Emmanuel Macron élu président de la République

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  949  mots
Emmanuel Macron a réussi son pari inédit. Il devient à 39 ans le plus jeune président de la République jamais élu en France, au terme d'une chevauchée solitaire.
Le fondateur du mouvement En Marche! a largement battu Marine Le Pen au second tour, avec environ 65,8% des suffrages. La passation des pouvoirs avec François Hollande aura lieu le 14 mai. A peint élu, le nouveau président appelle les Français à lui donner une majorité lors des prochaines élections législatives... C'est toute la question!

C'est fait, a 39 ans, celui qui était encore inconnu des Français il y a trois ans devient le huitième président de la cinquième République. Emmanuel Macron a en effet largement battu la candidate du Front National, Marine Le Pen. Les deux finalistes ont obtenu environ 65,8% pour Emmanuel Macron et  34,2% pour Marine Le Pen, selon les différents instituts de sondage. Pour sa part, le taux d'abstention dépasserait les 25%, soit le plus fort taux depuis l'élection de 1969, lors du second tour entre Georges Pompidou et Alain Poher.

C'est peu dire que cette élection constitue une déflagration dans le monde politique "classique". C'est la première fois depuis le début de la cinquième république qu'aucun des "partis de gouvernement" n'a de représentants au second tour de la présidentielle, Benoit Hamon (PS) et François Fillon ("Les Républicains"), ayant mordu la poussière dès le premier tour.

En revanche, c'est la deuxième fois en quinze ans que le Front National réussit à se qualifier pour la finale. Jean-Marie Le Pen avait ouvert la voie en 2002, réunissant 17% des voix. Cette année, sa fille Marine a fait plus que doubler ce score. Le fameux "plafond de verre" s'élève très nettement pour le FN...

D'ailleurs, Marine Le Pen est immédiatement repartie au combat, annonçant dans son premier discours de vaincue qu'elle mènera la campagne du FN pour les législatives. Elle en a profité pour expliquer que le "Front National doit se renouveler", annonçant une "transformation du mouvement". Une façon pour elle d'immédiatement contrer une éventuelle contestation interne contre sa campagne et ses proches..

Pas d'état de grâce

Emmanuel Macron a donc triomphé après une inédite chevauchée solitaire d'une année et d'incroyables concours de circonstances. C'est en effet en avril 2016 qu'il a créé son mouvement En Marche! et c'est seulement fin août 2016 qu'il a démissionné de son poste de ministre de l'Économie du gouvernement Valls. L'annonce de sa candidature à l'automne fut l'un des éléments empêchant François Hollande de briguer un second mandat. Emmanuel Macron a aussi parfaitement su jouer des lignes de fractures qui partagent le PS et, à droite, les mésaventures de François Fillon lui ont largement dégagé la route. Lui qui ne s'est jamais "frotté" au suffrage universel, qui n'a jamais été parlementaire ou élu local.

En tout état de cause, le plus jeune président de la République jamais élu sait qu'il va bénéficier d'aucun état de grâce. Son élection ne repose en effet pas sur une très large adhésion, comme l'atteste son score du premier tour (24%). Il sait que de nombreux suffrages se sont portés sur lui - au premier comme au second tour - pour faire barrage à la candidate du Front National.  Et, à la différence de 2002, la constitution d'un "Front Républicain" a été très laborieuse, même si la quasi-totalité des ténors de la droite et de la gauche ont appelé à faire barrage à Marine Le Pen. En revanche, plusieurs voix ont manqué pour appeler franchement à voter Emmanuel Macron.

Intervenant pour la première fois après son élection, vers 21h15, Emmanuel Macron, l'air très solennel pour sans doute vouloir faire oublier son intervention du soir du premier tour, a voulu tout de suite donner l'image d'un (jeune) homme qui entre immédiatement dans la fonction, promettant de "défendre la France", "de servir la France"... mais aussi "de défendre l'Europe". Emmanuel Macron a aussi tenu à rendre "hommage" à François Hollande... pour immédiatement souhaiter que l'on revienne "à l'optimisme".

Un peu plus tard, dans son second discours de la soirée, sur l'esplanade du Louvre, au son de l'hymne européen, dans une mise en scène qui se voulait proche de celle de François Mitterrand se rendant au Panthéon en 1981, Emmanuel Macron a dit "merci" à ses soutiens réels... sans oublier ceux qui ont porté leurs suffrages sur lui "pour défendre la République". Il a voulu aussi saluer "les électeurs de Mme Le Pen" expliquant qu'il ferait tout "dans les cinq ans pour qu'il n'y ait plus aucune raison de voter pour les extrêmes". Il souhaite une  France "de plus de croissance, de plus de justice, de plus d'écologie... ", avant de, une nouvelle fois, affirmer son credo européen. Emmanuel Macron, conscient de la situation, a appelé aussi à "une majorité vraie, à une majorité de changement..". Car il sait bien que les prochaines élections législatives sont loin d'êtres gagnées pour lui, vu son score réel...

Une majorité aux législatives?

De fait, tout commence donc pour le "Kennedy" français. Il va maintenant lui falloir gagner la prochaine étape: les élections législatives des 11 et 18 juin. S'il n'obtient pas sous sa bannière une majorité des 577 députés - il lui faut donc au moins 289 élus pour constituer une majorité absolue - le nouveau président n'aura pas les coudées franches. Déjà, à droite, François Baroin, qui va mener l'alliance UDI - "Les Républicains" au combat, rêve d'imposer d'entrée de jeu une cohabitation à Emmanuel Macron...

Cette nouvelle bataille s'annonce donc rude pour le nouveau locataire de l'Élysée qui ne va pas disposer de beaucoup de temps pour profiter de sa victoire. La passation des pouvoirs avec François Hollande aura lieu le 14 mai, soit dimanche prochain. Normalement, c'est ce même jour que l'on devrait connaître celui qui sera le Premier ministre du nouveau chef de l'État.