Aides à l'Ukraine : Bruxelles menace la Hongrie de représailles en cas de nouveau veto

Par latribune.fr  |   |  771  mots
Le rapprochement de l'Ukraine et l'Europe « aura un énorme impact, désastreux sur les économies européennes, en particulier dans le secteur agricole », a mis en garde Viktor Orban. (Crédits : JOHANNA GERON)
A deux jours d'un Sommet entre les 27 qui aura notamment pour objectif de débloquer une aide de 50 milliards d'euros de l'UE vers l'Ukraine, le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a rappelé son opposition au soutien à Kiev. Bruxelles menace néanmoins la Hongrie de représailles en cas de nouvelle apposition de son veto.

Les discussions entre les membres de l'Union européenne ont une allure de bras de faire. A l'origine des tensions : une aide de 50 milliards d'euros de l'UE vers l'Ukraine que la Hongrie a bloqué mi-décembre, lors du dernier Sommet réunissant les 27.

Une aide qui doit être redébattue jeudi lors d'un nouveau Sommet extraordinaire à Bruxelles. Mais déjà, le Premier ministre hongrois Viktor Orban a réitéré ce mardi son refus d'une aide pour l'Ukraine sur quatre ans, estimant qu'au-delà du conflit, l'Ukraine posait un « défi important » pour l'Europe. Le dirigeant nationaliste estime que les manifestations des agriculteurs dans plusieurs pays européens « montrent à quel point l'Ukraine est un problème grave pour l'Europe, indépendamment de la guerre ».

« Nous devons être très prudents car l'Ukraine est un pays immense ». Et son rapprochement, voire son adhésion à l'UE, « aura un énorme impact, désastreux sur les économies européennes, en particulier dans le secteur agricole », a-t-il dit dans un entretien avec l'hebdomadaire Le Point. Leur production est « bien meilleur marché que celle des paysans français et hongrois, et ce n'est pas soutenable. Nous ne pouvons pas rivaliser », ajoute le dirigeant nationaliste, appelant la Commission européenne à « défendre les intérêts européens contre les Ukrainiens, et non l'inverse ».

La Hongrie contre les 26 Etats membres

Après le veto de décembre au versement de 50 milliards d'euros à Kiev sur quatre ans, Budapest a fait samedi « une offre de compromis », rappelle-t-il, plaidant pour une « décision annuelle, révisée en fonction des événements ».

Mais les 26 autres Etats membres ne l'entendent pas de cette oreille. « Tout indique que, d'une manière ou d'une autre, nous trouverons une solution, avec ou sans (le Premier ministre hongrois Viktor) Orban, pour soutenir l'Ukraine, mais il serait préférable, et nous nous sentirions tous mieux alors, que l'unité de l'Europe soit préservée dans ce processus », a répondu ce mardi, le nouveau Premier ministre polonais Donald Tusk. « Viktor Orban est resté seul sur le champ de bataille. Il est le seul homme politique (européen) à être aussi ouvertement anti-ukrainien. » Un point que le Premier ministre hongrois a aussi reconnu en insistant sur la « solitude » de la Hongrie au sein de l'UE, alors que les 26 autres Etats membres « pensent toujours qu'il existe une solution militaire ».

Menace de « blocus financier » sur Budapest

Et le choix de la Hongrie de maintenir sa position pourrait bien se retourner contre elle. Bruxelles menacerait la Hongrie de subir « un vaste blocus financier », a affirmé Viktor Orban en se basant sur le contenu d'un article du Financial Times.

Selon le quotidien britannique, l'UE a préparé un document appelant les dirigeants des 26 pays à publiquement menacer de priver la Hongrie de tous les fonds qui lui reviennent si aucune solution n'est trouvée jeudi, afin de faire pression sur Budapest en « mettant en danger sa monnaie » et en ébranlant la confiance des investisseurs. « C'est une sorte de manuel du maître chanteur. (...) Je n'ai aucun doute sur l'authenticité de ce document. Connaissant Bruxelles, ils en sont capables », a lâché le représentant de la Hongrie.

Les agriculteurs français dénoncent une concurrence déloyale des produits ukrainiens

Si Viktor Orban est le seul chef d'Etat européen à remettre en question le soutien européen à l'Ukraine, de leur côté, les agriculteurs français se plaignent des produits agricoles ukrainiens arrivant sur le marché européen, considéré comme une concurrence déloyale selon eux. Ces attaques s'appuient sur la décision prise par Bruxelles en mai 2022 de suspendre les droits de douanes sur les importations ukrainiennes dans les 27 pays de l'UE. Entre 2021 et 2022, l'année de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le montant des importations agricoles en provenance d'Ukraine vers l'Europe a bondi de 25% en passant de 12 milliards d'euros à plus de 15 milliards d'euros. Et sur les six premiers mois de l'année 2023 les importations de volailles ukrainiennes ont doublé.

Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, ne cache pas son inquiétude de la puissance de l'agriculture ukrainienne. Dans un entretien à La France Agricole, il note aussi une concurrence inégale. « On ne joue pas avec les mêmes règles. L'agriculture ukrainienne pèse l'équivalent d'un quart de l'agriculture européenne, en volailles et grandes cultures essentiellement, avec des normes environnementales et des standards de production très en deçà de nos pratiques », a déclaré Arnaud Rousseau à La France Agricole. Dans une déclaration commune, six organisations agricoles européennes ont demandé de restreindre les importations de produits ukrainiens dans l'UE en les plafonnant.

(Avec AFP)