Industrie du futur : France et Allemagne adoptent une stratégie européenne, du jamais-vu depuis Airbus

Par Reuters  |   |  673  mots
En mettant en commun leurs savoir-faire et leurs financements, la France et l'Allemagne affichent une ambition forte : elles disent vouloir être en mesure de produire "des technologies de rupture" et notamment devenir des leaders mondiaux de l'intelligence artificielle. (Crédits : Reuters)
Le premier objectif de ce projet de coopération, ouverte à tous les pays de l'Union, est de donner aux entreprises de l'UE la capacité à résister à la concurrence internationale. La première application de ce "manifeste" franco-allemand se concrétisera par le lancement (très prochainement) d'un consortium dédié à la fabrication de batteries électriques "made in UE" et doté de 1,7 milliards d'euros.

Près d'un demi-siècle  après la création du géant européen de l'aéronautique Airbus, la France et l'Allemagne ont officialisé mardi le lancement d'une nouvelle politique industrielle volontariste censée aider les entreprises européennes à résister à la concurrence internationale.

Le premier projet concret qui sera soutenu par les deux premières puissances de la zone euro concerne la production de batteries pour les véhicules électriques, ont confirmé les ministres allemand et français des Finances, Peter Altmaier et Bruno Le Maire, lors d'une conférence de presse à Berlin ce 19 février 2019.

Le "manifeste" franco-allemand conduira à la construction de deux usines de batteries, une en France et une en Allemagne, avait annoncé Emmanuel Macron mercredi dernier.

Modifier le droit à la concurrence européen pour lutter contre la Chine

En parallèle, les deux pays vont travailler à convaincre la Commission européenne de modifier le droit de la concurrence qui a empêché la création d'un géant européen du transport ferroviaire en rapprochant les groupes allemand Siemens et français Alstom pour contrer la concurrence du mastodonte chinois CRRC.

"Lorsque certains pays subventionnent massivement leurs propres entreprises, comment les entreprises opérant principalement en Europe peuvent-elles rivaliser équitablement ?", interroge le manifeste franco-allemand.

L'initiative franco-allemande sera ouverte à tous les pays européens qui souhaiteraient y participer, a précisé Bruno Le Maire. La Pologne, l'Espagne et l'Italie, "ont marqué leur intérêt", a-t-il indiqué.

"C'est un jour important pour l'industrie européenne. C'est la première fois (...) depuis des décennies que la France et l'Allemagne se mettent d'accord sur une stratégie commune en matière industrielle pour le XXIe siècle", a souligné Bruno Le Maire qui a souligné que la Chine et la Corée du Sud avaient "beaucoup d'avance" en matière de batteries électriques.

Investissement initial commun de 1,7 milliard d'euros

Pour soutenir la mise en place d'un consortium de production des batteries, la France et l'Allemagne ont prévu un investissement initial commun de 1,7 milliard d'euros.

La composition du consortium sera annoncée "très bientôt", "probablement dans les semaines à venir", a dit Peter Altmaier.

Les batteries électriques vont représenter "entre la moitié et le tiers" de la valeur des futurs véhicules, selon Bruno Le Maire. "Il est donc dangereux de dépendre de fournisseurs étrangers, en particulier les fournisseurs asiatiques".

"Garder la valeur en Europe"

Ce consortium regroupera les producteurs des matières premières nécessaires jusqu'aux fabricants des batteries, en passant par les constructeurs automobiles. Il s'agit de pouvoir "garder la valeur en Europe" et donc l'emploi, a souligné le ministre français des Finances.

Il a dit espérer que la Commission européenne, le gendarme de la concurrence en Europe, donnera une indication de son soutien à ce projet "avant le 1er avril".

En ce qui concerne la transformation des règles européennes qui sont aujourd'hui "dépassées", selon les deux ministres, la France et l'Allemagne souhaitent que le Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement ait la capacité de "revenir" sur des décisions de la Commission européenne "dans des cas bien définis" et "sous réserve de conditions strictes".

En clair, les pays européens bénéficieraient d'un droit de veto pour passer outre le refus de la Commission européenne.

Troisième volet de cette stratégie, la protection des intérêts européens face aux pratiques des pays tiers.

"Si nous avons des technologies puissantes, modernes, de pointe, nous ne voulons pas que ces technologies puissent servir à d'autres continents que le continent européen", a déclaré Bruno Le Maire. "Nous devons nous protéger avec des règles de réciprocité, d'autonomie stratégique et de protection des investissements étrangers en Europe."

En mettant en commun leurs savoir-faire et leurs financements, la France et l'Allemagne affichent une ambition forte : elles disent vouloir être en mesure de produire "des technologies de rupture" et notamment devenir des leaders mondiaux de l'intelligence artificielle