Face à la menace russe, l’armée allemande doit être « apte à la guerre » dans 5 ans, dit son chef d’état-major

Par latribune.fr  |   |  1159  mots
Un char Léopard (Crédits : FABIAN BIMMER)
Dans un entretien accordé à Die Welt, Carsten Breuer, le chef d'état-major de l'armée allemande juge nécessaire que la Bundeswehr, en cours de remise à niveau depuis le lancement de la guerre russe en Ukraine, soit « apte à la guerre ». Cette année, les dépenses militaires allemandes vont représenter 2,1% du PIB du pays, soit 72 milliards d'euros. Il s'agit d'un record. les dépenses militaires à 2% du PIB. Berlin songe par ailleurs à introduire le service militaire obligatoire.

Être prêt en cas d'attaque de la Russie. C'est la recommandation de Carsten Breuer, le chef d'état-major de l'armée allemande, alors que le gouvernement se réarme à toute vitesse depuis le vote dans la foulée de l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022 d'un fonds de 100 milliards d'euros destiné à moderniser son armée. En effet, dans une interview accordée au journal conservateur allemand  Die Welt, Carsten Breuer juge nécessaire que la Bundeswehr soit « apte à la guerre » dans cinq ans.

« Sur la base des différentes analyses et quand je vois la menace potentielle que représente la Russie, cela signifie pour nous cinq à huit années de préparation », a déclaré le général allemand.

« Cela ne veut pas dire qu'il y aura alors une guerre. Mais elle est possible. Parce que je suis militaire, je dis : dans cinq ans, nous devons être aptes à la guerre », a-t-il précisé.

Et d'ajouter que pour la première fois depuis la fin de la Guerre froide, « nous nous trouvons confrontés à la possibilité d'une guerre imposée de l'extérieur », alors que Boris Pistorius, le ministre allemand de la Défense a récemment présenté de nouvelles directives de l'armée allemande dans lesquelles le gouvernement insiste pour que la Bundeswehr soit également capable de s'engager sur la scène internationale, comme elle l'a fait dans les Balkans de l'Ouest et dans la région du Sahel.

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Dissuasion

Selon Carsten Breuer, l'aptitude à la guerre signifie « beaucoup plus » que la capacité de défense. « Outre la disponibilité personnelle et matérielle, il s'agit également du changement de mentalité nécessaire auquel nous devons nous soumettre ».

Il faut un « changement de mentalité, aussi bien dans la société que, et surtout, dans la Bundeswehr ». Au final, il s'agit « (...) de placer le risque d'une attaque pour un adversaire à un niveau si élevé qu'il décide de ne pas la lancer », a-t-il encore détaillé, ajoutant : « C'est cela la dissuasion ».

Budget record pour la défense en 2024

Olaf Scholz a plusieurs fois réaffirmé que son pays mènerait à bien « le tournant le plus profond de la politique de sécurité allemande depuis la création de la Bundeswehr en 1955 », qui implique d'augmenter les dépenses militaires à 2% du PIB. Cet objectif sera atteint cette année, voire légèrement dépassé puisqu'il devrait atteindre 2,1% du PIB, à 72 milliards d'euros. Il s'agit d'un record. Pour le ministre de la Défense, qui avait promis de faire de la Bundeswehr « la colonne vertébrale de la défense collective en Europe », « cela va dans la bonne direction et c'est adapté à la gravité de la situation ».

Après s'être reposée pendant des décennies sur les États-Unis, via l'Otan, il s'agit d'un changement radical provoqué par la guerre en Ukraine. Viscéralement pacifiste depuis les horreurs du nazisme, l'Allemagne s'est en effet progressivement remise en question depuis l'offensive russe en entamant son réarmement. La part des dépenses militaires était de 5% du PIB allemand dans les années 1960 puis est descendue sous les 2% depuis 1990 et l'éclatement de l'URSS, avec seulement 1,3% en 2021. Et ce, alors que les pays de l'Alliance atlantique s'étaient engagés en 2014, après l'annexion de la Crimée par la Russie, à porter leurs dépenses de défense à 2% de leur PIB d'ici à 2024.

