Faut-il interdire l'espace Schengen aux Russes  ? L'UE se déchire

Par latribune.fr  |   |  665  mots
Le passeport russe se trouve actuellement à la 50e place du classement des passeports « les plus pissants du monde ». (Crédits : Reuters)
La République tchèque, qui assure actuellement la présidence de l'Union européenne, se heurte à une forte résistance de certains États membres concernant les mesures visant à limiter les déplacements des Russes. Certains pays, ceux qui sont géographiquement les plus proches de la Russie, vont jusqu'à demander une interdiction pure et simple des visas, d'autres s'y opposent avec vigueur. La France demande la distinction entre les Russes qui soutiennent l'effort de guerre et d'autres comme des artistes, étudiants ou journalistes.

Les 26 pays de l'espace de libre circulation Schengen sont bien loin de trouver un accord autour de la question sur les visas accordés aux Russes. Les Tchèques veulent suspendre l'accord de 2007 qui facilitait les demandes de visa pour les touristes russes. « Il n'y a pas de place pour le tourisme », a déclaré le ministre tchèque des Affaires étrangères Jan Lipavsky, ajoutant que cette mesure « enverrait un signal à l'élite de Moscou et de Saint-Pétersbourg », aujourd'hui libre de voyager.

Les voisins de la Russie, l'Estonie, la Finlande, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne, ont aussi exhorté Bruxelles à interdire de délivrer aux touristes russes des visas pour l'espace Schengen.

« Il est temps de cibler les Russes ordinaires »

Pour le ministre estonien des Affaires étrangères Urmas Reinsalu, il est temps de cibler les Russes ordinaires, après la suspension de l'octroi de visas aux délégations officielles et aux chefs d'entreprise russes. « Ces personnes privées silencieuses devraient également comprendre qu'il y a des conséquences à la guerre », a-t-il déclaré. « Ce qui est littéralement payé par l'argent de leurs impôts, ce sont les bombes qui, maintenant, littéralement, en ce moment, tuent des enfants ukrainiens et bombardent (...) des hôpitaux, des jardins d'enfants, des écoles ».

Mais d'autres membres, dont la Hongrie, le Luxembourg ou l'Autriche, ont un autre avis.  « Je ne pense pas que l'interdiction de visa soit une décision appropriée dans les circonstances actuelles », a déclaré, quant à lui, le ministre hongrois des Affaires étrangères, Peter Szijjarto.

« Eviter un nouveau rideau de fer en Europe »

Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a également protesté contre une mesure touchant les Russes ordinaires. « Nous ne devons pas avoir un nouveau rideau de fer en Europe. Nous avons tous convenu dès le départ qu'il s'agissait de la guerre de Poutine ».

Son homologue française, Catherine Colonna, a proposé de « distinguer entre les fauteurs de guerre, au premier rang desquels le président russe, son entourage et tous ceux qui soutiennent son effort de guerre, et les citoyens russes, les artistes, les étudiants, les journalistes par exemple ».

L'Allemagne propose un compromis

Leur collègue autrichien, Alexander Schallenberg, a estimé de son côté que l'UE ne devait pas « porter un jugement catégorique sur 140 millions de personnes » en Russie. Le gouvernement allemand a proposé mardi un compromis. « Cela peut être une très bonne voie de dire clairement que nous suspendons les accords sur la facilitation des visas, que nous ne délivrons plus de visas multiples ou de visas de plusieurs années », a déclaré la cheffe de la diplomatie allemande Annalena Baerbock, qui veut « rassembler les différents points de vue » au sein de l'UE pour trouver une solution européenne commune.

Trois millions de visas ont été demandés par les Russes en 2021 aux pays « Schengen »

En 2021, les 26 pays de l'espace de libre circulation Schengen ont reçu trois millions de demandes de visas en 2021, les Russes étant les plus nombreux (536.000 demandes avec environ 3% de refus). Les refus, susceptibles de recours, doivent être motivés (menace pour la sécurité, l'ordre public ou les relations internationales de l'un des Etats). L'Estonie a déploré ne pas pouvoir interdire l'entrée « aux personnes munies d'un visa d'un autre pays de l'espace Schengen ». « Visiter l'Europe est un privilège, pas un droit humain », a lancé sa Première ministre Kaja Kallas.

Rappelons, ainsi, que les joueurs de tennis russes n'ont pas eu le droit de participer au dernier tournoi de Wimbledon, qui se déroule certes en Grande-Bretagne, un pays qui ne fait pas partie de l'espace Schengen.

Le passeport russe se trouve actuellement à la 50e place du classement des passeports « les plus puissants du monde », avec un score de 119 destinations accessibles sans visa ou avec un visa d'entrée. Le Japon qui occupe la première place de ce classement, avec un score record de 193 pays accessibles.