Autriche : l'extrême droite s'installe au pouvoir dans l'indifférence ?

Par Grégoire Normand  |   |  851  mots
Le leader du parti populaire autrichien Sebastian Kurz et Heinz-Christian Strache chef du parti de la liberté (FPO ) lors d'une cérémonie de présentation officielle ce lundi 18 décembre.
Le nouveau gouvernement formé par une coalition de droite et d'extrême droite a prêté serment ce lundi devant le chef d'État Alexander Van der Bellen. L'entrée en fonction de ce nouvel exécutif a eu lieu dans une relative indifférence européenne alors que le jeune chancelier Sebastian Kurz doit rencontrer le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et le président du Conseil européen Donald Tusk ce mardi.

L'Autriche a pris un sérieux virage à droite ce week-end. Le jeune chancelier conservateur Sebastian Kurz a conclu un accord de gouvernement avec l'extrême droite qu'il a présenté samedi dernier à l'ÖVP, son parti (conservateur chrétien), et au président Alexander Van der Bellen avant d'en dévoiler les détails. Le Parti de la liberté (FPÖ), présidé par Heinz-Christian Strache, retrouve les cabinets ministériels de Vienne pour la première fois depuis le gouvernement de Wolfgang Schüssel entre 2000 et 2005, époque où le FPÖ était dirigé par le sulfureux Jörg Haider. Ce lundi, la nouvelle coalition a prêté serment dans une relative indifférence européenne alors que l'Autriche est le seul pays d'Europe occidentale à compter un parti d'extrême droite dans son gouvernement.

Trois ministères régaliens

Le dirigeant conservateur Sebastian Kurz, 31 ans, est devenu le nouveau chancelier, l'ÖVP étant arrivé en tête des élections avec 31,5% des voix, après avoir mené une campagne anti-immigration proche de celle du FPÖ qui s'est classé troisième avec 26% des suffrages, juste derrière les sociaux-démocrates du SPÖ (27%).

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À la suite des pourparlers, les deux formations politiques ont annoncé les détails de l'accord de gouvernement sur la répartition des ministères. Il apparaît que le président du FPÖ, Herbert Kickl, 49 ans, aura le portefeuille de l'Intérieur, Mario Kunasek (41 ans) celui de la Défense. L'experte en droit international Karin Kneissl, même si cette femme de 52 ans n'a pas la carte du parti, sera ministre des Affaires étrangères sous l'étiquette FPÖ, a indiqué un porte-parole. La droite nationaliste récupère donc trois ministères régaliens stratégiques.

De son côté, le parti conservateur ÖVP va contrôler huit ministères. Sebastian Kurz a dévoilé samedi que son ministre des Finances serait Hartwig Löger (ÖVP). Ce patron de 52 ans dirige la branche autrichienne du groupe d'assurances Uniqa. Outre les Finances, l'ÖVP contrôlera les portefeuilles de la Justice et de l'Agriculture. Quant à Gernot Blümel, cadre de l'ÖVP âgé de 36 ans, il sera ministre de la Chancellerie.

Pas de retrait de l'UE

Lors de la conférence de presse, le nouvel exécutif a tenté de rassurer leurs homologues européens. Leurs deux forces politiques se sont engagées à rester un partenaire européen.  "Nous contribuerons, en partenaire actif et fiable, à la poursuite du développement de l'UE, au sens où le principe de subsidiarité devra être essentiel", lit-on dans leur programme de gouvernement. En parallèle, Heinz-Christian Strache a indiqué qu'il acceptait qu'il n'y ait pas de référendum sur un retrait de l'Autriche de l'UE.

En revanche, Kurz et Strache sont en revanche d'accord pour s'opposer à une plus grande intégration européenne, notamment sur les questions sociales."Il n'y aura pas de vote sur notre appartenance aux organisations internationales, à l'Union européenne notamment", a déclaré Kurz lors d'une conférence de presse organisée avec Strache.

Peu de réactions

La première fois que le Parti de la liberté (FPÖ) est entré au gouvernement il y a près de dix-huit ans en Autriche, des manifestations de masse contre l'extrême droite avaient obligé les nouveaux ministres à emprunter un tunnel entre la chancellerie et la présidence pour la prestation de serment rappelle Reuters. Aujourd'hui, le dirigeant du FPÖ, Heinz-Christian Strache, nouveau vice-chancelier, a promis de gagner la Hofburg, siège de la présidence, "la tête haute et à l'air libre".

À l'issue de l'annonce d'une telle coalition, quelques responsables comme le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, Pierre Moscovici a réagi sur Twitter.

De son côté, le secrétaire d'État italien aux affaires étrangères, Benedetto Della Vedova, s'est inquiété d'une dérive vers "un nationalisme ethnique" avec le retour de l'extrême droite au pouvoir. "Ce n'est jamais une bonne nouvelle quand l'extrême droite rejoint un gouvernement" a ajouté Sandro Gozi, secrétaire d'Italien aux Affaires européennes.

Enfin le parti socialiste a appelé les autres États membres de l'Union européenne à réagir juste après l'officialisation de cette coalition ce week-end dans un communiqué.

"D'évidence, les membres de l'Union européenne ne sauraient aujourd'hui faire l'économie d'une réaction forte, individuelle et collective, tant l'indifférence conduirait à la banalisation et la banalisation à tous les maux que nous n'avons déjà que trop subis sur le vieux continent."

L'Autriche n'a pas suscité de vague d'indignations à l'échelle européenne, hormis quelques réactions isolées, alors que la république alpine doit prendre la présidence du conseil européen à l'été 2018.

(Avec agences)