Débat d'entre-deux-tours : cinq répliques qui ont marqué la Ve République

Par Jean-Christophe Catalon  |   |  968  mots
Ce mercredi soir sur TF1 et France 2, c'est au tour d'Emmanuel Macron (EM) et de Marine Le Pen (FN) de se livrer à l'exercice pour tenter, une dernière fois, de convaincre les Français sur leur programme.
Dans l'histoire de l'élection présidentielle, le débat d'entre-deux-tours est à la fois l'occasion pour les candidats d'adresser leurs derniers messages aux Français avant le vote, mais aussi de tacler leur adversaire avec des répliques piquantes, dont certaines sont restées dans les annales.

Une fois n'est pas coutume, la période de l'entre deux-tours de l'élection présidentielle est ponctuée d'un débat entre les finalistes. Seul le scrutin de 2002 échappe à la règle, Jacques Chirac ayant refusé à l'époque de débattre face à Jean-Marie Le Pen. Ce mercredi soir sur TF1 et France 2, c'est au tour d'Emmanuel Macron (En Marche !) et de Marine Le Pen (Front national) de se livrer à l'exercice pour tenter, une dernière fois, de convaincre les Français sur leur programme.

Ces moments de télévision ont souvent leur part de rhétorique. Décidés à défendre leur programme et à décrédibiliser celui de l'adversaire, les candidats n'hésitent pas à s'envoyer des piques, dont certaines ont fait mouche et restent dans les mémoires. Voici quelques échanges des plus marquant des scrutins présidentielle de la Ve République.

"Vous n'avez pas le monopole du cœur"

Le premier affrontement entre Valéry Giscard-d'Estaing et François Mitterrand a lieu en 1974. Lors du débat d'entre-deux-tours, le candidat socialiste s'en prend à la réforme fiscale de son adversaire, qui est alors ministre de l'Economie et des Finances. Selon lui, la réforme a davantage profité aux grandes entreprises et qu'aux Français. La redistribution des richesses n'est pas "qu'une question d'intelligence" mais "aussi une affaire de cœur", assène François Mitterrand. Dans sa contre-attaque, Valéry Giscard-d'Estaing sort cette expression devenue célèbre depuis : "le monopole du cœur".

"Je trouve toujours blessant et choquant de s'arroger le monopole du cœur. Vous n'avez pas, Monsieur Mitterrand, le monopole du cœur. Vous ne l'avez pas. J'ai un cœur comme le vôtre qui bat à sa cadence et qui est le mien. Vous n'avez pas le monopole du cœur."

"Vous êtes devenu l'homme du passif"

En 1981, les deux hommes se retrouvent à nouveau au second tour de l'élection présidentielle. Pour déstabiliser son adversaire, Valéry Giscard d'Estaing tente de faire passer François Mitterrand pour un "homme du passé". Ce dernier est a déjà une longue carrière à son actif. De dix ans l'aîné de son rival, le candidat socialiste a déjà participé à l'élection présidentielle de 1965, perdue face au général de Gaulle. Habillement, il parvient tout de même à retourner la situation par un jeu de mot bien senti à l'encontre de Valéry Giscard d'Estaing :

"Vous ne voulez pas parler du passé. Je le comprends bien et vous avez tendance à reprendre le refrain d'il y a sept ans, 'l'homme du passé'. C'est quand même ennuyeux que vous dans l'intervalle, vous soyez devenu l'homme du passif", insiste François Mitterrand.

Tout au long de ce débat, le candidat socialiste n'a pas épargné son adversaire, notamment dans sa conclusion :

"La situation de Monsieur Giscard d'Estaing est un peu celle d'un conducteur qui vient de verser sa voiture dans le fossé, et qui viendrait me demander, pour me surveiller, de repasser mon permis de conduire."

"Vous avez tout à fait raison monsieur le Premier ministre"

En 1988, François Mitterrand est encore de la partie. Lors de son quatrième débat, cette fois-ci en tant que président, il apparaît serein face à un Jacques Chirac moins à l'aise dans l'exercice qu'il découvre. Le candidat du RPR tente dès le début de déstabiliser son opposant, mais se fait vitre recadrer :

Chirac : "Ce soir, je ne suis pas le Premier ministre et vous n'êtes pas le président de la République. Nous sommes deux candidats, à égalité, et qui se soumettent au jugement des Français, le seul qui compte. Vous me permettrez donc, de vous appeler Monsieur Mitterrand."

Mitterrand : "Mais vous avez tout à fait raison Monsieur le Premier ministre."

"Pour être président de la République, il faut être calme"

En 2007, le débat est très tendu entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. La représentante du PS fait savoir qu'elle veut être "la candidate de ce qui marche", ce qui lui vaut une pique, un peu alambiquée, de la part de son adversaire :

"Si vous êtes la présidente de ce qui marche, je voudrais être le président qui fasse que ce qui ne marche pas marche. Parce que si c'est pour être la présidente de ce qui va et qu'il n'y a pas de problème, ce n'est pas la peine. Les gens ne votent pas pour nous pour qu'on aille compliquer ce qui va. Mais au contraire pour qu'on répare ce qu'il ne va pas", s'exclame Nicolas Sarkozy.

Le moment le plus marquant de ce débat reste lorsque Ségolène Royal s'emporte sur la question des élèves handicapés et atteste au candidat de l'UMP qu'il a atteint "le summum de l'immoralité en politique". S'en suit un échange musclé entre les deux adversaire. La candidate socialiste se dit "très en colère". "Calmez-vous et ne me montrez pas du doigt avec cet index pointé", lui demande Nicolas Sarkozy. "Non, je ne me calmerai pas!", répète-t-elle. "Pour être président de la République, il faut être calme", reprend le candidat de l'UMP.

"Moi président..."

Raillé pour son expression de "président normal", François Hollande a voulu lors du débat de 2012, afficher une posture plus affirmée. Pour cela, il a choisi d'utiliser l'anaphore en répétant à 15 reprises l'expression : "Moi président de la République". Par cette figure de style, le candidat socialiste a pris à son compte tous les reproches, notamment en terme de probité, faits au quinquennat de Nicolas Sarkozy pour promettre aux Français qu'il fera les choses différemment.