Une victoire de Fillon ouvrirait-elle un boulevard au centre ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  886  mots
François Bayrou, président du MoDem, donne un coup de main à son allié Alain Juppé, en laissant entendre qu'il pourrait se présenter à la présidentielle en cas de victoire de François Fillon. La droite et le centre serait alors divisés. (Crédits : Photo AFP)
François Bayrou juge "dangereux" certains points du programme très musclé de François Fillon et songe à une candidature. Et du côté d'Emmanuel Macron, on préférerait une victoire Fillon qui permettrait de mieux se positionner que si Alain Juppé l'emporte.

A moins de six mois de l'élection présidentielle, le jeu reste extrêmement ouvert. Et la « surprise Fillon », si elle se confirme au second tour de la primaire de la droite dimanche 27 novembre, change quelque peu la donne et aiguise certains appétits. Chaque camp rival de celui de François Fillon est en train de modifier son logiciel et ses éléments de langage pour s'adapter à l'irruption de l'homme de la Sarthe que personne n'a vu venir.

François Bayrou: y aller ou pas face à Fillon?

C'est au centre que ça cogite le plus. François Bayrou, le président du MoDem, est dans l'expectative. Doit-il se présenter si François Fillon l'emporte à la primaire aux dépens d'Alain Juppé qui avait ses faveurs ? Si Nicolas Sarkozy avait été élu, les choses étaient claires, en raison du profond antagonisme qui oppose les deux hommes, François Bayrou aurait fait acte de candidature. Mais avec François Fillon, c'est moins nette.

Pour autant, si l'on en croit les récentes déclarations du « troisième homme » de l'élection présidentielle de 2007, il est incontestable qu'il cherche à peser sur le second tour de la primaire : "Les choix que je découvre dans le projet que présente François Fillon sont des choix qui me paraissent dangereux pour l'alternance et pour le pays", a-t-il déclaré ce 22 novembre à l'agence à Reuters.

Il reproche notamment à François Fillon une trop grande proximité avec Vladimir Poutine. En agissant ainsi, François Bayrou tente d'orienter un électorat indécis en faveur d'Alain Juppé. De fait, de nombreux sympathisants de droite craignent, en cas de victoire de François Fillon, que François Bayrou ne mette sa menace à exécution. Dans un tel cas de figure, la droite et le centre arriveraient en ordre dispersé à l'élection présidentielle, ce qui serait dangereux, non seulement face à Marine Le Pen, mais aussi face à un candidat de gauche un peu requinqué, car la place pour le second tour va se jouer sur quelques petits pourcentages. Dans ce contexte, la division peut-être mortelle.

Macron et Bayrou sur le même créneau

Du côté d'Emmanuel Macron, on observe un silence radio depuis le premier tour de la primaire de la droite. Certes, le leader de « En Marche ! » aurait de quoi se réjouir en cas d'une victoire Fillon à la primaire de la droite. Le très musclé programme économique de l'ancien premier ministre ainsi que ses positions conservatrices sur les questions sociétales (avortement, adoption par les homosexuels, etc.) ouvriraient un boulevard à l'ancien ministre de l'Economie dont les projets et les idées passeraient presque pourrait être  "progressistes" dans un tel contexte. D'ailleurs, Christophe Castaner, député socialiste des Alpes-de-Haute-Provence, et soutien de Macron ne s'y est pas trompé en twittant : « Fillon c'est le programme économique de Thatcher (...) et la diplomatie de Poutine ! Bienvenue au XXe siècle » ! ». Il est certain qu'avec François Fillon, la candidature d'Emmanuel Macron prend une autre tournure, surtout si la gauche socialiste continue d'être minée par ses division internes et ne se retrouve qu'avec un champion par défaut.

Cependant, Macron risque d'être gêné dans sa marche vers l'Elysée par... François Bayrou. On y revient donc toujours ! Si le président du MoDem décide d'y aller, alors lui et Emmanuel Macron vont chasser sur les mêmes terres et se cannibaliser... Peut-être alors au profit d'un candidat issu de la gauche socialiste qui profiterait là d'une sacrée opportunité... quasi miraculeuse. Ce sont ces évolutions que l'on surveille de près à L'Elysée. On comprend pourquoi François Hollande prend son temps avant de faire connaître sa décision de briguer ou pas un second mandat. Il attend de voir quels seront, in fine, les principaux protagonistes.

Hollande surveille tout ça !

Passé la surprise de l'élimination de son meilleur ennemi Nicolas Sarkozy, le président en place, peut voir la possibilité de se faufiler dans un trou de souris, malgré son impopularité actuelle, pour figurer au second tour en jouant le « modéré qui défendra les droits des salariés ».... Mais un tel scénario, tout juste plausible, va tout de même être contrarié par l'épisode de la primaire de gauche, en février, qui va encore donner lieu à de grosses déchirures dans le camp socialiste. Et l'impopularité de François Hollande est telle qu'il reste très peu de mois pour réhabiliter son image.... Mais il peut se consoler en regardant d'où vient François Fillon.

Reste le Front National. Dans ce camp aussi, on s'est très vite adapté à la « percée Fillon » notamment sous l'influence du vice-président Florian Philipot qui a trouvé les nouveaux angles d'attaque. Le FN, va faire vibrer plus que jamais sa fibre populaire, présentant François Fillon comme « le candidat des riches » qui, par sa politique d'austérité, va affaiblir les services publics, remettre en cause les droits des salariés et s'attaquer au pouvoir d'achat en augmentant de deux points la TVA.

Rien n'est donc encore figé. Mais, c'est une évidence, selon la personnalité qui sortira vainqueur du duel de la primaire de la droite, l'offre politique globale sur tout l'échiquier ne sera pas la même.