Dernier exemple de ce réarmement : en décembre, l'armée allemande a signé un contrat pour acquérir 62 hélicoptères de combat multirôles H145M, assorti d'une option pour 20 appareils supplémentaires. Le contrat comprend également le soutien et services associés pendant sept ans et la fourniture de systèmes d'armes Hforce comprenant mitrailleuse, lance-roquettes guidées et lance-missiles.

Alliance Atlantique

Concernant l'Alliance atlantique, Carsten Breuer a par ailleurs reconnu que son pays ne pourrait mettre à disposition certaines capacités promises que plus tard que prévu, sans vouloir préciser leur nature pour des raisons de sécurité. Dans le cadre de la nouvelle stratégie de dissuasion et de défense de l'Alliance, le pays veut maintenir à l'avenir 35.000 soldats en très haute disponibilité. Cela comprend une division de l'armée de terre entièrement équipée et prête à intervenir à partir de 2025, et une autre à partir de 2027. S'ajoutent jusqu'à 200 avions et navires ainsi que des capacités de soutien militaire, avait indiqué le ministre de la Défense Boris Pistorius.

Par ailleurs, au vu de la situation sécuritaire et des besoins de l'armée, Berlin envisage d'introduire le service militaire obligatoire. C'est ce qu'a récemment indiqué Boris Pistorius.

L'Allemagne chef de file du soutien à l'Ukraine

 Aujourd'hui, l'Allemagne fait le forcing pour que le soutien à l'Ukraine ne se relâche pas. Olaf Scholz, le chancelier allemand, l'a encore rappelé récemment aux Etats-Unis lors d'un déplacement à Washington, alors que Joe Biden, en campagne pour un deuxième mandat, et l'opposition républicaine négocient à couteaux tirés un nouveau texte visant à financer de l'aide militaire pour un montant de quelque 60 milliards de dollars à Kiev et, parallèlement, durcir la politique migratoire des Etats-Unis. Si une issue semble incertaine dans l'immédiat outre-Atlantique, les 27 pays de l'Union européenne viennent eux de s'accorder sur un soutien de 50 milliards d'euros jusqu'en 2027, le Premier ministre hongrois Viktor Orban ayant fini par lever son blocage.

« Il est évident qu'il (Vladimir Poutine, ndlr) espère qu'à un moment donné, nous ne voudrons plus continuer » à aider l'Ukraine, a expliqué Olaf Scholz.

Washington, premier contributeur d'aides financière et militaire à l'Ukraine, et l'Allemagne, qui revendique la deuxième position, ont jusqu'ici avancé en tandem sur ce conflit. Olaf Scholz a pratiquement doublé le budget d'aides militaires pour l'Ukraine, à plus de 7 milliards d'euros cette année, et ne cesse d'exhorter ses partenaires européens à faire davantage, estimant que son pays ne peut pas tout porter sur ses épaules. A fortiori si l'apport américain en armes venait à disparaître, au cas où Donald Trump revenait au pouvoir à l'issue des élections présidentielles du 5 novembre.

Poutine : « Aucun intérêt à ce que la guerre en Ukraine s'étende à d'autres pays »

Interrogé jeudi par l'animateur de télévision américain Tucker Carlson, Vladimir Poutine a déclaré dans une interview diffusée jeudi que la Russie défendrait ses intérêts « jusqu'au bout » mais qu'elle n'avait aucun intérêt voir la guerre en Ukraine s'étendre à d'autres pays, comme la Pologne ou la Lettonie. Alors qui lui était demandé s'il pouvait imaginer un scénario dans lequel il enverrait des soldats russes en Pologne, Vladimir Poutine a répondu : « Uniquement dans un cas, si la Pologne attaque la Russie. Pourquoi? Parce que nous n'avons aucun intérêt en Pologne, en Lettonie, où ailleurs. Pourquoi ferions-nous cela? Nous n'y avons simplement aucun intérêt ».