Espagne : croissance de 3,2 % en 2016

Par Romaric Godin  |   |  771  mots
L'Espagne a connu encore une forte croissance en 2016.
Le PIB espagnol a connu une croissance équivalente à 2015 et 2016. Le Royaume devra faire face désormais au défi de l'inflation en hausse et de la consolidation budgétaire.

La croissance espagnole demeure solide. Selon l'Institut national des Statistiques (INE) du Royaume, le PIB espagnol a progressé de 0,7 % au cours du dernier trimestre de 2016. Sur l'ensemble de l'année 2016, la croissance de l'Espagne atteint 3,2 %, soit le même rythme qu'en 2015. C'est une des croissances les plus élevées de la zone euro.

Le détail de ces chiffres ne sera connu que le 2 mars prochain, mais les économistes estiment que la croissance s'est principalement fondée sur la demande intérieure, et notamment la consommation des ménages qui est restée soutenue par les gains de pouvoir d'achat lié à une inflation encore faible et par le recul du chômage. La politique budgétaire devrait aussi avoir soutenu la croissance, comme c'est le cas depuis trois ans (et c'est une des raisons des résultats décevants des ratios budgétaires du pays). L'investissement devrait également s'être renforcé. Enfin, malgré la croissance des exportations, la croissance espagnole reste très gourmande d'importations : la contribution des échanges extérieurs devrait rester faible.

Le dernier trimestre connaît un rythme de croissance égal à celui du troisième trimestre. Il convient cependant de rappeler que ce rythme de 0,7 % est le plus faible depuis le dernier trimestre de 2014. En rythme annuel, la croissance espagnole du quatrième trimestre s'établit à 3 %, ce qui est moins qu'au troisième trimestre (3,2 %) et ce qui est le plus faible niveau depuis le premier trimestre de 2015. Malgré tout, l'Espagne bénéficie d'un rythme de récupération soutenu et, Irlande exceptée, inédit parmi les pays qui ont connu la visite de la troïka et se sont retrouvés au centre de la crise européenne de 2010-2013.

Une croissance avec moins d'emploi qu'auparavant

Le Royaume a désormais dépassé son niveau de PIB d'avant sa « deuxième récession » entamée au dernier trimestre de 2010 de près de 3 %. Cette deuxième récession a duré jusqu'au troisième trimestre de 2013. En revanche, la richesse espagnole demeure encore 0,4 % en deçà de son point haut du deuxième trimestre 2008, mais l'on peut dire que, désormais, l'Espagne a effacé l'essentiel de ses années de crise. Avec cependant une différence : le chômage, quoiqu'en décroissance, reste très élevé à 18,9 % de la population active en décembre 2017 contre 14,8 % au point haut de la croissance, en décembre 2008.

De plus, on constate sur le long terme que la croissance espagnole reste in fine modérée. Sur dix ans, entre le troisième trimestre 2006 et celui de 2016, le PIB espagnol a progressé de 3,1 %. C'est certes mieux que l'Italie, la Grèce et le Portugal qui n'ont pas retrouvé leur niveau de richesse d'il y a dix ans, mais c'est largement inférieure à la croissance française (7,4 %) et allemande (12,2 %). Au final, au-delà des chiffres impressionnants de la croissance actuelle de l'Espagne, il convient de garder à l'esprit quelques éléments : le pays a connu une véritable « décennie perdue » et sort de la crise socialement fragile : c'est un des pays où le risque de pauvreté est le plus élevé en zone euro et où les inégalités sont les plus importantes.

Deux éléments négatifs pour 2017

L'enjeu sera donc de maintenir en 2017 cette croissance. Les observateurs tendent cependant à tabler sur un ralentissement du rythme. Si l'Espagne devrait bénéficier d'une amélioration du contexte européen, plusieurs éléments joueront contre la vigueur de la croissance. D'abord, la reprise de l'inflation. L'Espagne est un des pays où les prix sont les plus sensibles aux prix du pétrole. L'inflation s'est donc accélérée notablement en fin d'année après des années de recul. Le problème est que la croissance du pouvoir d'achat des Espagnols dépendait principalement de cette inflation faible. Les salaires suivront-ils les prix ? Jusqu'ici, ils sont restés sans dynamique. Sans augmentation des salaires, les revenus réels et donc la consommation des ménages devraient ralentir.

Autre élément négatif : la politique budgétaire qui, en réalité, a été un des éléments clés de la reprise. La Commission européenne a contraint Madrid à engager une consolidation budgétaire rapide, avec notamment des hausses d'impôts de 5 milliards d'euros. Ce sera un soutien de moins pour la croissance espagnole qui ne peut désormais qu'espérer en une forte hausse de la croissance extérieure et une poursuite de la reprise de l'investissement. Néanmoins, le pays pourrait rester dans le peloton de tête de la croissance européenne, avec une hausse du PIB attendue près de 2,5 %.