[Mise à jour le 31 août 2022 à 18h00]
Les 26 pays de l'espace de libre circulation Schengen étaient bien loin de trouver un accord autour de la question sur les visas accordés aux Russes. C'est désormais chose faite.
A l'issue d'une réunion ministérielle de deux jours à Prague réunissant les ministres des Affaires étrangères des pays de l'Union Européenne, le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell, a annoncé que les 27 Etats membres se sont entendus sur la suspension complète de l'accord en vigueur entre Bruxelles et Moscou facilitant l'attribution de visas aux ressortissants russes voulant voyager dans les pays de l'espace Schengen.
« Cela va nettement réduire le nombre de nouveaux visas émis par les Etats membres de l'UE. Ce sera plus difficile, ça prendra plus de temps » a-t-il déclaré à la presse ce mercredi après-midi.
Depuis la mi-juillet, une forte augmentation des entrées de ressortissants russes avait été remarquée dans les pays frontaliers de la Russie. Selon Josep Borrell, « c'est devenu un risque du point de vue de la sécurité pour ces Etats voisins ». Il a également ajouté qu' « en plus de cela, nous avons observé que de nombreux Russes voyageaient pour le plaisir et pour faire du shopping, comme si aucune guerre ne faisait rage en Ukraine », rejoignant ainsi les propos du ministre tchèque des Affaires étrangères, Jan Lipavsky. « Il n'y a pas de place pour le tourisme », avait-il déclaré, ajoutant que cette mesure « enverrait un signal à l'élite de Moscou et de Saint-Pétersbourg », aujourd'hui libre de voyager.
Les Tchèques exigeaient, en effet, de suspendre l'accord de 2007 qui facilitait les demandes de visa pour les touristes russes. Les voisins de la Russie, l'Estonie, la Finlande, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne, ont, eux aussi, exhorté Bruxelles à légiférer en ce sens. La Première ministre estonienne, Kaja Kallas, a, ainsi, déploré ne pas pouvoir interdire l'entrée « aux personnes munies d'un visa d'un autre pays de l'espace Schengen ». « Visiter l'Europe est un privilège, pas un droit humain », a-t-elle estimé. En 2021, les 26 pays de l'espace de libre circulation Schengen ont reçu trois millions de demandes de visas, les Russes étant les plus nombreux (536.000 demandes avec environ 3% de refus). Et pour cause, les refus, susceptibles de recours, doivent être motivés (menace pour la sécurité, l'ordre public ou les relations internationales de l'un des Etats).
Cette suspension de l'accord de facilitation de visas Union Européenne-Russie ne marque cependant pas la suspension complète des visas pour les Russes, sujet sur lequel les pays membres de l'UE restent pour l'instant en désaccord.
« Il est temps de cibler les Russes ordinaires »
Pour le ministre estonien des Affaires étrangères Urmas Reinsalu, il est temps de cibler les Russes ordinaires, après la suspension de l'octroi de visas aux délégations officielles et aux chefs d'entreprise russes. « Ces personnes privées silencieuses devraient également comprendre qu'il y a des conséquences à la guerre », a-t-il affirmé. « Ce qui est littéralement payé par l'argent de leurs impôts, ce sont les bombes qui, maintenant, littéralement, en ce moment, tuent des enfants ukrainiens et bombardent (...) des hôpitaux, des jardins d'enfants, des écoles ».
Mais d'autres membres, dont la Hongrie, le Luxembourg ou l'Autriche, s'opposent à cette mesure. « Je ne pense pas que l'interdiction de visa soit une décision appropriée dans les circonstances actuelles », a ainsi déclaré le ministre hongrois des Affaires étrangères, Peter Szijjarto. Un point de vue partagé par le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn. « Nous ne devons pas avoir un nouveau rideau de fer en Europe. Nous avons tous convenu dès le départ qu'il s'agissait de la guerre de Poutine », a-t-il plaidé.
Son homologue française, Catherine Colonna, a, quant à elle, proposé de « distinguer entre les fauteurs de guerre, au premier rang desquels le président russe, son entourage et tous ceux qui soutiennent son effort de guerre, et les citoyens russes, les artistes, les étudiants, les journalistes par exemple ». Le ministre autrichien des affaires étrangères Alexander Schallenberg, a estimé, de son côté, que l'UE ne devait pas « porter un jugement catégorique sur 140 millions de personnes » en Russie.
Une solution de compromis pour l'Allemagne
De son côté, le gouvernement allemand a proposé mardi un compromis. « Cela peut être une très bonne voie de dire clairement que nous suspendons les accords sur la facilitation des visas, que nous ne délivrons plus de visas multiples ou de visas de plusieurs années », a déclaré la cheffe de la diplomatie allemande Annalena Baerbock, qui entend « rassembler les différents points de vue » au sein de l'UE pour trouver une solution européenne commune.
(Avec agences)