Brexit : l'UE se réunit à Bruxelles, Johnson menace de stopper les négociations

Par latribune.fr  |   |  1098  mots
(Crédits : VINCENT KESSLER)
Le Premier ministre britannique a annoncé qu'il déciderait de poursuivre ou non les négociations commerciales post-Brexit avec l'Europe des 27 en fonction "des résultats" du sommet prévu ce jeudi 15 et vendredi 16 octobre.

C'est dans un contexte tendu que les dirigeants européens se réunissent aujourd'hui et demain à Bruxelles. S'ils sont déterminés à afficher leur fermeté, le Premier ministre britannique Boris Johnson laisse planer la menace d'un arrêt des négociations après cette rencontre. Il s'était pourtant entretenu hier, mercredi 14 octobre, avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président du Conseil européen Charles Michel. Un appel téléphonique de 10 minutes qui n'a pas semblé donner un nouvel élan à des discussions enlisées depuis des mois.

« Le Premier ministre a noté la désirabilité d'un accord, mais exprimé sa déception de voir que davantage de progrès n'avaient pas été réalisés au cours des deux dernières semaines », ont indiqué les services de Boris Johnson dans un communiqué. Il « a déclaré qu'il attendait avec impatience les résultats du sommet européen » jeudi, avant de « présenter les prochaines étapes pour le Royaume-Uni, à la lumière de sa déclaration du 7 septembre », est-il ajouté.

Début septembre, Boris Johnson avait affiché sa volonté de conclure un accord « d'ici au Conseil européen le 15 octobre », devenu dès lors la date butoir des Britanniques. « Ca n'a pas de sens de penser à des échéances qui iraient au-delà », avait-il insisté. « Si nous n'arrivons pas à nous accorder d'ici là, je ne vois pas d'accord de libre-échange entre nous ».

De son côté, Ursula von der Leyen a affirmé dans un tweet après cet entretien : « L'UE travaille à un accord, mais pas à n'importe quel prix. Les conditions doivent être réunies en ce qui concerne la pêche, des règles du jeu équitables et la gouvernance. Il reste encore beaucoup de travail à accomplir ». Charles Michel a lui réclamé "des avancées".

Depuis que le Royaume-Uni a officiellement quitté l'UE le 31 janvier, les pourparlers entre Londres et Bruxelles pour un accord de libre-échange, qui entrerait en vigueur à la fin de la période de transition s'achevant à la fin de l'année, patinent. Trois sujets bloquent toujours les pourparlers : la pêche, les garanties réclamées aux Britanniques en matière de concurrence - malgré de légers progrès - et la manière de régler les différends dans le futur accord.

Les deux parties s'accusent mutuellement de laisser planer le risque d'un "no deal" potentiellement dévastateur pour leurs économies. L'hypothèse est d'ailleurs jugée "très crédible" et même "vraisemblable" par le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.

Lire aussi : Brexit : pour Jean-Yves Le Drian, l'hypothèse d'un no-deal est "très crédible" et "vraisemblable aujourd'hui"

L'UE ne décidera rien à Bruxelles

La menace de Boris Johnson a déçu les Européens, qui espéraient que l'entretien de mercredi redonne un élan aux négociations. « On aurait aimé être agréablement surpris », regrette une source européenne, qui souligne que les dirigeants de l'UE ne vont "rien décider" sur le Brexit lors de leur rencontre.

Le Brexit doit être évoqué ce jeudi après-midi par les dirigeants de l'UE lors d'un sommet à Bruxelles. Selon un projet de conclusions obtenu par l'AFP, les chefs d'État et de gouvernement devraient se limiter à constater "avec préoccupation" que "les progrès réalisés" dans les pourparlers "ne sont toujours pas suffisants". Ils devraient aussi inviter le négociateur de l'Union, Michel Barnier, « à intensifier les négociations » d'ici à la fin octobre, date qu'ils se sont fixés pour trouver un accord.

Les Européens, qui se sont toujours fixé fin octobre pour trouver un accord, ont clairement indiqué ces derniers jours que l'aboutissement des négociations nécessiterait encore plusieurs semaines. « Cette date évoquée par les Britanniques, elle est très loin de la réalité des négociations », a encore estimé mardi 13 octobre la présidence française.

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Nouvelle échéance le 16 novembre ?

Lors d'une réunion mardi avec les ministres des Affaires européennes de l'UE, le négociateur européen Michel Barnier a souligné qu'en dépit de discussions plus "constructives" qu'auparavant avec Londres, les points de blocage persistaient.

La pêche apparaît aujourd'hui aux yeux des négociateurs comme le sujet le plus compliqué, car très sensible politiquement. Même si elle ne représente qu'une part négligeable de l'économie des 27 et du Royaume-Uni, elle est jugée prioritaire par une poignée d'États membres (France, Belgique, Pays-Bas, Irlande, Danemark), dont les pêcheurs veulent continuer à pouvoir naviguer dans les eaux britanniques.

Un sommet informel des dirigeants de l'UE - à l'origine consacré à la Chine - est programmé le 16 novembre à Berlin, pour ce qui apparaît de plus en plus comme une nouvelle échéance. Pour Jean-Yves Le Drian, « entre le 15 octobre et la mi-novembre, tout doit se jouer », a-t-il prévenu mardi 13 octobre.

Lire aussi : «Fini de jouer», l'ultime appel de l'UE pour un Brexit avec accord

Climat et Affaires étrangères aussi au programme

Outre la relation post-Brexit, le dossier climatique sera également débattu dans la soirée à Bruxelles. L'UE doit en effet actualiser d'ici la fin de l'année ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre pour 2030. La Commission vise une réduction de 55% par rapport au niveau de 1990 - contre 40% actuellement - afin d'atteindre la "neutralité carbone" en 2050. Le Parlement européen réclame, lui, une baisse d'au moins 60%.

Les États membres devraient uniquement poser les termes du débat, sans trancher sur un objectif 2030, renvoyé à un prochain sommet mi-décembre, selon les conclusions provisoires du sommet.

Onze pays, dont la France, l'Espagne ou les Pays-Bas, ont cependant exprimé mercredi dans une lettre commune leur soutien à une baisse d'"au moins 55%" d'ici 2030. Mais les réticences de plusieurs pays de l'Est - dont la Pologne, très dépendante du charbon et qui refuse de promettre sa neutralité carbone pour 2050 - compliquent la donne. Ces pays pourraient réclamer des financements supplémentaires. La journée de vendredi sera consacrée aux Affaires étrangères et à la crise sanitaire liée au Covid-19.

(Avec Clément Zampa et Charlotte Durand, AFP)