Délais de paiement  : Bercy vent debout contre la proposition de durcissement faite par Bruxelles

Par latribune.fr  |   |  710  mots
La ministre déléguée aux PME, Olivia Grégoire, estime que le dispositif qui est proposé par Bruxelles sur « les délais de paiement risque d'entraîner d'importantes perturbations pour les entreprises dans le commerce et l'industrie ». (Crédits : Reuters)
La ministre déléguée aux PME, au Commerce et à l'Artisanat Olivia Grégoire a estimé que le texte européen sur les délais de paiement des fournisseurs des entreprises devait « être retravaillé ». Elle prend fait et cause pour des associations professionnelles qui dénoncent une « pression sur la trésorerie des commerçants ».

Pas question pour le gouvernement! La France ne veut pas en l'état d'un nouveau règlement de Bruxelles qui durcit les règles des délais de paiement des fournisseurs des entreprises.

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La proposition de la Commission européenne, proposée le 12 septembre dernier et qui doit remplacer une directive de 2011, « introduit un délai maximal de paiement plus strict de 30 jours, élimine les ambiguïtés et remédie aux lacunes juridiques de la directive actuelle », disait l'instance dans un communiqué. En France, la loi prévoit que « sauf accord entre les parties, le délai de règlement est fixé à 30 jours à compter de la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation. Le délai convenu entre les parties ne peut dépasser 60 jours à compter de la date d'émission de la facture ».

« Laisser le temps pour une concertation »

« Le règlement doit être retravaillé. Nous demandons à la Commission européenne une étude d'impact pour étayer les décisions futures », a fait savoir Olivia Grégoire, ministre déléguée aux PME, au Commerce et à l'Artisanat dans une interview accordée lundi aux Echos. « Dans l'absolu, la volonté de Bruxelles de lutter contre les retards et les délais de paiement au niveau européen va dans le bon sens », dit-elle encore. Mais « le dispositif qui est proposé sur les délais risque d'entraîner d'importantes perturbations pour les entreprises dans le commerce et l'industrie », dit-elle, appelant à « laisser le temps pour une concertation ».

Le texte proposé par Bruxelles « garantit également le paiement automatique des intérêts dus et des frais de compensation », et « introduit également de nouvelles mesures d'exécution et de recours pour protéger les entreprises contre les mauvais payeurs ». Ce, dans le but de « répondre aux besoins des petites et moyennes entreprises européennes ».

Des associations dénoncent une « pression sur la trésorerie des commerçants »

Plusieurs associations professionnelles de commerçants, françaises comme européennes, ont fustigé ce projet. Ramener « le délai maximum de 60 à 30 jours » « va mécaniquement augmenter les retards de paiement en mettant la pression sur la trésorerie des commerçants » et « menacer la survie des entreprises les plus fragiles » qui feront face « à des problèmes de liquidité très importants », a par exemple affirmé en octobre le Conseil du commerce de France (CDCF), qui rassemble une trentaine de fédérations commerçantes. Il affirme que la « ponction de trésorerie effectuée au détriment des commerçants français serait de l'ordre de 25 à 30 milliards d'euros » si la proposition de la Commission européenne venait à être entérinée en l'état. Le texte se trouve toutefois au tout début de son processus législatif.

En France, les retards de paiement supérieurs à 30 jours sont passés de 5,7% à 7,6% en un an

Reste que la problématique des retards de paiement entre entreprises est, en France, un sujet de préoccupation. Ainsi, selon l'étude semestrielle d'Altares publiée fin septembre, si la proportion des bons payeurs français « est à son plus haut historique », les retards supérieurs à 30 jours sont passés de 5,7% à 7,6% en un an.

En particulier, « la situation se tend fortement chez les PME et les TPE » : au cours du 1er semestre, les sociétés de 10 à 49 salariés sont restées sous 11,5 jours de délai, mais celles de 50 à 200 salariés ont allongé leurs retards de plus d'une journée (12,4 jours au deuxième trimestre contre 11,2 au T2 2022). Chez les TPE, c'est l'inverse : les structures de plus de 3 salariés se maintiennent aux environs de 11,5 jours tandis que les plus petites repassent à 12,2 jours au 2e trimestre. Les ETI (Entreprise de taille intermédiaire) et grandes entreprises de plus de 1.000 salariés « ne confirment pas » pour leur part l'amélioration engagée l'an dernier : les délais réduits à 16,5 jours à l'été 2022 avoisinent désormais 18 jours.

Et pourtant, selon le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, la situation économique, même dégradée, « ne justifie en rien » que certaines entreprises « s'imaginent en droit de dégrader leur comportement de paiement au détriment de leurs partenaires commerciaux ».

(Avec AFP)