Espagne : vers un "naufrage" des Socialistes le 20 décembre ?

Par Romaric Godin  |   |  1128  mots
Pedro Sánchez, candidat du PSOE à la présidence du gouvernement espagnol, est en pleine tourmente.
A dix jours des élections, le sondage donne le PSOE en quatrième position et sous les 20 % d'intentions de vote. Un niveau jamais vu depuis... 1923 ! Les Socialistes espagnols sont en pleine crise existentielle.

Les élections générales espagnoles qui auront lieu le 20 décembre pourraient être une catastrophe pour le PSOE, le parti socialiste espagnol. Pour la première fois, un sondage, réalisé par l'institut DYM pour El Confidencial entre le 27 novembre et le 9 décembre, annonce le PSOE en quatrième position avec seulement 17 % des intentions de vote contre 18,2 % lors de la dernière enquête en novembre. Si cette enquête se traduisait dans les urnes, ce serait le pire score réalisé par les Socialistes depuis les élections générales de... 1933 où le PSOE avait obtenu 12,5 % des voix. Mais il faut remonter aux élections générales de 1923 - autrement dit à la préhistoire du mouvement socialiste en Espagne - pour ne pas voir le parti dans le trio de tête. En 2011, le PSOE avait atteint 28 % des voix.

Le PSOE serait, selon ce sondage, devancé par le Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy, le président du gouvernement sortant, donné à 26,7 % (- 0,3 point en un mois), mais aussi par le parti « centriste » Ciudadanos d'Albert Rivera, nouvelle étoile montante de la politique espagnole, donné à 23,2 d'intention de vote (contre 20,3 % voici un mois), et de Podemos, la force de la gauche « radicale », donné à 19,1 % et qui est en progression très nette de 5,3 points. Unité Populaire, la liste menée par les Verts et le Parti communiste, arrive cinquième avec 6,3 % des intentions de vote.

Défaite pour Pedro Sánchez

Ce score est clairement une défaite pour le secrétaire générale du PSOE, Pedro Sánchez, qui est le candidat socialiste à la Moncloa, le siège de la présidence du gouvernement. L'homme s'était pourtant voulu confiant après le deuxième débat télévisé qui s'est tenu lundi soir en s'en proclamant « vainqueur. » Le quotidien de centre-gauche El País avait jugé que le leader socialiste avait « montré la plus haute stature politique, une profondeur dans ses propositions et un aplomb personnel que l'on attend d'un chef de l'exécutif. » Mais cette analyse n'a pas été partagée, semble-t-il, par la majorité des électeurs de la gauche espagnol.

Le PP s'appuie sur un « socle », pas le PSOE

Certes, le PP de Mariano Rajoy est, lui aussi, en nette perte de vitesse. L'enquête de DYM ne lui attribue que 26,7 % des intentions de vote. C'est très loin du score de 2011 du PP qui était de 44,6 % des voix, mais le président du gouvernement sortant peut compter sur le « noyau dur » de son électorat conservateur. Il doit seulement lutter contre l'important exode de ses électeurs centristes vers Ciudadanos. C'est pourquoi il est encore en tête des sondages.

Pris en tenaille

Pedro Sánchez, lui, doit faire face à un double phénomène. A sa gauche, Podemos lui a pris de nombreux électeurs qui n'ont pas oublié la politique d'austérité engagée par José Luis Zapatero en 2010-2011. D'autant que Podemos a recentré une partie de son discours Mais le PSOE doit aussi faire face à la fuite de ses électeurs centristes vers Ciudadanos qui insiste à la fois sur la nécessité de combattre la corruption des partis traditionnels et qui a parsemé son programme de propositions économiques « réformistes » comme le complément de revenus pour les travailleurs pauvres.

Problème de crédibilité

Parallèlement, le PSOE souffre d'un manque de crédibilité de son programme. L'idée qui domine est que les Socialistes, une fois arrivés au pouvoir, se hâtent de revenir sur leurs engagements. Un doute que Pedro Sánchez avait tenté d'écarter en engageant un « aggiornamento » du parti. Mais le PSOE reste un parti dominé par les anciens cadres, qui ont souvent été ministres et, en cela, il peine à se présenter comme une vraie alternative. « Les citoyens voient une grande incohérence entre un PSOE en campagne qui, parfois, fait des propositions raisonnables, mais qui contraste avec sa pratique et son expérience de gouvernement », a résumé le leader de Podemos, Pablo Iglesias.

Mauvaise stratégie de Pedro Sánchez

C'est un coup dur pour Pedro Sánchez, qui a basé sa campagne sur le fait que le PSOE était la « seule alternative » au PP. Mercredi, il a ainsi réagi vivement aux attaques de Pablo Iglesias en indiquant que « voter pour Podemos revenait à voter pour le PP. » Cette stratégie du vote utile est malheureusement trop proche de « l'ancien système » politique espagnol bipartisan pour être efficace. Dans le quadripartisme qui se met en place actuellement, le PSOE ne trouve pas sa place et en est ainsi naturellement la principale victime. En s'identifiant encore à ce bipartisme périmé, Pedro Sánchez justifie davantage encore le peu d'attrait de son parti par les électeurs en quête d'un nouveau souffle.

Illisible sur la question régionale

On constate également ce phénomène sur la question de l'autonomie régionale et de l'indépendance de la Catalogne. Coincé entre Ciudadanos, qui profite de la peur de cette dernière et défend un programme de recentralisation du pays, et Podemos, qui s'est allié en Galice, Catalogne et Pays valencien avec les autonomistes et défend l'idée d'un référendum, le PSOE peine à trouver sa voie et est dans une logique de suivisme peu convaincu et peu convaincant du PP. Conséquences : en Catalogne, région centrale pour l'élection, l'alliance menée par Podemos, mais aussi Ciudadanos dépassent les Socialistes, tandis que ces deux formations talonnent le PSOE en Galice et que l'alliance régionaliste-Podemos se rapproche du PSOE à Valence.

Tendance clairement établie, malgré les divergences des sondages

Rien n'est certes absolument sûr. Le sondage DYM est le seul pour le moment à donner le PSOE quatrième. Jeudi, un sondage Celeste réalisé entre le 30 novembre et le 4 décembre, donc avant le deuxième débat télévisé, donnait encore le PSOE à 23,1 % en deuxième place derrière le PP à 28,2 %, mais largement devant Ciudadanos (18,8 %) et Podemos (16,2 %). Mais là aussi, le PSOE perdait en une semaine 0,8 point, quand Podemos gagne un point. La tendance à l'affaiblissement du PSOE au profit de Podemos est donc générale depuis quelques semaines. Si cette quatrième place se concrétisait le 20 décembre, ce serait une véritable catastrophe pour le PSOE. Le système électoral espagnol, qui distribue les sièges par province, donne en effet un avantage aux partis arrivés en tête. Le PSOE pourrait donc voir son nombre de députés se réduire dangereusement au Congrès. Une chose semble, en tout cas, d'ores et déjà certaine : le PSOE n'est plus que l'ombre de lui-même. Il rejoint la longue liste des partis sociaux-démocrates victimes de la crise économique en Europe.