La Banque d'Angleterre prépare sa réponse au Brexit

Par Romaric Godin  |   |  647  mots
Le gouverneur de la Banque d'Angleterre Mark Carney a mis en garde contre les menaces qui pèsent sur la stabilité financière du Royaume-Uni.
Le gouverneur de la Banque centrale britannique, Mark Carney a pris une première mesure pour éviter un credit crunch. Davantage pourrait venir le 14 juillet. En attendant, la livre baisse encore.

La Banque d'Angleterre (BoE) a pris sa première action ce mardi 5 juillet pour contrer les effets économiques du vote en faveur du Brexit sur l'économie britannique. Lors de la présentation du rapport de stabilité financière de la BoE, le gouverneur Mark Carney a annoncé que le « matelas de sécurité » en capital imposé aux banques était réduit de 0,5 % à 0 % des actifs britanniques avec effet immédiat. Ce niveau sera maintenu au moins pendant un an, jusqu'en juin 2017. Ceci devrait permettre aux banques commerciales d'offrir jusqu'à 150 milliards de livres (environ 176 milliards d'euros) de crédits supplémentaires aux ménages et aux entreprises.

Cette décision est un premier pas, prise par le Comité de politique financière pour s'assurer que l'économie britannique ne soit pas victime, comme en 2008 et 2009, d'un effondrement de la demande de crédits. La balle est maintenant dans le camp de l'autre comité de la Vieille Dame de Threadneedle Street, le Comité de politique monétaire, lui aussi dirigé par Mark Carney, et qui se réunira le 14 juillet prochain. Les observateurs tablent sur une baisse du taux de refinancement, actuellement à 0,5 % avec une possible annonce concernant une opération de rachats d'actifs pour 50 ou 100 milliards de livres.

Les dangers qui menacent le Royaume-Uni

Car Mark Carney a dressé un tableau inquiétant de l'économie britannique dans les mois à venir. Il s'est d'abord inquiété de la possible réduction des investissements étrangers qui permettent de réduire l'immense déficit courant de l'économie britannique (autrement dit l'endettement de cette dernière vis-à-vis du reste du monde pour son fonctionnement normal) qui dépasse les 5 % de son PIB. Si cette source de financement se tarit, le déficit finira certes par se combler, mais l'économie sera nécessairement moins dynamique.

Deuxième risque identifiée par la BoE : le marché immobilier. Faute d'un flux d'investissement suffisant et en raison d'un retour à la prudence des agents économiques, ce marché « commence à être tendu ». Mark Carney s'inquiète que, compte tenu de l'endettement élevé des ménages britanniques, cette tension, alliée aux effets sur les revenus du ralentissement économique, n'entraîne un courant vendeur sur ce marché qui conduise encore à le déstabiliser. D'où la décision de ce mardi : il faut soutenir le crédit pour maintenir la demande intérieure de biens immobiliers et compenser le tarissement de la demande externe.

A ces dangers « internes », la BoE ajoute des dangers externes : la faiblesse de la demande mondiale qui pourrait être renforcée par l'incertitude et la volatilité des marchés financiers. Tout ceci pourrait peser sur la demande britannique et réduire à la fois la stabilité financière et la croissance. La BoE ne cache donc pas que « l'ajustement » de l'économie britannique à la nouvelle donne sera douloureux. Mais il estime que les banques britanniques sont en meilleure posture qu'en 2009 en termes de capital pour faire face à la crise et que l'environnement juridique et de régulation est également meilleur.

La livre chute encore

Reste que, malgré son action, ce premier bilan de la BoE n'a pas rassuré, le marché a retenu principalement les risques reconnus par Mark Carney. Le rendement de l'obligation d'Etat à 10 ans (le « Gilt ») a reculé de 4 points de base à 0,791 % (il était à 1,37 % le 23 juin), signe d'une perte de confiance dans les perspectives de l'économie britannique. La livre a perdu dans la journée, 1,5 % face à l'euro à 1,17 euros, son niveau le plus bas depuis novembre 2013 et 17,75 % de moins que le 20 juin dernier. Face au dollar, la livre a reculé sous les 1,31 dollar, du jamais vu depuis septembre 1985. Les opérateurs anticipent à la fois une baisse de la croissance et une réponse musclée de la BoE par de la création monétaire et la baisse des taux. Reste à savoir si le 14 juillet, la réponse de Mark Carney sera à la hauteur.