Sondage exclusif : la majorité des Français juge désormais possible la privatisation du système de santé

Par Ludovic Desautez  |   |  773  mots
Plus de 70% des Français considèrent que l'organisation de la santé hexagonale n'évolue pas dans le bon sens. (Crédits : ERIC GAILLARD)
Près des trois quarts des Français jugent que le système de santé se détériore, inéluctablement. Et une nette majorité estime que cette situation conduit à une plus forte implication des acteurs du privé.

Aux yeux des Français, le diagnostic est clairement posé. Le système de santé est malade. À tel point que toutes les thérapies sont désormais sur la table. Selon un sondage CSA-Havas Red Health révélé par La Tribune, ce sont aujourd'hui 63 % des Français qui jugent que notre système de santé fonctionne mal, voire très mal. La sévérité de ce jugement s'amplifie avec l'âge : tandis que 40 % des « 18-24 ans » estiment que le système de santé dysfonctionne, cette part monte à 71 % chez les « 65 ans et plus ». Autrement dit, plus on est « exposé » au système de santé, moins la confiance est élevée. L'exact inverse des bénéfices que l'on pourrait attendre d'une organisation efficace de la santé.

Sans changement majeur du système, l'avenir ne semble guère meilleur. Loin s'en faut même. 71 % des Français considèrent que l'organisation de la santé hexagonale n'évolue pas dans le bon sens. « Nous sommes sur un degré de pessimisme très fort et très installé, analyse Julie Gaillot, directrice du pôle society chez CSA. Un tel degré de pessimisme montre que nous avons atteint une logique de fracture, les Français ne croient plus une amélioration possible sans une rupture majeure. »

Mis bout à bout, ces différents constats placent d'ailleurs la santé dans une zone d'anxiété collective. La santé caracole loin devant des sujets tout aussi anxiogènes que sont l'insécurité, l'environnement ou encore le terrorisme, et s'affirme comme le deuxième sujet de préoccupation des Français, juste derrière le pouvoir d'achat. Ce sont aujourd'hui 36 % des Français qui se disent préoccupés par la santé.

Les Français entrevoient des scénarios plus radicaux

Au-delà de ce sombre tableau, l'étude décortique les zones de fragilité du système de santé. Dans ce domaine, un aspect est clairement pointé du doigt : les moyens humains, qui représentent la toute première faiblesse pour 66 % des Français qui jugent le système dangereusement bancal. Manque de médecins et de soignants, délais à rallonge pour obtenir un rendez-vous, déserts médicaux : les effectifs du système ne seraient tout simplement plus en capacité de répondre à la demande. Autre lacune pointée du doigt, et largement imbriquée dans la première : l'organisation des soins, citée à 30 % comme problématique.

Alors que faire, et avec qui ? Pour améliorer le système de santé, sans le révolutionner, les Français jugent que ce sont les personnels soignants eux-mêmes (à 53 %) et le gouvernement (à 51 %) qui seraient aujourd'hui les plus légitimes. En troisième position pointe une autre piste, celle de l'innovation et de la recherche (à 21 %). Mais si l'on bouscule le système, les Français entrevoient d'autres scénarios plus radicaux. Ils sont 59 % à juger possible, à plus ou moins long terme, que le gouvernement puisse tout simplement se décharger de la gestion de la santé au profit de la sphère du privé. « Les Français ne sont pas dans le fatalisme en acceptant cette privatisation du système de santé, souligne Julie Gaillot. Ils montrent au contraire qu'ils sont ouverts, qu'ils souhaitent désormais un après, qu'ils veulent sortir de la non-gestion actuelle de la santé, coincée entre un manque de pouvoir et un manque de vouloir. »

Au-delà de la gestion du système, 57 % souhaitent également que les entreprises jouent un rôle plus direct dans la santé. Un mouvement qui permettrait, pour 52 % des Français, d'apporter des moyens supplémentaires. Les entreprises du secteur de la santé et du bien-être, les mutuelles, les assurances et les services à la personne apparaissent, sans surprise, comme les plus logiques pour investir davantage ce domaine. Mais pas seulement. Les entreprises de l'alimentaire, du sport, de l'environnement sont également vues comme autant d'actrices légitimes pour monter en puissance. À la lecture de ces secteurs d'activité, un autre enseignement se dessine : les Français jugent que l'amélioration du système de santé, victime d'une thrombose en matière de soins, passera aussi par une stratégie réelle de prévention. L'autre révolution.

MÉTHODOLOGIE
Enquête CSA-Havas Red Health réalisée via un questionnaire auto-administré en ligne, du 20 au 25 mars 2024, auprès d'un échantillon national représentatif de 1 009 Français âgés de 18 ans et plus. Méthode des quotas basée sur les critères de sexe, d'âge, de profession du répondant, de région et catégorie d'agglomération.