Croissance zone euro : l'Espagne, l'Italie et la France s'en tirent beaucoup mieux que l'Allemagne

Par latribune.fr  |   |  1374  mots
La croissance de la zone euro a résisté mieux que prévu au second trimestre. (Crédits : Yves Herman)
Malgré une inflation galopante, la croissance s'est accélérée dans la zone euro au second trimestre, à 0,7%, lui évitant de tomber en récession. Néanmoins, première économie de la zone euro, l'Allemagne affiche l'une des plus piètres performances. Tandis que la France, comme l'Espagne ou l'Italie voient leur croissance repartir à la hausse après un repli au premier trimestre, notamment grâce au tourisme.

La récession ne semble pas (encore) toucher l'Europe. Si techniquement les Etats-Unis le sont - leur économie s'est contractée durant deux trimestres consécutifs - de l'autre côté de l'Atlantique, l'activité économique des pays de la zone euro semble résister, malgré un contexte incertain marqué par une inflation galopante, conséquence de la guerre en Ukraine. L'institut Eurostat annonce vendredi que la croissance économique dans la zone euro a même fait nettement mieux que prévu au deuxième trimestre, à 0,7% par rapport au trimestre précédent, ou +4% par rapport au deuxième trimestre de l'an passé. C'est mieux que les Etats-Unis sur avril-juin, où l'économie s'est contractée.

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Si la guerre en Ukraine continue de faire flamber les prix dans les 19 pays partageant la monnaie unique, elle n'a donc pas encore fait caler l'économie. Après 0,5% de croissance du PIB de janvier à mars, les économistes s'attendaient à un ralentissement marqué. Mais l'activité a été portée par la bonne tenue des services touristiques grâce à la levée des restrictions liées à la pandémie de coronavirus. Néanmoins, l'avenir reste très incertain. L'inflation de la zone euro a été propulsée à un nouveau record par la guerre en Ukraine et les sanctions occidentales contre Moscou, à 8,9% en juillet, après 8,6% en juin. Cet indicateur a atteint chaque mois un nouveau record depuis novembre. Outre l'envolée des prix de l'énergie (carburants, gaz, électricité), les ménages européens sont de plus en plus confrontés à celle des prix alimentaires.

Au sein du bloc européen, la situation est contrastée. La croissance a été plus forte en Espagne (1,1%), en Italie (1%) et en France (0,5%). En revanche, l'Allemagne, première économie européenne, a stagné (0%). Du côté de l'inflation, la plus faible a été enregistrée en France (6,8%) et à Malte (6,5%) en juillet. Les pays baltes ont connu les taux les plus forts: 22,7% en Estonie, 21% en Lettonie, 20,8% en Lituanie.

L'économie allemande cale

L'Allemagne affiche l'une des plus piètres performances de la zone euro. La croissance allemande est restée nulle au deuxième trimestre, plombée par l'accélération de l'inflation dans le sillage de la guerre en Ukraine, qui pèse sur le pouvoir d'achat et l'activité industrielle, selon des chiffres préliminaires publiés vendredi. Après une croissance de 0,8% pour les trois premiers mois de l'année, la première économie européenne est à la peine dans « un contexte économique mondial difficile, avec la pandémie de Covid-19, les chaînes d'approvisionnement perturbées, la hausse des prix et la guerre en Ukraine », explique l'Institut statistique fédéral Destatis dans un communiqué, qui a cependant fortement révisé à la hausse la croissance du premier trimestre, annoncée initialement à 0,2%. Si bien que cet ajustement d'une ampleur inhabituelle « rend de plus en plus difficile une appréciation de la croissance en 2022 ».

La guerre en Ukraine a mis fin au fort rebond de l'économie entamé il y a un an, après la récession historique provoquée par la pandémie en 2020. L'inflation des prix de l'énergie qu'elle a entraînée pénalise particulièrement la puissante industrie allemande. S'y ajoute l'impact de la politique de Pékin contre le Covid-19 qui a entraîné confinements et fermetures d'usines en Chine, premier partenaire commercial de l'Allemagne. Les entreprises exportatrices, piliers du modèle allemand, sont particulièrement affectées, notamment la filière automobile privée de composants essentiels.

Berlin table depuis le printemps sur une hausse de 2,2% du PIB cette année, contre 1,9% selon la prévision de juin de la Banque fédérale (Bundesbank). Le risque énergétique plane cependant, et un arrêt des livraisons de gaz russe en Europe réduirait la valeur du PIB allemand de 1,5% en 2022 et de 2,7% en 2023.

