Une croissance moins vigoureuse attendue en 2024, une situation géopolitique de plus en plus instable, des recettes fiscales moins importantes que prévu.. Il n'en fallait pas plus pour que le gouvernement acte dix milliards d'euros d'économies sur les dépenses prévues. Ce serrage de vis s'ajoute aux 16 milliards d'économies déjà votées dans le budget 2024, provenant pour l'essentiel de la suppression du bouclier énergétique. Sont concernés la plupart des ministères, à l'exception de la Défense.
« Ce n'est qu'un début »
Mais alors que l'opposition monte au créneau dénonçant la brutalité des coupes budgétaires, le gouvernement laisse entendre que cela n'est qu'une mise en bouche. En effet, il n'exclut pas de réduire les dépenses sociales, de loin les plus importantes de notre budget.
Ainsi, l'Assurance chômage, dont l'Unedic vient d'annoncer des excédents quatre fois moins élevés que prévu, est clairement dans le viseur de l'exécutif. Ce dernier attend que les partenaires sociaux aient terminé la négociation sur l'emploi des seniors à la fin du mois de mars, mais il se prépare déjà à aller beaucoup plus loin en revoyant l'ensemble des règles. « Au mieux, nous aurons un accord a minima, mais il faut revoir ce système d'indemnisation qui est un des plus généreux au monde », plaide ainsi une source ministérielle. Durée des allocations, augmentation des contrôles, réduction des montants d'indemnisation : tout est sur la table. « Les syndicats seront contre mais les Français ne défileront pas pour défendre des chômeurs qui pour beaucoup apparaissent comme des assistés », confie une source proche du dossier.
La santé est aussi en haut de la pile
Autre sujet auquel s'intéresse de près le gouvernement, les dépenses de santé. Et notamment la prise en charge des maladies chroniques - ou affections de longue durée (ALD), comme le diabète, les cancers, etc. Le sujet est très délicat politiquement, mais selon plusieurs voix gouvernementales, il mérite d'être posé. Aujourd'hui 12 millions de Français sont concernés, et le coût de ces remboursements explose avec le prix des traitements en forte augmentation. Au point que les ALD représentent à elles seules plus de la moitié des dépenses de l'Assurance maladie.
Modifier la liste des affections remboursées à 100 % (comme cela a déjà été fait par le passé) est une piste d'économie. Revoir les niveaux de prises en charge des soins aussi. Le gouvernement table sur le fait que si l'Assurance Maladie réduit la prise en charge des maladies chroniques, les patients ne seraient pas forcément pénalisés, les mutuelles pouvant prendre en charge le relais.
Autre dossier dans le secteur de la santé regardé de très près : la prise en charge des déplacements médicaux par les taxis, qui coûte chaque année 5 milliards d'euros au système. Régulièrement épinglée par la Cour des comptes, cette dépense suscite la levée de boucliers des professionnels concernés, qui n'hésitent pas à se mettre en grève, ou à bloquer les routes. Mais le gouvernement se dit prêt à passer outre.
Vers une désindexation des pensions de retraite
Enfin, les 18 millions de retraités pourraient voir leur pouvoir d'achat quelque peu érodé l'an prochain. En effet, les pensions pourraient ne plus être indexées sur l'inflation. Cette année, l'exécutif a revalorisé de 5,3% les pensions (décision effective depuis le 1er février), mais le coût pour les finances publiques atteint 14 milliards d'euros. Plusieurs économistes se sont d'ailleurs insurgés sur l'inégalité entre les générations de ce coup de pouce quand, dans le même temps, les actifs, eux, n'ont pas bénéficié de hausses de salaire aussi importantes. L'an prochain, alors que l'inflation ralentit, l'exécutif pourrait se montrer moins généreux envers les ainés. Ce ne serait pas une première, en 2019, Edouard Philippe, alors à Matignon, avait sous-indexé pour faire des économies.
La crainte d'une rapide dégradation du contexte géopolitique
L'ensemble de ces mesures et réflexions se tient sur fond de crainte d'une dégradation de la notation financière de la France au printemps, qui ferait flamber les intérêts de la dette française. Il s'agit, selon le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, de faire preuve de « responsabilité », alors que le gouvernement exclut toute hausse d'impôts pour assainir les finances publiques. Reste que la trajectoire financière est d'autant plus difficile à trouver que de nouvelles dépenses ont été annoncées pour soutenir les agriculteurs, ou aider l'Ukraine.