Brexit : Boris Johnson multiplie les gaffes

Par Matthew Tempest, EurActiv  |   |  956  mots
Boris Johnson, le ministre britannique des Affaires étrangères, a comparé les négociations du Brexit à la Seconde Guerre mondiale.

Le 18 janvier, à peine 24 heures après que Theresa May avait mis en garde contre les gros titres qui pourraient nuire à Londres dans ses négociations de Brexit, Boris Johnson, son ministre des Affaires étrangères, a fait une de ces gaffes dont il est coutumier.

En déplacement en Inde, le ministre, qui a milité fermement pour le Brexit, avant de disparaître de la circulation quand il a fallu trouver un remplaçant à David Cameron, a ainsi déclaré :

« Si M. Hollande souhaite administrer une correction à quiconque essaye de s'échapper, un peu comme dans les films sur la Seconde Guerre mondiale, je ne pense pas que ce soit la bonne voie pour aller de l'avant. »

Verhofstadt s'énerve, Downing Street imperturbable

Une sortie qui a été interprétée comme une comparaison avec le régime de Vichy. Un des premiers à réagir a été Guy Verhofstadt, qui représentera le Parlement européen lors des négociations, et qui a pressé la Première ministre de condamner ce commentaire « odieux et profondément négatif ».

 

Jeremy Corbyn, leader de l'opposition, a pour sa part estimé que les propos du ministre étaient « sauvages et déplacés ». Une porte-parole de Downing Street a au contraire rejeté les critiques, qu'elle a qualifiées en les minorant de « comparaisons théâtrales ». « Il soutenait son argument, il n'a comparé personne à un nazi », a-t-elle assuré.

Quittant l'Europe, les Britanniques, curieusement, se croient assiégés

C'était pourtant la deuxième fois de la journée qu'un ministre conservateur comparaît les négociations de Brexit à la Seconde Guerre mondiale. Le ministre chargé de la sortie de l'UE, David Davis, avait en effet déjà déclaré : « Si notre pays a pu faire face à la Seconde Guerre mondiale, il peut faire face » au Brexit.

 

L'imagerie exagérée des campagnes du groupe europhobe UKIP, comme les falaises de Douvres (cf. affiche de propagande ci-dessus), les avions de combat datant de la guerre ou « l'heure de gloire » de la Grande-Bretagne, sont en train d'intégrer la rhétorique des conservateurs, laquelle s'appuie de plus en plus sur l'isolement du Royaume face à un continent hostile.

    > Lire : Theresa May tire un trait sur la marché unique

Et pourtant, May avait demandé à son staff d'éviter les gaffes

Dans son discours sur les objectifs de négociation de Londres, le 17 janvier, Theresa May avait pourtant spécialement averti que le manque de discipline et les gaffes des membres du gouvernement pourraient nuire à la position de négociation du pays.

« Il s'agit d'une négociation essentielle et délicate, qui définira les intérêts et le succès de notre pays dans les années à venir. Il est donc essentiel que nous maintenions notre discipline », a-t-elle annoncé. « C'est pourquoi j'ai affirmé, et je continuerai à affirmer, que toute langue déliée, tout emballement médiatique rendra l'obtention d'un accord favorable à la Grande-Bretagne plus compliqué. »

« Nos interlocuteurs de la Commission européenne le savent, c'est pourquoi ils se montrent si disciplinés. Et les ministres de ce gouvernement le savent aussi, c'est pourquoi nous resterons également disciplinés », avait-elle alors espéré.

Selon certains, Theresa May, qui a elle-même fait campagne pour l'UE, a mis un point d'honneur à nommer Boris Johnson aux Affaires étrangères, David Davis au Brexit et Liam Fox au Commerce international, afin de mettre les trois chantres du Brexit, qui manquaient toutefois à l'appel au moment où il a fallu remplacer le Premier ministre sortant, devant leurs responsabilités et mener les négociations aussi bien qu'ils l'ont promis dans leur campagne anti-UE.

   > Lire : Theresa May choisit Boris Johnson pour relever le défi du Brexit

Le président François Hollande a répété à l'envi que le Royaume-Uni ne bénéficierait pas de meilleures relations commerciales avec les États membres en quittant le marché unique. La chancelière allemande, Angela Merkel, a pour sa part déclaré que Londres ne devait pas s'attendre à pouvoir faire la difficile et choisir quels aspects de l'UE elle voulait, ou ne voulait pas.

Boris Johnson, la stratégie du brouillon

À Delhi, Boris Johnson a cependant assuré que la décision des Britanniques de sortir du marché unique ne voulait pas dire qu'ils voulaient abandonner leur accès aux pays européens :

« Nous devrions coopérer. Il me semble complètement incroyable qu'au 21e siècle, l'Union européenne [...] envisage réellement l'introduction de droits de douanes ou de punir de quelque façon que le soit le Royaume-Uni. Et n'oubliez pas que c'est une épée à double tranchant. Après tout, il est bien connu que les Allemands exportent un cinquième de leur production de véhicules. »

Boris Johnson prévoyait de rencontrer le Premier ministre indien et le ministre des Finances lors de son séjour de deux jours en Inde. Londres a en effet clairement annoncé vouloir renforcer ses relations commerciales avec son ancienne colonie, une des économies les plus florissantes au monde.

« Il sera bientôt temps de mettre un turbo à cette relation, avec plusieurs accords commerciaux, que nous serons bientôt en mesure de conclure », a déclaré le Britannique. « Nous ne pouvons rien négocier aujourd'hui, mais nous pouvons déjà faire un brouillon au crayon sur le dos d'une enveloppe. »

    > Lire : Angel Gurría: «les dégâts du Brexit ne font que commencer»

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Par Matthew Tempest, EurActiv.com (traduit par Manon Flausch)

(Article publié le vendredi 20 janvier 2017 à 9:15)

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