». Le député européen Franck Proust déplore une décision qui n'est pas "rationnelle".
La France, par la voix de son secrétaire d'Etat au commerce extérieur, Mathias Fekl, a annoncé mardi qu'elle mettait un terme aux négociations de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les Etats-Unis. Cette annonce intervient au lendemain d'une déclaration similaire de Sigmar Gabriel, le vice-chancelier allemand. Trois questions à Franck Proust, député européen Les Républicains et membre de la commission Commerce international.

LA TRIBUNE - Mardi après-midi, lors d'une conférence de presse à Bruxelles, Cécilia Malmström, la commissaire européenne au commerce, s'est étonnée des déclarations de la France. Cette annonce du secrétaire d'Etat au commerce extérieur était-elle attendue ?

FRANCK PROUST - Cette réaction est étonnante car François Hollande a redonné fin juillet son aval au président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. La France a donc renouvelé son souhait de poursuivre les négociations. Où est la cohérence ? Le discours est donc, ni plus ni moins, une posture politique qui vise à séduire l'électorat de gauche et d'extrême-gauche à quelques mois du scrutin présidentiel. A l'université du PS à la Rochelle, il y a tout juste un an, Manuel Valls avait lui-même rappelé que le TTIP était très important ! C'est de l'amateurisme ! Où est la crédibilité de la France et de l'Europe sur ce dossier ?

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Peut-on me dire sur quoi l'arrêt des négociations est-il fondé ? La commissaire européenne au commerce Cécilia Malmström a fixé l'agenda en indiquant que le dernier trimestre de cette année devait être consacré aux chapitres les plus délicats. La Commission commence tout juste à aborder les questions qui fâchent (le 14e cycle de négociation, NDLR) à savoir les IGP (indications géographiques protégées), la réciprocité sur les marchés publics, l'alignement des normes et le règlement des conflits commerciaux. Est-ce à ce moment qu'il faut quitter la table des négociations ? On pouvait se douter que les élections américaines de 2016, puis françaises et allemandes au printemps et à l'automne 2017 allaient ralentir le processus, de six mois à un an, mais pas qu'il serait interrompu. C'est une position politique mais elle n'est pas rationnelle ! Tout le monde, en France comme en Allemagne, cherche à tenir son agenda politique.

Depuis mi-2013, les Etats-Unis et l'Union européenne tentent de parvenir à un accord qui supprimerait les barrières commerciales et réglementaires. Mais force est de constater que les discussions patinent. De son côté, le gouvernement français est monté au créneau à plusieurs reprises ces derniers mois en cas d'accord qui ne respecterait pas les intérêts de l'UE.

Si l'Union européenne n'obtient pas gain de cause dans les négociations, on pourra se prononcer. Personnellement, je ne suis pas pour un accord à n'importe quel prix. Mais à l'heure actuelle, on parle d'un accord qui n'est pas encore écrit et encore moins acté ! Il faut attendre le résultat final.

On nous accuse de céder face aux pressions américaines qui veulent imposer leurs normes (crainte sur un allègement des normes, oubli du principe de précaution, crainte de l'émergence d'un double système, NDLR), mais pour l'instant nous n'avons cédé ou lâché sur aucun point ! La Commission a insisté, à plusieurs reprises, sur les lignes rouges à ne pas franchir. Quant au supposé manque de transparence évoqué régulièrement, je tiens à rappeler que les documents sont accessibles et que n'importe qui peut avoir un aperçu de l'état des négociations.

Le 23 septembre, la France doit demander à la Slovaquie, lors de la réunion des 28 ministres européens du commerce extérieur, l'arrêt des négociations relatives au partenariat transatlantique. Doit-on considérer que le traité transatlantique est enterré ?

Est-ce que tout le monde va dire oui à la fin du TTIP ? La France n'a pas le pouvoir d'arrêter seule les négociations. Il y a un mandat de négociations. En attendant, la Commission poursuit son travail. Quant aux Américains, ils n'attendent pas cet accord avec l'Union européenne. Si le traité transatlantique ne voit pas le jour, ce n'est pas la fin du monde pour eux. En revanche, de notre côté, c'est très différent. Il est normal que l'on défende l'intérêt de nos consommateurs mais là nous sommes en train de condamner un potentiel de développement. Peut-on se permettre d'y renoncer dans le contexte actuel ?

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