Présidentielle 2017 : que vaut la méthode Macron ?

Par Fabien Piliu  |   |  1041  mots
Emmanuel Macron veut transformer l'économie. Chiche ! Mais que vaut sa méthode ?
Le fondateur d'En Marche souhaite transformer la France. Il a présenté ce jeudi sa méthode. Est-elle applicable ?

Comme un symbole, Emmanuel Macron a tenu une conférence de presse ce jeudi au Pavillon Gabriel, situé, à quelques dizaines de mètres du Palais de l'Elysée. Parce que les sondages lui sont actuellement favorables, l'ancien ministre de l'Economie se voit-il déjà fouler les marches du perron présidentiel ?

Peut-être. En attendant le 7 mai, date du second tour de l'élection présidentielle, Emmanuel Macron poursuit sa campagne. Après avoir dévoilé la semaine dernière le cadrage économique de son programme, il a présenté ce jeudi... son programme. D'aucuns diront que c'est une manière de mettre la charrue avant les bœufs. Cette chronologie indique-t-elle que la dimension budgétaire n'est pas l'essentiel ?

Toujours est-il qu'Emmanuel Macron a dévoilé aujourd'hui toutes les thématiques composant son programme. Son fil rouge est clair : protéger et libérer.

Mais plus que des propositions sur l'éducation, la réforme de l'Etat, la justice, l'économie, c'est une méthode que l'ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée a présentée ce jeudi.

Les ministres évalués chaque année sur leurs performances

Concrètement, pour transformer la France, Emmanuel Macron entend responsabiliser les acteurs afin de s'assurer que l'intérêt général est la priorité.

Ainsi, le président de la République, c'est-à-dire lui s'il est élu, devra rendre des comptes chaque année devant le Parlement réuni en Congrès. Son poste peut-il être menacé en cas de mauvais résultats ? Emmanuel Macron ne le précise pas. Qui ne dit mot consent... peut-être. En revanche, les ministres pourraient être sur la sellette si leur évaluation, qui se fera à rythme annuel, est mauvaise.

Qui jaugera l'efficacité des membres du gouvernement ? L'Elysée et Matignon, bien évidemment. Mais les parlementaires seront également à la manœuvre.

Des parlementaires avec plus de moyens et... moins nombreux

Les parlementaires, eux-mêmes, seront-ils exempts de toute évaluation ? Emmanuel Macron entend également les responsabiliser. Afin qu'ils aient les moyens de mener cette mission de contrôle à bien, il veut leur donner plus de moyens. Sauf que pour augmenter leurs ressources, il entend réduire le nombre d'élus à l'Assemblée nationale et au Sénat d'un tiers. Il entend également faire en sorte que les parlementaires soient totalement hermétiques aux influences extérieures qui pourraient les faire dévier de leur priorité principale : servir l'intérêt général. Est-ce parce qu'il n'a pas encore été élu, qu'il n'a reçu aucun mandat électif qu'Emmanuel Macron passe sous silence les pressions des lobbies divers et variés qui hantent les couloirs qui bordent les hémicycles ? Les grincements de dents commencent déjà se faire entendre...

La mesure de l'efficacité de l'administration, grande absente

Par ailleurs, les parlementaires sont-ils à même d'estimer avec sérieux la politique publique en faveur du tissu économique, sachant que 95% d'entre eux n'ont pas d'expérience en entreprise ?

Si les ministres et les parlementaires sont mis sous tension, ce ne semble pas être le cas des administrations. Pourtant, nombreux sont les exemples de réformes retardées, dénaturées ou bloquées par les directions administratives. Sur ce point, Emmanuel Macron n'apporte pas d'élément de réponse même si, en citant les violences policières, il a clairement fait comprendre que les responsabilités devaient être partagées tout le long de la chaîne hiérarchique.

Quel rôle pour les partenaires sociaux ?

Pour mettre enfin un terme au chômage de masse, Emmanuel Macron entend réformer le marché du travail et la formation en créant, par exemple, une sécurité sociale professionnelle. Sur cette question, les partenaires sociaux doivent être consultés, comme le prévoit la loi Larcher de 2007. Sur ce point encore, Emmanuel Macron fait mine d'ignorer les intérêts divergents du patronat et des salariés, la plupart d'entre eux étant souvent divisés sur ces questions. Or, certaines réformes n'ont pu être mises en place parce que les partenaires sociaux n'ont pas su s'entendre, entre eux, ou avec le gouvernement. En somme, pour transformer la France, Emmanuel Macron fait fi des blocages historiques, légitimes ou non, et entend abaisser le dialogue au niveau des branches, à défaut, et, idéalement, au sein même des entreprises. Cette méthode est-elle applicable ? On attend avec impatience la réaction des partenaires sociaux et en particulier de certains syndicats de salariés...

Création d'un budget de la zone euro

Pour relancer l'Europe, Emmanuel Macron entend également imposer ses idées et convaincre l'Europe des 27, la zone euro, l'Allemagne, de la nécessité de faire jouer les solidarités, de mutualiser les ressources des uns et des autres pour financer l'industrie européenne. Il souhaite par exemple créer un budget de la zone euro qui serait abondé par le Mécanisme européen de stabilité (MES) une fois celui-ci réformé. Il sera intéressant de découvrir comment Angela Merkel appréciera ce projet.

Bousculer l'ordre des choses, un concept rassembleur?

Que retenir de cet ensemble de propositions et surtout de la méthode que le fondateur d'En Marche entend déployer ? Très attendu, car dévoilé tardivement, ce programme développe une série de mesures tous azimuts. Comme l'a annoncé Emmanuel Macron en introduction, il pourra être complété au cours des semaines suivantes, en réaction à l'actualité.

Mais on le voit, sa réalisation ne semble pas mécanique. Vouloir remettre l'intérêt général au centre du débat politique comme le souhaite Emmanuel Macron et ses concurrents à l'élection présidentielle ne suffit pas. C'est une intention bien évidemment louable. Mais les convictions, les intentions peuvent rester sans effet. L'histoire, récente ou non, regorge d'espoirs déçus.

En somme, si Emmanuel Macron accède au pouvoir, la réussite de son programme dépendra uniquement du rapport de force qu'il aura su instituer. C'est une chose de déclamer des mesures devant un parterre de personnes acquises à sa cause. C'en est une autre de bousculer l'ordre des choses et de convaincre ceux qui en étaient jusqu'ici les garants.