Bruxelles autorise Rome à soutenir ses banques, mais pas à les sauver

Par Romaric Godin  |   |  794  mots
L'Italie peut soutenir ses banques, pas encore les sauver.
La Commission européenne a autorisé l'Italie à offrir une garantie publique pendant six mois pour aide la liquidité des banques italiennes. Une façon de stopper les attaques sur les marchés après le Brexit, mais le problème de fond demeure et n'est pas résolu.

La Commission européenne a permis à l'Italie de venir en aide à ses banques dimanche dernier. Rome a donc pu activer pendant six mois un programme de 150 milliards d'euros de garanties publiques pour soutenir le besoin de liquidités des établissements financiers italiens. Bruxelles a cependant refusé de préciser quels montants ont été débloqués, précisant cependant qu'ils étaient « proportionnés ».

Stopper l'incendie

Ce soutien permet aux banques d'émettre de la dette à court terme avec la garantie publique pour pouvoir faire face à des besoins de liquidités. Rappelons que la BCE a mise en place plusieurs mesures de soutien à la liquidité des banques de la zone euro. Outre les prêts à long terme, de quatre ans, proposés dans le cadre du programme TLTRO, la BCE s'engage depuis 2007, à fournir toutes les liquidités nécessaires aux banques à son guichet pourvu qu'elles apportent les collatéraux suffisants (titres placés en garanties). L'aide validée par l'UE hier permet donc notamment aux banques italiennes « d'économiser » leurs collatéraux auprès de la BCE.

C'est aussi une mesure principalement psychologique, prise en réaction à des turbulences de marchés et qui vise principalement à stopper les attaques violentes contre le secteur. Les banques italiennes ont été fortement secouées par les incertitudes qui ont suivi sur les marchés financiers à l'annonce du résultat du référendum britannique le 23 juin. Les grands établissements péninsulaires ont perdu entre 25 % et 30 % de leur valeur en Bourse. Avec l'annonce de cette aide, les titres bancaires italiens ont fortement progressé à Milan. Mais cet enthousiasme a été de courte durée et n'a pas été en mesure de compenser les pertes de la semaine précédente.

Le problème de fond n'est pas réglé

Car si cette annonce peut rassurer sur les risques à court terme liée aux banques italiennes, elle ne règle pas le vrai problème du secteur : celui de créances douteuses s'élevant à 360 milliards d'euros. Or, ce montant et la quasi-impossibilité pour le secteur de réaliser des levées de fonds suffisantes sur le marché pose le problème de la solvabilité des banques italiennes. Le vrai enjeu pour elles est donc de savoir comment elles vont pouvoir être recapitalisées pour un montant estimé à 40 milliards d'euros. Or, sur ce plan, le problème demeure entier : le gouvernement italien voudrait éviter d'avoir recours au mécanisme de résolution bancaire unique européen qui met à contribution les créanciers (dont de nombreux particuliers en Italie), les actionnaires et les déposants. Rome négocie avec ses partenaires européens la « mise entre parenthèses » de ce mécanisme et la possibilité de renflouer directement ou indirectement son secteur bancaire avec des fonds publics, ce qui est désormais strictement interdit en zone euro. L'aide annoncée à la liquidité est peut-être un message positif, mais ce n'est pas la validation d'un « sauvetage » bancaire italien.

Dilemme bancaire

Avec cette mesure, la Commission européenne essaie donc de calmer l'incendie boursier pour donner un peu de temps aux discussions entre Rome et ses partenaires. Mais pour le moment, l'Allemagne demeure ferme sur son refus d'autoriser l'aide publique au secteur. L'enjeu n'est pas faible. En faisant un premier accroc au mécanisme de résolution bancaire six mois après sa mise en œuvre, on avouerait  de facto que l'union bancaire - une des rares réalisations européennes de l'après-crise que les dirigeants européens peuvent mettre en avant - ne fonctionne pas. L'argument de l'urgence de la crise ne saurait tenir : ce mécanisme de résolution est précisément prévu pour faire face aux crises. De plus, si Rome « sauve » ses banques, le poids des problèmes bancaires seront transféré vers les comptes publics italiens. On se retrouverait donc dans la même situation qu'en Irlande ou en Espagne en 2010 : il y aurait transfert du risque bancaire vers le risque souverain. Mais, à l'inverse, si on applique la règle européenne, l'impact sur les ménages et les entreprises italiennes risque d'être fort et de frapper une économie italienne encore convalescente. C'est donc le choix entre la peste et le choléra.

La crise latente que traverse le secteur bancaire italien n'est donc pas terminée avec cette aide ponctuelle. Les effets du Brexit sur la valorisation des banques ne seront pas effacés : l'incertitude vis-à-vis de leur avenir demeure et nul, à part l'Etat italien, n'est prêt à investir dans le secteur bancaire de la Péninsule. Le "domino" italien n'a pas disparu, loin de là. Comme souvent, la Commission a paré au plus pressé en renvoyant les problèmes à plus tard. Une stratégie qui, là aussi, rappelle beaucoup la crise de 2010...