La France, l'Espagne, Italie résistent

La France a renoué avec la croissance au second trimestre, d'avril à juin : son PIB a progressé de 0,5%, après un repli de 0,2% au premier trimestre. Cette première estimation du produit intérieur brut (PIB) au deuxième trimestre, publiée vendredi par l'Insee, devra certes être confirmée fin août. Pour l'heure, si les nuages de la récession semblent dissipés, la hausse des prix continue à peser sur la consommation. L'indice des prix à la consommation, dont l'Insee a publié vendredi matin une première estimation pour le mois de juillet, a franchi la barre des 6% (+6,1% sur un an après +5,8% en juin).

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De l'autre côté des Pyrénées, l'économie espagnole a été encore plus performante. La croissance a fortement rebondi pour atteindre 1,1%, après avoir plafonné à 0,2% au premier trimestre, selon une estimation officielle de l'Institut national de la statistique (INE) espagnol. Cet indice positif s'accompagne toutefois d'une inflation en hausse, à 10,8% en juillet sur un an. Cette rebond de croissance s'explique notamment par le fait que l'Espagne, heurtée de plein fouet par la crise du Covid-19 en 2020, a pris du retard ces derniers mois vis-à-vis de ses voisins, qui ont, pour beaucoup d'entre eux, déjà effacé les pertes liées à la pandémie. Néanmoins, le gouvernement espagnol s'attend cependant à un ralentissement de l'activité au cours des prochains mois.

L'Italie réalise aussi une bonne performance. Grâce notamment à la reprise du tourisme, le pays a vu son produit intérieur brut (PIB) progresser de 1% au deuxième trimestre par rapport au précédent, selon une première estimation publiée vendredi par l'Institut national des statistiques (Istat). Dans un contexte économique assombri par l'envolée des prix, la croissance italienne s'est accélérée ainsi nettement par rapport au premier trimestre, qui avait connu une hausse du PIB limitée à 0,1%. Cette hausse du PIB au deuxième trimestre est supérieure aux attentes de la Banque d'Italie qui prévoyait à la mi-juillet une croissance d'environ 0,5%, « malgré l'augmentation des coûts de l'énergie ». Pour 2022, la Banque d'Italie avait déjà relevé à la mi-juillet sa prévision de croissance, tablant désormais sur une hausse du PIB de 3,2%, contre 2,6% auparavant.

Recul de la croissance au Portugal et en Autriche

Le Produit intérieur brut (PIB) du Portugal a reculé de 0,2% deuxième trimestre 2022, contre une hausse de 2,5% pour les trois premiers mois de l'année. Ce repli s'explique notamment par « une croissance moins accentuée de la consommation privée et de l'investissement », explique l'Institut national des statistiques (Ine), qui publie vendredi une première estimation. En glissement annuel, le PIB portugais a progressé au deuxième trimestre de 6,9%, contre une hausse de 11,8% au cours des trois premiers mois de l'année.

L'Autriche n'échappe pas au contexte morose mondial et marque le pas, affichant une croissance de 0,5% au printemps, selon une première estimation publiée vendredi,  comparer à une hausse de 1,5% cet hiver. « L'élan positif s'est essoufflé à tous les niveaux », a commenté l'institut de référence Wifo dans un communiqué. L'industrie et la construction ont progressé respectivement 0,7% et 0,1%, loin des performances du premier trimestre. Du côté de la demande, la consommation des ménages a chuté de 1,9%. En revanche, le commerce extérieur a résisté, avec des exportations qui ont grimpé de 2,7%. Idem pour l'investissement des entreprises (+1,2%).

Hors de la zone euro, chez nos voisins suisses, les perspectives pour l'économie s'assombrissent aussi selon le baromètre du KOF, un indicateur à court terme pour le produit intérieur brut (PIB) du pays alpin, qui recule pour le troisième mois d'affilée, indique vendredi l'institut qui le calcule chaque mois. Après un recul modéré en juin, la chute de ce baromètre s'est accélérée en juillet, sa baisse se chiffrant à 5,1 points, pour tomber à 90,1 points, indique le centre de recherches conjoncturelles de l'École polytechnique fédérale de Zurich dans un communiqué. Il descend ainsi nettement en dessous du seuil de croissance situé à 100 points. « La conjoncture suisse devrait évoluer péniblement à l'automne », présagent les chercheurs de l'institut zurichois, évoquant « des nuages sombres dans le ciel conjoncturel ».

(Avec AFP)