Grèce : forte croissance au troisième trimestre

Par Romaric Godin  |   |  908  mots
La Grèce a connu un bon troisième trimestre 2016
La croissance est revenue en Grèce au troisième trimestre, mais il s'agit en réalité d'une stabilisation sur le moyen terme à un niveau très bas. L'enjeu de la dette reste crucial.

C'est une divine surprise pour Alexis Tsipras. L'office des statistiques grecs Elstat a publié ce mardi 29 novembre le chiffre révisé à la hausse de la croissance grecque du troisième trimestre 2017. Le PIB hellénique a connu un fort rebond de 0,8% sur trois mois, le troisième plus important au cours des dix dernières années. Par rapport au troisième trimestre 2015, la hausse est de 1,8%, ce qui correspond à la plus forte progression depuis le troisième trimestre de 2007. Initialement, Elstat avait estimé à 0,5% la croissance trimestrielle grecque.

Composantes dans le vert

La plupart des composantes de la croissance grecque sont à nouveau dans le vert, notamment la consommation qui progresse de 2 % et l'investissement qui est en hausse de 1,7%. La contribution externe apporte une contribution au PIB moins en raison de la progression des exportations qui ralentit par rapport au trimestre précédent (+3,7 % contre 6,4 %, malgré la saison touristique) qu'en raison de la baisse des importations de 10,2 %. Aucune donnée détaillée par secteurs n'était disponible.

Ce bon trimestre est le deuxième trimestre de croissance de l'économie grecque puisqu'au deuxième trimestre, la croissance sur trois mois avait été de 0,4 %. C'est sans doute le signe d'une stabilisation, mais il convient de ne pas trop surinterpréter ces données. Le troisième trimestre 2015 avait été très mauvais (-1,9 % sur un an) à la suite de l'installation du contrôle des capitaux et de la signature du troisième mémorandum. Et en réalité, l'économie hellénique se remet à peine du choc de ce nouveau plan de purge.

Stabilisation à un niveau bas

Sur les trois premiers mois de l'année, le PIB ne progresse que de 0,16%. C'est certes mieux que ce qui était attendu, mais c'est en réalité une stabilité plus qu'une croissance. Du reste, en données corrigées et en euros constants, le PIB de ce troisième trimestre 2016 est encore inférieur à celui du troisième trimestre 2014 de 0,5%. Sur les neuf premiers mois de 2016, la richesse hellénique a encore reculé de 22,8% par rapport aux neuf premiers mois de 2007.

Il est du reste peu probable que cette reprise soit ressentie par les Grecs eux-mêmes. Certes, la consommation des ménages a progressé au troisième trimestre, mais elle demeure en deçà de son niveau du dernier trimestre 2015. Elle est inférieure de 10,7 milliards d'euros à son niveau du troisième trimestre 2009, soit 25,2% de moins. Le niveau de l'investissement est encore plus préoccupant. Il est certes en hausse de 12,6% sur un an, mais on est encore loin de pouvoir combler le déficit enregistré depuis le début de la crise. Le niveau d'investissement du troisième trimestre 2016 ne représente que 32,3% de son niveau du troisième trimestre 2007. Dans ces conditions, la capacité de la Grèce à produire de la richesse et de l'emploi est nécessairement très faible.

Fragilités

Au reste, la reprise du troisième trimestre ne doit pas faire oublier les fragilités persistantes de l'économie grecque. La forte baisse des importations suit certes une hausse de 9,1%, mais elle dénote aussi la faiblesse de la demande intérieure. Le retour de l'inflation via les matières premières, dont la Grèce est très dépendante n'augure rien de bon pour l'économie hellénique. Le moral des ménages et des entreprises se sont affichés en recul en novembre. Sans compter que si la consommation de l'Etat est à nouveau en progression grâce à de bonnes rentrées fiscales, les objectifs du programme pourraient encore peser sur la conjoncture, tout comme l'application de la réforme des retraites en janvier prochain.

Si la déflation salariale permet aujourd'hui la stabilisation de l'économie grecque, son coût est considérable et il pèsera longtemps sur l'avenir du pays. Le pays est exsangue socialement avec un taux de chômage de 23,4% et un taux d'emploi de 52,2%, un des plus faibles d'Europe. La dette publique, de 175 % du PIB, est une épée de Damoclès sur l'avenir et si les investissements les plus immédiatement rentables dans quelques secteurs peuvent faire rebondir les chiffres, aucune reconstruction réelle du pays ne peut se faire sans une véritable restructuration de la dette. C'est l'avis de l'OCDE, du FMI et même de la BCE. Mais ce n'est pas l'avis de l'Allemagne et de l'Eurogroupe.

La question de la dette reste ouverte

Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, a ainsi affirmé voici quelques jours que la « Grèce vit au-dessus de ses moyens ». La purge n'a pas, pour lui, été suffisante. Et il demande donc que l'on ne relâche pas la pression sur Athènes en attendant 2018 pour prendre toute mesure de restructuration de la dette, sans jamais couper dans le stock nominal des créances. Berlin souhaite aussi maintenir des objectifs d'excédents à 3,5% du PIB après la fin prévue du programme en 2018. Ceci reviendrait à assurer la Grèce d'une austérité indéterminée qui aurait tôt fait d'enterrer tout espoir de reprise. Pierre Moscovici, commissaire européen, qui a demandé de nouveaux efforts au premier ministre Alexis Tsipras pour boucler la nouvelle revue du programme, estime que l'on peut parvenir à un accord sur la dette avant lundi prochain. Mais compte tenu du contexte politique en Allemagne, tout accord sera a minima. La Grèce devrait donc encore traîner son fardeau de dettes à l'avenir.