"Il ne suffit pas de communiquer pour améliorer le marketing de la France"

Par Propos recueillis par Fabien Piliu  |   |  595  mots
"La France s'est laissée distancée en 2015. Alors que le nombre de projets d'investissements étrangers (IDE) a progressé de 14% en Europe, pour s'élever à 5.083, la France a vu le nombre de projets reculer de 2% l'année dernière", explique Marc Lhermitte..
Dans un entretien accordé à La Tribune, Marc Lhermitte, associé EY et auteur du baromètre sur l’attractivité de la France, explique la perte de vitesse de l'Hexagone par rapport à ses concurrents dans la course aux investissements directs étrangers.

La Tribune - La France est-elle toujours attractive ?

Marc Lhermitte - Elle s'est laissée distancée en 2015. Alors que le nombre de projets
d'investissements étrangers (IDE) a progressé de 14% en Europe, pour s'élever à 5.083, la France a vu le nombre de projets reculer de 2% l'année dernière.

Quel est l'impact des IDE en termes d'emplois ?

Alors que le nombre de projets d'IDE a reculé, le nombre d'emplois créés a augmenté, passant de 12.579 à 13.639 entre 2014 et 2015. Soit une progression de 8%. C'est une bonne nouvelle. Toutefois, il convient de rappeler que les emplois créés ont fait un bond de 17% sur la période en Europe.   

Quels sont nos concurrents ?

Le Royaume-Uni a accueilli 1.065 projets l'année dernière, contre 887 en 2014. L'Allemagne affiche 946 implantations, contre 870 l'année précédente.

Les incertitudes liées au Brexit n'inquiètent donc pas les investisseurs ?

Les projets ayant abouti en 2015 ont été décidés en 2012 ou 2013. A cette époque, la question d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne ne se posait pas. En revanche, seuls 23% des dirigeants que nous avons interrogé indiquent envisager un nouveau projet au Royaume-Uni d'ici un an. C'est un pourcentage comparable à celui observé pour la destination France (24%).  

La France reste-t-elle la première destination des IDE industriels ?

Oui, comme en 2014. Elle a accueilli 212 implantations d'usines l'année dernière. A titre de comparaison, le Royaume-Uni et l'Allemagne n'affichent respectivement que 183 et 142 projets industriels.

Qui investit en France ? Les grands groupes ?

Bien entendu. Mais pas seulement. Les ETI représentent d'un tiers des projets d'IDE et 43% des emplois créés.

La France a-t-elle perdu la bataille des sièges sociaux et des centres de décision ?

Clairement, et au bénéfice du Royaume-Uni qui a accueilli 150 projets de ce type l'année dernière, contre 57 en 2014. Seuls 11 états-majors se sont installés en France en 2015, comme en 2014. Les nouvelles entreprises préfèrent le Grand Londres et plus globalement le Royaume-Uni que la France. Manchester, Coventry ou encore  Newcastle arrivent à tirer leur épingle du jeu, notamment grâce une politique marketing sur le sujet de l'attractivité très agressive. Nos amis anglais ont su forger une image du Royaume-Uni très avantageuse. Pour les investisseurs, tout est plus facile, plus simple,
plus rapide au Royaume-Uni. L'Allemagne nous distance également, avec 48 projets contre 23 un an plus tôt.

Quelles sont les faiblesses du site France ?

Les perceptions des investisseurs varient peu. Le niveau des charges et des coûts salariaux, le niveau des charges fiscales de l'entreprise, la flexibilité du droit du travail sont les faiblesses principalement citées.  

Pourtant, des avancées ont été réalisées dans ces domaines !

C'est exact. Pourtant, les investisseurs semblent méconnaître les réformes récentes.

Le gouvernement communique mal ?

Le gouvernement communique de mieux en mieux mais il ne suffit pas de communiquer pour améliorer le marketing de la France, il faut améliorer le produit !

Dans ce tableau un peu sombre, quelles sont les bonnes nouvelles ?

Il y en a plusieurs, heureusement. La France reste la cinquième destination mondiale des centres de recherche et développement.

Le crédit impôt recherche reste notre atout-maître dans ce domaine ?

Oui, mais pas seulement. Le discours qui porte la French tech, le soutien à l'innovation et plus globalement à l'entrepreneuriat porte à l'étranger. La capacité d'innovation et de recherche de la France est l'atout el plus fréquemment cité par les dirigeants que nous avons interrogés. Viennent ensuite des spécificités sectorielles fortes et également sa capacité et à former des talents.