Européennes : cote d’alerte pour la macronie

Par Jules Pecnard  |   |  660  mots
Jordan Bardella (Crédits : © Eliot Blondet/ABACAPRESS.COM VIA REUTERS)
Selon un sondage de l’institut Elabe pour La Tribune Dimanche et BFMTV effectué en plein remaniement, la liste de la majorité présidentielle a 10,5 points de retard sur celle du RN.

Emmanuel Macron a eu raison de réagir vite et fortement en ce début d'année 2024. Selon le premier sondage de l'institut Elabe pour BFMTV et La Tribune Dimanche, effectué en plein remaniement gouvernemental, la majorité présidentielle entame la campagne des européennes en très grande difficulté. Créditée de 18 % des intentions de vote, la liste macroniste accuse plus de 10 points de retard sur celle du Rassemblement national (RN), donnée à 28,5 % des voix. Un cauchemar pour l'exécutif, qui sortirait démonétisé d'un tel rapport de force. En 2019, l'équipe conduite par Nathalie Loiseau a terminé la course avec 22,42 % des suffrages exprimés, derrière un Jordan Bardella à 23,34 %. Les dégâts avaient été limités.

Le RN creuse l'écart

Cette fois-ci, plus le temps passe, plus l'écart se creuse. D'où les grandes manœuvres entreprises par le président ces derniers jours. L'objectif est à la fois d'asphyxier définitivement Les Républicains (LR) et de freiner l'impressionnante dynamique du RN. Parmi les changements opérés, il y a la nomination de Stéphane Séjourné - secrétaire général du principal parti macroniste, Renaissance - au Quai d'Orsay. Jusqu'à maintenant, cet ancien socialiste - encore testé dans ce sondage en attendant que la nouvelle tête de liste soit connue - était pressenti pour mener le combat, sans générer le moindre enthousiasme.

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Il faudra bien davantage qu'un nouveau visage pour inverser la tendance. D'une part, la liste Bardella version 2024 fait le plein au sein de son socle : 86 % des électeurs de Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle de 2022 disent vouloir voter pour son poulain. D'autre part, le RN attire un tiers des électeurs d'Éric Zemmour et un tiers des abstentionnistes. Le parti popu liste domine également dans la plupart des catégories socioprofessionnelles : 28 % chez les CSP+ (contre 26 % pour les macronistes), 34 % chez les CSP- (contre 12 %), 24 % chez ceux qui bouclent leurs fins de mois sans se restreindre (contre 21 %), etc. « Ce sondage peut se lire comme un bilan de l'année politique 2023, note Bernard Sananès, président de l'institut Elabe. Le RN s'est installé dans le paysage et a élargi sa base. »

Pour Macron, le défi de reconstituer son vivier

Au-delà de ces indicateurs pour le moins alarmants, Emmanuel Macron aura pour principal défi de reconstituer son vivier : parmi ses électeurs du premier tour en 2022, ils ne sont que 66 % à se dire prêts à soutenir sa liste européenne, 42 % parmi ceux du second tour.

« On voit bien que le macronisme est en perte d'attractivité, souligne encore Bernard Sananès. Il mobilise correctement son socle, mais pas davantage. Et surtout, il ne prend rien ailleurs. »

Paradoxalement, au vu des pertes qu'ils enregistrent dans leurs propres rangs, ce sont les électeurs de Valérie Pécresse qui s'annoncent les plus fidèles - 95 % de report - à François-Xavier Bellamy, qui devrait rempiler en tant que chef de fi le LR. Du côté de la gauche, le champ est émietté, comme il y a cinq ans. Socialistes, Insoumis et écolos sont au coude-à-coude dans ce sondage, suivis de loin par les communistes. Au total, le bloc de gauche représente 30,5 % des intentions de vote, soit 3 points de moins qu'en 2019. Annoncé comme la potentielle surprise du scrutin, Raphaël Glucksmann - leader du mouvement Place publique et tête d'a che du PS au Parlement de Strasbourg - est pour l'instant crédité de 9,5 % des intentions de vote.

Marie Toussaint, tête de liste Les Écologistes, est à 8,5 % et Manon Aubry, celle de LFI, est à 7,5 %. À ce stade, comme le note l'institut Elabe, seuls 47 % des Français se disent intéressés par les élections européennes ; il y a cinq ans, au mois de janvier, ils étaient 53 % à éprouver ce sentiment. Le brouillard a encore du temps pour se dissiper.

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