Grèce : la fin de la mise sous tutelle après huit ans d'épreuves

Par Gabrielle Thin  |   |  1114  mots
Un jour "historique" pour le premier ministre Alexis Tsipras: la Grèce est sortie de la tutelle européenne après huit ans. (Crédits : Reuters)
Ce lundi 20 août 2018, après trois plans de sauvetage et 289 milliards d'euros d'aide financière, la Grèce est sortie officiellement de la tutelle de Bruxelles, du FMI et de la BCE. Cette période qui s'ouvre ne signe pas la fin de l'austérité, mais avec la perspective d'un Grexit qui semble s'éloigner, elle est l'occasion pour les institutions européennes de réaffirmer leur optimisme et leur solidarité.

Après huit ans sous perfusion, la Grèce sort officiellement ce lundi 20 août 2018 d'une longue mise sous tutelle. Un jour « historique », selon le Commissaire européen aux Affaires économiques et financières, à la Fiscalité et aux Douanes, Pierre Moscovici, pour le pays qui a émergé de son troisième plan d'aide à hauteur de 86 milliards d'euros.

C'est le résultat de la décision des ministres des Finances de la zone euro du 22 juin dernier d'alléger l'énorme dette grecque, qui s'élève à 180% de son PIB, et de la faire sortir de la tutelle de ses créanciers (la zone euro, la BCE et le FMI). Cela permettra aussi à Athènes de recommencer à se financer à terme sur les marchés.

« Pour la première fois depuis début 2010, la Grèce se tient debout sur ses deux pieds », s'est réjoui ce lundi 20 août 2018 Mario Centeno, le président du Conseil des gouverneurs du Mécanisme européen de stabilité (MES), qui préside aussi l'Eurogroupe et a piloté le dernier programme.

L'État-membre, qui s'était retrouvé « virtuellement » en faillite fin 2009, avait fait l'objet de trois plans successifs en 2010, 2012 et 2015 au cours desquels il a reçu 289 milliards d'euros du FMI, de l'Union européenne et de la Banque centrale européenne.

La crise financière mondiale de 2008 avec la faillite de la banque Lehman Brothers a précipité le sort du pays. La situation économique s'est alors détériorée et Athènes n'a plus été capable de trouver les financements nécessaires, l'obligeant à avoir recours aux institutions internationales. La crise de la dette en tant que telle a ensuite débuté en octobre 2009, lorsque le nouveau gouvernement socialiste élu a révélé que le déficit budgétaire du pays était trois fois plus élevé que le chiffre officiel annoncé par le précédent gouvernement conservateur. Un sauvetage financier a alors été mis en place par l'Union européenne, le FMI et la BCE en échange de mesures d'austérité drastiques, provoquant de violentes émeutes à Athènes.

La fin du troisième programme d'aide

La rencontre du 22 juin dernier avait également signé l'allongement des échéances de remboursement de la dette : les Grecs ne rembourseront une partie des prêts qu'en 2032 contre 2022 auparavant. En plus d'une réserve de précaution dont a été doté le Trésor grec, ces mesures visent à rassurer les investisseurs.

Mario Centeno a en effet souligné « l'effort extraordinaire du peuple grec, la bonne coopération avec l'actuel gouvernement grec et les efforts des partenaires européens », qui ont consenti ces prêts et cet aménagement de dette.

Les plans d'austérité imposés en échange de ces plans avaient été d'une violence sans précédent, faisant chuter le PIB du pays de 25 % en huit ans et poussant le chômage jusqu'à 27,5% en 2013.

« Cela a pris plus de temps que prévu, mais je pense que nous y sommes. (...) « L'économie grecque a recommencé à croître, il y a un excédent budgétaire (...) et le chômage baisse régulièrement », a ajouté Mario Centeno

La Grèce, qui perçoit en août 2018 sa dernière tranche d'aide de 15 milliards d'euros, s'est engagée à dégager un excédent budgétaire de 3,5% du PIB jusqu'en 2022, puis de 2,2% jusqu'en 2060.

La "surveillance renforcée" reste de mise

Le pays a été le premier à bénéficier de plans d'aide internationaaux, avant le Portugal, l'Irlande, l'Espagne et Chypre, mais aussi le dernier à en sortir.

Si « l'économie, la société et tout le pays entrent désormais dans une nouvelle phase », d'après le porte-parole du gouvernement grec Dimitris Tzanakopoulos, la cure d'austérité n'est pas finie. La Grèce restera sous surveillance jusqu'au remboursement total de la dette, notamment par le FMI bien qu'il ne participe pas financièrement au troisième programme grec. Chaque trimestre, la Commission européenne, la BCE ainsi que le FMI évalueront l'évolution économique du pays « afin de recenser les risques à un stade précoce ».

« La Grèce est un cas unique. Elle a reçu bien plus de prêts de notre part que tout autre pays. Aucun autre pays sous programme n'a reçu des sommes comparables. Par conséquent, la surveillance sera plus serrée que dans les autres cas et prendra la forme de ce que l'on nomme "surveillance renforcée" », a précisé Klaus Regling, le directeur général du Mécanisme européen de stabilité (MES).

Le FMI demeure très prudent : s'il prévoit une croissance de 2% pour 2018 et de 2,4% pour 2019, il souligne que « les risques extérieurs et intérieurs [étaient] orientés vers le bas ». Il a également invité à une révision « réaliste » des objectifs d'excédents budgétaires primaires.

"Je ne vois pas de raison de jubiler à propos de la sortie du mémorandum, parce qu'il est possible que nous allions de Charybde en Scylla", a même déclaré Thanos Veremis, professeur émérite d'histoire à l'Université d'Athènes, pointant la faiblesse du pouvoir d'achat des Grecs, soumis à une forte pression fiscale.

Le ciel s'éclaircit malgré quelques bourrasques persistantes

La sortie de ce troisième plan n'est qu'une étape. Les réformes qui doivent être votées au Parlement grec, la Vouli, et visant à assainir les finances publiques et à moderniser l'économie, risquent encore de déchirer le pays. Les grèves générales se sont multipliées depuis qu'Aléxis Tsípras a fait marche arrière sur la fin de l'austérité.

Le Premier ministre, qui a souvent gouverné sous la coupe de plans, devra encore accepter de nouvelles réformes en 2019 et 2020. Il annoncé vouloir instaurer plus de justice sociale pour que toute la population bénéficie du redressement économique. Il devrait s'exprimer à la télévision grecque demain mardi 21 août.

Car une amélioration commence tout de même à se faire sentir : l'activité économique retrouve la croissance à rythme annuel de 2,3 %, le tourisme est en plein essor et le chômage est passé sous la barre des 20%.

Éloignant de façon de plus en plus certaine toute possibilité d'un Grexit, l'Union européenne s'est félicitée de la sortie du dernier pays des plans d'aide, réaffirmant son optimisme et sa solidarité.

« Les réformes approfondies que la Grèce a menées à bien ont jeté les bases d'une reprise durable : cela doit être nourri et entretenu afin de permettre au peuple grec de récolter les fruits de ses efforts et de ses sacrifices. L'Europe continuera à se tenir aux côtés de la Grèce », a déclaré Pierre Moscovici.