Turquie : un référendum à quitte ou double pour Erdogan

Par latribune.fr  |   |  865  mots
Recep Tayyip Erdogan, le président turc, demande au peuple de lui accorder davantage de pouvoir.
55 millions d'électeurs sont appelés dimanche à se prononcer sur le renforcement des pouvoirs au président Recep Tayyip Erdogan. Si le oui l'emporte, la Turquie remplacera son régime parlementaire par un régime présidentiel.

Les Turcs sont appelés dimanche à dire par référendum s'ils sont d'accord pour donner davantage de pouvoir à leur président, un scrutin qui s'annonce serré et porteur, si le "oui" l'emporte, du changement le plus radical du système politique turc depuis la fondation de la république turque il y a près d'un siècle.

Erdogan pourrait rester en poste jusqu'en 2029... au moins

Les sondages donnent le "oui" légèrement en tête. Si ce résultat, souhaité par le président Recep Tayyip Erdogan, se confirme, la Turquie remplacera son régime parlementaire par un régime présidentiel où le président concentrera l'essentiel du pouvoir exécutif entre ses mains, le poste de Premier ministre étant supprimé.

Selon les amendements à la Constitution soumis au vote des 55 millions d'électeurs, le nouveau système permettrait au président Erdogan de rester au pouvoir au moins jusqu'en 2029.

Une attaque dans la nuit de samedi à dimanche

Avant le début du vote, des combattants kurdes ont attaqué un véhicule qui transportait un responsable de district du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir, apprend-on auprès des forces de l'ordre. L'attaque, qui a eu lieu dans la nuit de samedi à dimanche dans le Sud-Est kurde, a fait un mort, un gardien.

Attribuée par les autorités au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), elle a eu lieu dans le district de Muradiye dans la province de Van. Un second garde du responsable de l'AKP a été blessé.

Un référendum très serré, qui divise le pays

Le référendum a profondément divisé le pays. Le président Erdogan et ses partisans font valoir qu'il est nécessaire de modifier la Constitution, dont la version actuelle a été écrite par les généraux à la suite d'un coup d'Etat en 1980, pour affronter les enjeux auxquels est confronté la Turquie en matière de sécurité et éviter les gouvernements de coalition fragiles que le pays a connu par le passé.

Le président estime que la Turquie, confrontée aux guerres en Syrie et en Irak, a besoin d'un exécutif fort pour lutter contre l'Etat islamique et à insurrection autonomiste kurde du PKK. La réforme, présentée sous la forme de 18 amendements à la Constitution, prévoit notamment la suppression du poste de Premier ministre, la possibilité pour le président de dissoudre le Parlement et de prendre certains décrets.

De leur côté, les opposants à la réforme disent craindre une dérive autoritaire dans un pays où quelque 40.000 personnes ont été arrêtées et 120.000 limogées ou suspendues de leur fonctions dans le cadre de la répression qui a suivi le coup d'Etat manqué
de juillet dernier.

Conséquences sur les rapports de la Turquie avec l'UE

L'issue du scrutin aura aussi des conséquences sur les relations - tendues - qu'entretient la Turquie, état membre de l'Otan, avec l'Union européenne. La Turquie a accepté de réduire le flot de migrants partant de son pays en direction de l'UE, au terme d'un accord conclu en mars 2016, mais Recep Tayyip Erdogan a fait savoir qu'il pourrait revenir sur cet accord à l'issue du référendum.

Les relations entre la Turquie et l'UE ont touché un point bas pendant la campagne pour le référendum. L'Allemagne et les Pays-Bas ont interdit des meetings où devaient s'exprimer des ministres turcs pour convaincre la diaspora de voter "oui".

Le président Erdogan a alors évoqué des actes rappelant la période nazie et indiqué que la Turquie pourrait revoir ses relations avec l'UE après avoir cherché pendant plusieurs années à en faire partie.

A la veille du vote, Erdogan a tenu quatre meetings à Istanbul. Il a demandé à ses partisans d'aller voter en masse. "Le 16 avril sera un tournant pour l'histoire politique de
la Turquie (...) Chaque vote de demain sera une pierre de notre renaissance", a déclaré le chef de l'Etat devant ses partisans. "Il ne reste que quelques heures maintenant. Appelez vos amis, vos proches, vos connaissances et rendez-vous aux urnes."

Couverture médiatique disproprotionnée en faveur du camp du président

La couverture médiatique de Recep Tayyip Erdogan et de l'AKP, qui est dirigé par le Premier ministre Binali Yildirim, a été disproportionnée par rapport à celle accordée au principal parti d'opposition laïque, le Parti républicain du peuples (CHP) et au Parti démocratique des peuples (HDP, pro-kurde).

Recep Tayyip Erdogan a cherché à tourner en dérision le président du CHP, Kemal Kiliçdarolu, en diffusant des vidéos de ses bourdes à l'occasion de meetings et a associé le vote "non" au soutien du terrorisme.

Kemal Kiliçdarolu accuse Recep Tayyip Erdogan de vouloir "le régime d'un homme fort" et estime que les amendements proposé à la Constitution mettront le pays en danger. "Ce n'est pas une question de droite ou de gauche (...) c'est une question nationale (...). Nous allons faire nos choix avec en tête nos enfants et notre avenir", a déclaré le président du CHP lors de son dernier meeting à Ankara.

(Avec Reuters)