Allemagne : non, la Bavière ne peut pas faire sécession

Par Romaric Godin  |   |  827  mots
La Bavière ne peut pas quitter l'Allemagne.
La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a dénié à la Bavière et aux autres Länder tout droit à la sécession. Un droit qui, du reste, ne tentait pas les Bavarois...

Alors que le gouvernement catalan prépare pour septembre prochain un référendum d'autodétermination unilatéral s'il le faut et que l'Écosse, dans la foulée des négociations du Brexit, réfléchit à un référendum du même type, la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe vient de juger impossible ce même type de consultation concernant la sécession d'un Land de la République fédérale. Les juges étaient saisis par un citoyen bavarois qui désirait savoir si un référendum d'autodétermination pouvait provoquer une sécession de la Bavière hors de la République fédérale.

Aucune base légale

Dans la foulée de la longue dispute entre la Bavière et l'État fédéral sur la politique migratoire, incarnée dans la division entre la chancelière Angela Merkel et le ministre-président bavarois Horst Seehofer, certains avaient évoqué l'option d'un « Bayxit », une sortie de la Bavière de l'Allemagne. La première économique d'Europe aurait alors été privé d'un de ses plus puissants moteurs de croissance. La Cour de Karlsruhe a cependant jugé qu'une telle sécession n'a aucune possibilité légale dans la mesure où les Länder ne sont pas « maîtres de la Loi fondamentale (constitution) ». Officiellement, certes, la Bavière n'est pas un "Land", mais un "État libre". Néanmoins, ceci n'est que terminologique (elle partage ce terme avec la Saxe) et elle a rang constitutionnel de Land. Si les États fédérés constituent les fondements de la République, ce sont bien, comme le souligne le préambule de la Loi fondamentale les « Allemands des Länder » (et non les Länder) qui ont « achevé l'unité et la liberté de l'Allemagne ». Les Länder n'existent donc que par la constitution, ce ne sont pas des États qui ont préexisté à elle, l'ont accepté et peuvent donc y renoncer. La Cour suit ainsi une précédente décision qui allait dans le même sens.

Pas un Etat, donc pas de droit de sécession

Peu importe donc, aux yeux de la Cour que les Länder de la zone ouest aient préexisté à la loi fondamentale de 1949 et, même, que la Bavière ait alors rejetée la loi fondamentale. Les Länder, créés par les Alliés, n'avaient pas alors le statut d'État. La Bavière de 1949 n'était pas l'État bavarois d'avant 1871, pas même son héritier légal. C'était une construction ex nihilo des Alliés pour des raisons administratives. Les Länder n'ont donc pris leurs contours légaux véritables et donc leur existence légale que dans le cadre constitutionnel de la Loi fondamentale. Avec cette décision, la Cour rappelle que le caractère fédéral de la République ne sous-entend pas pour autant le droit à la sécession. C'est ici conforme à la tradition constitutionnelle des ensembles unitaires allemands : la Confédération de l'Allemagne du Nord, fondée autour de la Prusse en 1866, puis l'Empire allemand de 1871 ainsi que la République de Weimar (qui avait gardé le titre officiel de « Reich » de l'empire), étaient des États fédérés sans droits de sécession.

Pas de tentation sécessionniste réelle

Cette décision vient, en réalité, confirmer un état de fait : la Bavière n'a aucun désir sécessionniste réel. Certes, le Bavarois aime volontiers à critiquer les autres Allemands, mais ces critiques sont courantes entre les régions et sans conséquence en Allemagne. Certes, la Bavière est entrée de mauvaise grâce dans le Reich allemand en 1871 après sa défaite aux côtés de l'Autriche en 1866 face à la Prusse, mais elle n'a jamais depuis réellement songé à la sécession et le seul parti qui la promeut, le Bayern Partei (BP), n'a obtenu que 2,1 % des voix en 2013 aux élections régionales. C'était certes son meilleur score depuis 1966 et le double de 2008, mais c'est encore loin de constituer une tendance de fond. Au reste, le « Land » de Bavière n'est pas lui-même assuré de son unité : la Franconie, au nord, ne se sent guère « bavaroise »...

Et si la Bavière, notamment rurale, a assez mal accepté la politique migratoire d'Angela Merkel, la sécession n'a jamais été envisagée. Horst Seehofer, très populaire dans son Land, a longtemps brandi la menace d'une plainte contre l'État fédéral à Karlsruhe. Ce qui signifie que le gouvernement de Munich fait confiance au gardien de l'ordre constitutionnel allemand pour régler ses différends avec Berlin. Du reste, la CSU a renoncé, malgré sa mauvaise humeur, à une « sécession » d'avec la CDU et a maintenu son accord avec le parti d'Angela Merkel. Bref, la sécession bavaroise n'était qu'un mythe. Il est désormais rangé dans les placards de l'histoire...