Assurance maladie : la sévère ordonnance du docteur Fillon

Par Ivan Best et Jean-Christophe Chanut  |   |  757  mots
François Fillon propose que l'assurance maladie ne rembourse plus que les pathologies graves. Pour le reste, à l'assuré de souscrire à une mutuelle ou une assurance privée...
En proposant de limiter les remboursements de l'assurance maladie aux maladies graves, François Fillon lance une véritable révolution. Le coûts des assurances complémentaires -mutuelles- augmenterait nécessairement. La mutualité française chiffre le surcoût à 1.200 euros par an pour une famille avec deux enfants

François Fillon et ses propositions sur l'assurance maladie. C'est LE sujet qui est monté ces derniers jours, celui aussi qui a fait le plus polémique lors du débat du 24 novembre entre les deux finalistes de la primaire. Il faut dire que François Fillon n'y va pas de main morte en affirmant vouloir « concentrer la sécurité sociale sur les risques principaux ». Très exactement, que dit le programme du député de Paris :

« Redéfinir les rôles respectifs de l'assurance publique et de l'assurance privée, en focalisant l'assurance maladie notamment sur les affections graves ou de longue durée ; le panier de soins « solidaire » ; et l'assurance complémentaire sur le reste : le panier de sons « individuel ». Le contenu de ces paniers de soins sera dynamique et pourra évoluer chaque année. Les moins favorisés ne pouvant accéder à l'assurance privé bénéficieront d'un régime spécial de couverture accrue ».

 Seules les pathologies graves seraient prises en charge

Concrètement donc, François Fillon propose de réserver la prise en charge par l'Assurance maladie aux seules pathologies lourdes et de longue durée, les autres soins relèveraient d'une assurance privée (mutuelle, assurance individuelle) à laquelle devraient souscrire les assurés.

A noter que le panier de soins « solidaire » serait revu chaque année, ce qui fera, par définition, bouger le panier de soins « individuel » et donc le montant des primes... Et il ne va pas être facile de définir ce qu'est une pathologie « grave ». Quid, par exemple, de la grippe pour les personnes âgés ? De l'angine pour les enfants ?

Le calcul contesté de Marisol Touraine

En revanche, la proposition Fillon est une excellente nouvelle pour les mutuelles et les sociétés d'assurance qui vont voir leur marché potentiel exploser. Avec le danger que les tarifs des complémentaires santé subissent une forte hausse, même si François Fillon propose d'instaurer une sorte d'encadrement. Pour la ministre de la Santé Marisol Touraine, la proposition Fillon va conduire à ce que « chaque foyer paiera en moyenne 3.200 euros de plus par an pour se soigner ». Comment est-elle parvenue à ce calcul ? En divisant le montant des dépenses d'assurance maladie, hors affections longue durée, soit 90 milliards d'euros, par le nombre de foyers fiscaux (28 millions), ce qui fait 3.214 euros. En fait, ce calcul est contesté et contestable, puisque certaines maladies graves continueraient d'être remboursées par l'assurance maladie. François Fillon parle donc de "déclaration mensongère et absurde".

La tendance indiquée par Marisol Touraine n'en reste pas moins réelle: mécaniquement, les prix des assurances complémentaires privées vont déraper, puisque les montants remboursés augmenteront. Cela accentuera la tendance à la non-assurance: déjà, beaucoup de personnes âgées renoncent à la complémentaire santé, dont le coût annuel frôle les 2.500 euros pour les seniors. Ceux-ci s'arrangent pour être couverts par le régime des Affections de Longue Durée (ALD), qui procure un remboursement à 100% des frais médicaux. Un régime théoriquement réservé à la pathologie lourde dont souffre le patient, mais il sert souvent, en réalité, au remboursement par la sécu de tous les soins.

Pour une famille avec deux enfants, le tarif moyen d'une mutuelle est de 1.100 euros par an. En moyenne, pour une complémentaire d'une qualité suffisante accordée à un salarié, le coût annuel dépasse les 700 euros annuels.

L'augmentation des prix dépendra bien sûr de la définition du "panier de soins solidaire" pris en charge par l'assurance maladie. Selon la Mutualité française, la sécurité sociale économiserait 20 milliards d'euros en se concentrant sur les affections graves et de longue durée.

20 milliards d'euros : c'est l'économie qui serait réalisée par la Sécurité sociale si, comme le propose François Fillon, l'assurance maladie se concentrait sur le remboursement des affections graves ou de longue durée (le reste étant remboursé par les patients ou leurs complémentaires) . Cela permettrait, avec le retour à l'équilibre de la Sécurité sociale, une baisse de 15,6 milliards d'euros soit de la dette sociale (qui passerait de 120,9 milliards d'euros à 105,3 milliards d'euros), soit des prélèvements obligatoires (dont le taux passerait de 44,5% à 43,8% du PIB). Mais 20 milliards d'euros, c'est aussi la somme supplémentaire que les ménages ou leurs complémentaires santé devraient alors prendre à leur charge. Ce coût supplémentaire représenterait 300 euros par personne et par an, soit 1 200 euros pour un couple avec deux enfants.