Tsipras : "nous sommes devenus un laboratoire d'austérité"

Par latribune.fr  |   |  925  mots
"La partie grecque poursuivra ses efforts, forte de l'arme robuste du verdict du peuple grec (...) qui s'est prononcé à une large majorité en faveur d'un accord viable pour mettre fin aux discussions et ouvrir la voie à une sortie de crise", a assuré Alexis Tsipras, à l'issue du sommet de la zone euro, mardi soir, à Bruxelles.
Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'ensemble de l'Union européenne se réuniront dimanche à Bruxelles pour un sommet au cours duquel la Grèce pourrait se voir accorder un nouveau plan d'aide. En attendant, la Grèce doit respecter un calendrier et présenter ses propositions jeudi 9 juillet.

Article publié le mercredi 8 juillet à 08h00, mis à jour à 10h40

Il n'y avait pas vraiment de suspens hier soir à Bruxelles. À l'issue de la réunion de l'Eurogroupe et du sommet extraordinaire du mardi 7 juillet, aucune solution de sortie de crise n'a été trouvée. De son côté, le Premier ministre grec Alexis Tsipras a estimé que son pays avait formulé des propositions crédibles pour obtenir une promesse de financement appropriée d'ici à la fin de la semaine et pour mettre un terme définitif à la crise :

 "Les discussions se sont déroulées dans une atmosphère positive. Le processus sera rapide. Il débutera dans les heures qui viennent avec l'objectif de conclure au plus tard à la fin de la semaine."

La Grèce à bout de souffle

Ce matin, le Premier ministre grec a prononcé un discours devant le Parlement européen à Strasbourg, à l'occasion d'une session consacrée aux négociations en cours entre la Grèce et ses créanciers.

"La Grèce a fait des efforts pour s'adapter ces cinq dernières années mais nous n'avons plus de forces", a lâché Alexis Tsipras. Devant son auditoire, il ajoute que "dans aucun autre pays ces programmes d'austérité n'ont duré aussi longtemps (...) nous sommes devenus un laboratoire d'austérité dans lequel on fait des tests et ils n'ont pas réussi". Au moment où il déplore que "l'argent qui a été donné à la Grèce n'est jamais arrivé au peuple grec" mais qu'il était destiné à "sauver les banques grecques et européennes", une foule d'applaudissements retentis. Pendant ce temps, Jean-Claude Juncker, visage fermé, ne le quitte pas des yeux. Alexis Tsipras poursuit et rappelle que les cures d'austérité successives ont paralysé la vie des grecs. Il rappelle que les 10% les plus riches "qui gèrent 56% de la richesse nationale" ont été "protégés pendant l'austérité".

Tsipras dénonce le clientélisme

S'il s'attaque à Bruxelles dans son discours, Alexis Tsipras n'hésite pas à mettre en cause directement son propre pays et tacle la corruption endémique qui le caractérise :

"La Grèce est arrivée à deux pas de la faillite parce que pendant des années, il y avait de la corruption". Il déplore ainsi le laissez-faire, des années durant, des gouvernements successifs.

Devant le Parlement, il s'est engagé à faire le ménage : "nous proposons des réformes différentes : lutter contre l'oligarchie et les cartels, lutter contre l'évasion fiscale, moderniser l'Etat. Ce sont nos priorités et nous attendons l'accord de nos partenaires sur ces priorités".

Berlin attend les propositions d'Athènes

Ces déclarations permettront-elles un infléchissement de la ligne allemande ? Pour le moment, la position allemande n'a pas bougé d'un iota. Hier soir, à l'issue du sommet, la chancelière allemande Angela Merkel a demandé à la Grèce suffisamment de propositions, et assure que les chefs d'Etats et de gouvernement de l'Union Européenne se réuniront dimanche, si et seulement si Athènes soumet d'ici jeudi un plan détaillé et satisfaisant de ses projets de réformes à l'appui d'une nouvelle demande de prêt.

S'il est jugé adéquat et que le gouvernement grec commence à le mettre en oeuvre, un prêt à court terme pourra être accordé à la Grèce. Mais conformément à ce qu'elle avait annoncé, aucune décote de la dette grecque n'est envisagée par la chancelière allemande.

"La France travaillera jusqu'à samedi ou dimanche"

Hier soir, vers 23h, François Hollande a tenté de justifier la position de l'Eurogroupe : "c'est vrai qu'il n'y a pas eu de décision mais il ne pouvait pas y en avoir. Le but était de tirer les leçons du référendum", a ainsi assuré le président en conférence de presse. Il a ensuite détaillé le calendrier à venir pour la Grèce :

"Mercredi, la Grèce fait ses propositions dans le cadre d'une demande d'aide, jeudi elle précise ses propositions (...) et l'Eurogroupe statue sur ces propositions".

S'il reconnaît qu'"un accord est encore possible", François Hollande martèle que les heures sont comptées :

"Il faudra qu'il n'y ait pas de perte de temps [...] Il faut qu'il y ait cette prise de décisions, cette responsabilité et ce calendrier", en ajoutant que "la décision devra être prise. La France travaillera jusqu'à samedi ou dimanche", a-t-il indiqué à l'issue de la table des négociations.

Pour autant, il a également à sa façon posé un ultimatum à la Grèce en faisant savoir que "s'il n'y avait pas d'accord, les conséquences sont graves. Il y aurait recherche d'une autre solution".

Juncker opposé à un Grexit, mais...

Le message est donc clair, et le "Grexit" n'est plus du tout tabou. À l'issue du sommet, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission Européenne, a fait savoir qu'un scénario détaillé prévoyant une sortie de la Grèce de la zone euro a été préparé. Mais il tout de même tenu à rappeler, encore une fois, qu'il était contre une telle issue :

"Je suis fermement contre un Grexit mais je ne pourrai pas l'empêcher si le gouvernement grec ne fait pas ce qu'il doit faire."

En attendant un accord entre les deux parties, la Banque centrale européenne (BCE) assurera la liquidité minimale à la Grèce jusqu'à ce que les membres de la zone euro se prononcent sur un projet d'accord ce weekend. "Elle assurera jusqu'à dimanche la liquidité minimale pour la Grèce", précise François Hollande.