Grèce : la voie de la rupture est ouverte au sein de Syriza

Par Romaric Godin  |   |  941  mots
L'ancien ministre de l'énergie grec, Panayiotis Lafazanis, entend organiser l'opposition au mémorandum en dehors de Syriza
L'ancien ministre de l'énergie Panayiotis Lafazanis et douze autres députés Syriza ont annoncé être prêt à créer un nouveau mouvement "anti-mémorandum". Le prélude à une scission devenue inévitable

La rupture au sein de Syriza semble désormais difficilement évitable. Ce jeudi 13 août, l'ancien ministre de l'Energie, Panayiotis Lafazanis, s'est dit prêt à « aider » la création d'un nouveau mouvement politique centré sur le rejet du troisième mémorandum qui devrait être signé ce mois-ci entre le gouvernement grec et ses créanciers. Son message a été signé par douze autres députés de Syriza, le parti du premier ministre Alexis Tsipras. Pour eux, il s'agit de « créer un mouvement uni qui justifiera le désir du peuple grec de justice sociale et la démocratie. » Et de poursuivre : « la lutte contre le nouveau mémorandum commence maintenant en se mobilisant aux quatre coins du pays. » « Le combat qui a conduit à la victoire du [référendum, ndlr] du 5 juillet continue jusqu'à la victoire », conclut l'appel publié dans le journal de la gauche du partie, Iskra.

Contours flous

Les contours de ce mouvement qui reste à naître sont encore flous. Les treize signataires sont tous membre du mouvement d'opposition interne Plateforme de gauche, mais cette opposition interne regroupe en théorie plus de députés, puisque les votes contre les mesures d'austérité réclamées par les créanciers ont été d'une trentaine en juillet. Ceci pourrait être le signe qu'une partie de la gauche de Syriza hésite encore à franchir le pas de la rupture avec le parti d'Alexis Tsipras. Sans doute attendent-ils le Congrès du parti prévu début septembre et qui devrait « clarifier » la ligne officielle de Syriza. Sans doute attendent-ils également de connaître la décision du premier ministre concernant une éventuelle dissolution de la Vouli, le parlement grec et la convocation de nouvelles élections. Dans ce cas, la direction du parti pourrait être tentée de se « libérer » d'une partie des opposants de gauche en constituant des listes « homogènes » et favorables à la ligne d'Alexis Tsipras.

Qui est Panayiotis Lafazanis ?

Panayiotis Lafazanis, d'une certaine façon, prend donc les devants. Et se présente comme un futur leader pour le nouveau mouvement anti-mémorandum. Ancien du parti communiste (KKE), il a choisi lors de la seconde scission du mouvement en 1992 le parti « eurocommuniste » Synaspismos, qui a été la force principale de Syriza à partir de 2004. Son parcours est proche de celui d'Alexis Tsipras, mais il a toujours été plus marqué à gauche, assumant son marxisme et sa radicalité. Avant l'élection de 2015, il a fédéré la plateforme de gauche au sein de Syriza et a obtenu le 27 janvier 2015 le portefeuille important de l'énergie dans le cabinet Tsipras. Dès le 13 juillet, il a marqué son opposition à l'accord trouvé avec les créanciers, accord qu'il a rejeté par son vote le 15 juillet. Deux jours plus tard, il était remercié et quittait son poste.

Un leader capable de fédérer ?

La question reste de savoir si Panayiotis Lafazanis est capable de fédérer au-delà des rangs de la gauche de l'ex-Synaspismos et de jouer un rôle de leader pour un mouvement de grande ampleur. Rien n'est moins sûr, compte tenu de la popularité actuelle d'Alexis Tsipras, de la division au sein de la plateforme de gauche, mais aussi de la présence à la gauche de Syriza de figures très populaires comme Yanis Varoufakis ou la présidente du parlement Zoé Kostantopoulou, devenu la cible préférée de la partie majoritaire du parti d'Alexis Tsipras.

Reste que l'enjeu pour Syriza n'est pas mince. Lors des dernières élections internes, la plateforme de gauche représentait 30 % seulement des militants du parti. Mais, le 25 juillet, le comité central, le parlement de Syriza, avait rejeté à 44 % la stratégie d'Alexis Tsipras. Il y a donc un potentiel important au sein des cadres du parti, d'autant que la « majorité » de Syriza comporte aussi des éléments très sceptiques sur la pertinence de la stratégie de Syriza depuis le 13 juillet.

Vers un succès électoral ?

Quant à un succès électoral éventuel d'un tel mouvement, il dépendra sans doute du ressenti de la population et de sa capacité à unifier, ainsi que sur son nouveau programme de gouvernement. En restera-t-on à la sauvegarde du programme de Thessalonique présenté en octobre par Syriza et qui prévoyait la fin de l'austérité dans la zone euro ou acceptera-t-on de présenter la sortie de la zone euro comme une option ? En tout cas, un récent sondage a révélé une certaine confusion au sein des électeurs de Syriza : 79 % d'entre eux estimaient que la scission du parti était une « mauvaise chose », mais 82 % rejetaient en même temps le mémorandum. S'il n'est pas possible de sauver l'unité du parti, que choisiront alors les électeurs ? Rien ne permet de le savoir pour le moment. Il semble néanmoins probable qu'un mouvement assez large puisse entrer à la Vouli en dépassant les 3 % nécessaires. Une option qui pourrait priver le Syriza « majoritaire » de sa majorité absolue, et créer un nouveau casse-tête à Alexis Tsipras après une éventuelle nouvelle élection pour former une coalition.

Rupture inévitable

En tout cas, cet appel de Panayiotis Lafazanis créé clairement les conditions d'une rupture qui semble de plus en plus inévitable alors que la majorité des députés de Syriza vont voter le projet de troisième mémorandum. Les positions semblent désormais plus éloignées au sein de Syriza qu'entre la droite et le centre et la majorité du parti sur ces questions. Or, ce mémorandum est si étroit qu'il laisse en réalité bien peu de marge de manœuvre au gouvernement Tsipras.