Inflation : l'Allemagne débloque un plan d'aides massif et veut prélever une partie des superprofits

Par latribune.fr  |   |  1079  mots
(Crédits : DAVID W CERNY)
Face à l'inflation galopante, la coalition allemande du SPD, des Verts et du FDP a convenu d'un allégement financier supplémentaire à destination des ménages et des entreprises, d'un montant total de 65 milliards d'euros. Selon l'agence autrichienne APA, les retraités recevront notamment un paiement unique de 300 euros, et les étudiants de 200 euros. Par ailleurs, l'exécutif souhaite que les profits exceptionnels réalisés par certaines entreprises énergétiques grâce à l'envolée des cours soient utilisés pour soulager les factures des ménages, a déclaré dimanche le chancelier, Olaf Scholz.

[Article mis à jour le 04/09/2022 à 18:45]

Le gouvernement allemand s'est entendu dimanche sur un nouveau plan d'aides au pouvoir d'achat et aux entreprises dans le contexte de forte inflation, à travers des mesures totalisant 65 milliards d'euros, selon un projet d'accord consulté dimanche par l'AFP.

« Une aide rapide et proportionnée aux citoyens et aux entreprises est nécessaire en raison de l'augmentation rapide des prix élevés de l'énergie », explique ce document élaboré après des semaines de discussions laborieuses entre les trois partis de la coalition du chancelier social-démocrate, Olaf Scholz.

Les aides comprennent notamment une chèque versé aux étudiants et aux retraités, ainsi qu'une augmentation de l'allocation logement, selon le document.

Restreindre les superprofits des énergéticiens

Par ailleurs, le gouvernement y indique qu'il plaidera pour qu'une mesure "de prélèvement partiel des bénéfices aléatoires" des entreprises énergétiques ayant dégagé des profits exceptionnels du fait de l'envolée des cours. Celui-ci devrait être mis en œuvre dans le cadre de l'Union européenne, mais l'exécutif se dit prêt à agir au niveau national, précise le plan. Berlin veut peser pour l'adoption rapide des mesures d'urgence récemment proposées par la Commission européenne et visant notamment à plafonner les prix pour certains producteurs d'électricité à partir d'énergies renouvelables, de nucléaire ou de charbon, afin de restreindre les profits exceptionnels des énergéticiens.

"Des producteurs profitent simplement des prix très élevés du gaz qui déterminent le prix de l'électricité", a ainsi défendu le chancelier lors d'une conférence de presse.

"Les entreprises énergétiques qui produisent par exemple de l'électricité à base de renouvelables, de charbon ou de nucléaire, le font à des coûts de production toujours aussi faibles, mais gagnent énormément d'argent grâce aux mécanismes actuels du marché européen de l'électricité", a ajouté le ministre de l'Economie Robert Habeck pour justifier la nécessité d'agir.

La réforme souhaitée par Berlin se distingue toutefois de la taxation des bénéfices exceptionnels réalisés par les groupes énergétiques, décidée par certains gouvernements en Europe, a souligné le ministre des Finances Christian Lindner. De fait, chaque mot pèse sur ce dossier pour le moins épineux, qui divise le gouvernement depuis le début de l'été. Ecologistes et sociaux-démocrates souhaitent une taxation des milliards engrangés, mais le camp libéral, représenté Christian Lindner, y est lui farouchement opposé. Ainsi, le gouvernement a discuté de cette "idée controversée, "mais il y a des réserves constitutionnelles à ce sujet", a ajouté le leader des libéraux, vivement opposé au principe d'une taxe. Il a souligné dimanche qu'il ne s'agissait "pas d'une source de revenus que l'on peut planifier et qui permette d'organiser un allègement rapide" de la facture des ménages.

Si le mot taxe n'est pas employé, il devrait bien s'agir d'une contribution obligatoire imposée aux entreprises du secteur énergétique destinée à alléger le prix de l'électricité payée par les ménages et les entreprises. Cette contribution obligatoire pourrait rapporter "plusieurs dizaines de milliards d'euros", a fait valoir le ministre des Finances.

"Pas une taxe" selon Bercy

En France, où le débat sur la taxation des superprofits fait également rage, porté notamment par l'opposition de gauche, le gouvernement a rapidement réagi. En effet, le ministère français de l'Economie a souligné dimanche que la "contribution" des énergéticiens que l'Allemagne a promis de soutenir au niveau européen n'était "absolument pas" une taxe.

"L'Allemagne met en place une contribution obligatoire des entreprises qui bénéficient du prix du gaz alors qu'elles produisent de l'électricité à partir du charbon, du nucléaire ou d'énergies renouvelables [...] C'est exactement ce que la France fait avec les énergies renouvelables ou d'une autre manière avec (l'énergéticien) EDF en augmentant le volume d'ARENH (accès régulé à l'électricité nucléaire historique, NDLR)", a fait valoir Bercy.

"Les mécanismes ne sont pas forcément les mêmes, mais la logique l'est (...) et elle ne relève en rien de la fiscalité", a tenté de déminer le ministère, alors que les appels à taxer les bénéfices exceptionnels de grandes entreprises comme TotalEnergies ou CMA CGM se multiplient depuis cet été.

L'inflation pourrait atteindre 10% d'ici à fin 2022

En Allemagne, ce plan massif constitue le troisième train de mesures destiné à compenser les hausses drastiques des prix, notamment dans le secteur de l'énergie, consécutives à la guerre en Ukraine. Olaf Scholz avait réuni samedi, jusque tard dans la soirée, les principales figures du gouvernement pour finaliser ce plan.

Et pour cause, déjà poussée par la flambée des prix de l'énergie dans le sillage de la guerre en Ukraine, l'inflation est repartie à la hausse en Allemagne en août, à 7,9% sur un an, après deux mois de ralentissement. Selon des chiffres provisoires publiés le 27 août par l'institut de statistiques Destatis, l'indice des prix a gagné 0,4 point en glissement annuel par rapport à juillet, et revient donc à son niveau de mai.

Surtout, en octobre, une taxe sur le gaz destinée à éviter la faillite des groupes énergétiques allemands entrera en vigueur. Et celle-ci entraînera une nouvelle hausse de plusieurs centaines d'euros de la facture énergétique des ménages. Dans ces conditions, le patron de la Banque centrale allemande, la Bundesbank, a jugé probable que l'inflation atteigne 10% d'ici la fin de l'année, une première depuis les années 1950.

Plusieurs aides arrivent à échéance

Cette augmentation met fin à deux mois de baisse, permise par des mesures temporaires gouvernementales pour alléger la facture énergétique des ménages. Depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine, fin février, le gouvernement a en effet déjà débloqué deux trains d'aides totalisant quelque 30 milliards d'euros. L'exécutif a notamment instauré en juin une réduction de taxe exceptionnelle sur le carburant, ainsi qu'un ticket à 9 euros par mois valable dans tous les transports publics, hors lignes à grande vitesse. Mais la plupart de ces mesures prendront fin en septembre, laissant craindre un emballement des prix d'ici aux prochains mois.

Comme dans d'autres pays européens, la situation nourrit l'inquiétude de la population et alimente les appels à manifester, essentiellement à l'initiative de l'extrême droite ou de l'extrême gauche.