L'activité économique se contracte brusquement au Royaume-Uni après le Brexit

Par Romaric Godin  |   |  1145  mots
L'activité économique se contracte en juillet au Royaume-Uni. (Photo : usine de construction de taxi londoniens - black cabs - à Coventry, dans le centre du pays)
L'indice PMI des directeurs d'achats a lourdement chuté en juillet outre-manche, passant en territoire négatif et revenant à son niveau d'avril 2009. La banque d'Angleterre peut désormais agir.

L'indice du climat des affaires estimé par les directeurs d'achats (PMI), réalisé par Markit, est considéré comme un des principaux « indicateurs avancés » de l'activité économique. Souvent, il suit de très près l'évolution de la croissance et est, pour cette raison, très observé. Après le vote britannique en faveur de la sortie de l'Union européenne le 23 juin dernier, Markit a décidé de publier une « édition spéciale » de son indice PMI pour le Royaume-Uni. Cet indice a été publié ce vendredi 22 juillet, et il est franchement mauvais.

Lourde chute de l'indice PMI

De 52,3 en juin, l'indice du secteur des services, qui représente 80 % de l'économie britannique, chute lourdement à 47,4 en juillet. Le niveau de 50 est considéré comme le niveau d'équilibre. Au-dessus, l'activité se développe, en-deçà, elle se contracte. L'activité des services au Royaume-Uni est donc passé de la croissance à la contraction en moins d'un mois. Dans le secteur manufacturier, le recul est un peu moins fort, mais à 49,1 en juillet contre 52,1 en juin, mais on n'en entre pas moins dans la zone de contraction. Au final, l'indice PMI composite, regroupant selon leur poids les deux secteurs s'affiche à 47,7 contre 52,4. Du jamais vu depuis avril 2009. Les économistes s'attendaient en moyenne à un chiffre de 49.

Vers une contraction de l'activité

Cet indice PMI est le premier signe tangible de la dégradation générale de l'activité économique après le Brexit. Jusqu'ici, on n'avait eu que des éléments partiels, notamment sur le secteur immobilier. Cette fois, il semble évident que la confiance économique a fortement chuté dans tous les secteurs de l'économie. Si l'on n'assiste pas à un redressement net en août et septembre, l'économie britannique ne saurait échapper à une baisse de son PIB au troisième trimestre. Selon Markit, le niveau de PMI de juillet induit une contraction de 0,4 % de l'activité entre juillet et septembre. Certains économistes évoquent plutôt une chute de 0,25 %, mais les perspectives des directeurs d'achats du secteur des services sont très négatives, et l'on voit mal comment la situation pourrait se redresser rapidement l'an prochain.

Incertitude générale

Les collectes des données ont été réalisées entre le 12 et le 21 juillet, soit après le choc immédiat qui a suivi le Brexit. Ce n'est donc pas une réaction « à chaud ». Mais les entreprises britanniques vont devoir désormais vivre avec plusieurs éléments d'incertitudes : l'accès futur au marché unique européen, mais aussi la baisse de la livre. L'affaiblissement de la monnaie britannique pèse particulièrement sur le secteur des services qui dépend beaucoup des investissements venus de l'extérieur, mais aussi de la place financière londonienne. Logiquement, ne sachant pas de quoi l'avenir sera fait, chacun préfère ne pas trop prendre de risque, réduire ses dépenses et ses investissements. L'indice de confiance des consommateurs calculé par GfK le 8 juillet dernier avait reculé nettement, ce qui peut aussi avoir un effet « boule de neige » : moins de dépenses débouche sur moins de confiance et donc sur moins de dépenses...  Il convient cependant de ne pas oublier que le Brexit est intervenu dans un climat de ralentissement économique outre-manche. L'indice PMI était en recul depuis 2014 et les ventes au détail ont plongé en juin. Le choc du Brexit est donc venu s'ajouter à une certaine morosité.

L'indice qui manquait à la Banque d'Angleterre

Ces indices PMI pourraient cependant être les « données fermes » qu'attendait la Banque d'Angleterre (BoE) pour agir. Le 14 juillet, elle a préféré ne rien faire pour prendre pleinement conscience de la situation. Il semble désormais que la contraction de l'économie soit inévitable. Le gouvernement de la Vieille Dame de Threadneedle Street, Mark Carney devrait donc disposer des informations pour réduire ses taux et peut-être même avoir recours à certaines mesures non conventionnelles lors de la réunion du 5 août. La BoE a pris le risque le 14 juillet de se laisser diriger par les événements plutôt que de prendre les devants. Si la contraction de l'économie se confirme, si le manque de confiance conduit à une contraction des dépenses et si, enfin, la livre continue à chuter et à exercer ainsi une pression négative sur une économie très dépendante des investissements étrangers compte tenu de son déficit courant record, la Banque d'Angleterre devra « refaire son retard » et frapper fort pour rétablir la confiance.

Jusqu'où Mark Carney ira-t-il ?

La question se pose donc désormais de savoir si une baisse d'un quart de point des taux, aujourd'hui à 0,5 % suffira. Mark Carney pourrait être tenté d'aller plus loin, mais il devra aussi se méfier de l'impact de sa politique sur la livre. Une politique trop souple pourrait, à terme, alimenter la baisse de la devise britannique aujourd'hui freinée par le niveau relativement élevé des taux britanniques dans le contexte mondial. Sa marge de manœuvre est donc étroite et sans doute souhaitera-t-il le soutien du gouvernement de Theresa May.

Une action budgétaire ?

Or, ce vendredi, le Chancelier de l'Echiquier (ministre des Finances), Philip Hammond, a, en Chine où il se rendait à un sommet sino-britannique, annoncé qu'il voulait « faire repartir de zéro la politique budgétaire » du pays. Theresa May avait déjà annoncé qu'elle renonçait à l'objectif du gouvernement précédent d'un équilibre budgétaire en 2020 et avait évoqué un « fonds d'investissement ». Si l'économie se dégrade, Londres semble décider à agir pour soutenir l'activité, même si Philip Hammond a prévenu qu'à court terme, c'était à la Banque d'Angleterre d'agir.

Changer de modèle

En réalité, le défi post-Brexit de l'économie britannique dépasse le cadre de la politique monétaire. C'est bien le modèle d'une économie vivant sur un fort déficit courant alimenté par un faible taux d'imposition destiné à « attirer » les investissements financiers qui est en cause. Le gouvernement britannique, s'il veut « réussir le Brexit » comme c'est son objectif affiché, va donc devoir engager un vaste mouvement de modification en profondeur de ce modèle. Un tel changement est toujours douloureux, mais il n'a pas le choix. Les premières secousses de ce mois de juillet traduisent les limites de ce modèle.

Baisse de la livre

La dégradation de l'activité est donc logique. Elle ne dit rien cependant sur l'évolution de la situation à moyen terme. L'action conjuguée de la politique monétaire et budgétaire pourrait finalement stabiliser la situation. Mais le Royaume-Uni va logiquement devoir affronter plusieurs mois de transition. En attendant, cet indice PMI a une nouvelle fois pesé sur les marchés financiers et sur la livre qui, à la mi-journée, accusait un recul de 0,7 % à 1,3139 dollar pour une livre, loin du plus bas de 1,29 dollar pour une livre le 7 juillet dernier.