La BCE frappe fort pour endiguer l’inflation en augmentant ses taux de 75 points de base

Par latribune.fr  |   |  1015  mots
La décision sur la hausse historique des taux de 75 points de base a été « unanime », selon la présidente de la BCE, Christine Lagarde. (Crédits : KAI PFAFFENBACH)
C'est le scénario le plus dur qui se concrétise. Après avoir augmenté ses taux d'intérêt en juillet pour la première fois en dix ans, de 50 points de base, la BCE annonce ce jeudi 7 septembre les relever de nouveau de 75 points de base, une ampleur inédite. L'objectif est de lutter contre l'inflation qui ne cesse de progresser. L'institution s'attend désormais à une inflation de 8,1% en 2022, contre 6,8% en juin. Pour 2023 et 2024, les gardiens de l'euro prévoient respectivement 5,5% et 2,3%, toujours au-dessus de l'objectif de 2%. Dans ce contexte, il faut s'attendre à de nouvelles hausses de taux, a prévenu Christine Lagarde.

La Banque centrale européenne (BCE) a décidé de frapper fort pour lutter contre la hausse des prix sans précédent depuis près d'un demi-siècle. L'institution de Francfort, qui veut ramener l'inflation le plus rapidement possible à un taux neutre, autour de 2%, a accéléré jeudi le resserrement de sa politique monétaire en décidant d'une hausse de ses taux d'intérêt d'une ampleur inédite.

Le Conseil des gouverneurs de l'institut monétaire a décidé de relever les taux directeurs de 75 points de base. C'est la plus forte hausse dans l'histoire de l'institution face à la flambée de l'inflation en zone euro, qui restera « beaucoup trop forte » sur une « période prolongée ».

« Nous avons eu différents points de vue autour de la table, une discussion approfondie, mais le résultat de nos discussions a été une décision unanime », a déclaré Christine Lagarde lors de la conférence suivant la réunion de politique monétaire.

« Pour ceux qui répètent sans cesse que la BCE est à la traîne, je soutiens que nous sommes sur un chemin qui a commencé en décembre », a-t-elle ajouté.

Servant de référence dans un contexte de liquidités abondantes, le taux sur les dépôts bancaires à la BCE, ramené de -0,5% à 0% en juillet, passe ainsi à 0,75%. Les deux autres taux directeurs, celui appliqué aux banques sur les opérations de refinancement sur plusieurs semaines et celui visant la facilité de prêt marginal au jour le jour, passent eux respectivement à 1,25% et 1,50%.

La BCE va « continuer à augmenter les taux »

En juillet, la BCE avait eu la main ferme en annonçant par surprise une hausse de 50 points de base, quand 25 points étaient attendus. L'ampleur de cette hausse était déjà inédite, après à huit ans de taux négatifs. La promesse était alors d'en faire autant en septembre à moins que les tensions inflationnistes refluent.

L'objectif des hausses de taux est de favoriser l'épargne et réduire la consommation, pour abaisser la pression sur les prix. Malgré cette nouvelle hausse historique, la présidente de la BCE, Christine Lagarde a prévenu que les taux sont encore « loin » d'un niveau qui « aidera à ramener l'inflation à 2% ». Elle a déclaré que les hausses suivantes, qui « dépendront des données » économiques, « doivent être d'une amplitude qui nous rapproche plus rapidement » de cet objectif, assurant que la BCE allait « continuer à augmenter les taux ».

Inflation forte pour longtemps

D'autant que le reflux espéré des prix va se faire attendre, comme en témoignent les nouvelles prévisions d'inflation dévoilées jeudi, nettement relevés jusqu'en 2024. La BCE s'attend en effet à une inflation de 8,1% en 2022, contre 6,8% en juin. Pour 2023 et 2024, les gardiens de l'euro prévoient respectivement 5,5% et 2,3%, toujours au-dessus de l'objectif de 2%. « Les prix très élevés de l'énergie réduisent le pouvoir d'achat des consommateurs », a détaillé la BCE qui reconnaît avoir « fait des erreurs de prévision », alors que l'institution a été prise de vitesse par les records d'inflation enregistrés dans la zone euro.

 « Nous avons fait des erreurs de prévision, comme l'ont fait toutes les institutions internationales et comme l'ont fait la plupart des économistes, parce qu'il est virtuellement impossible d'anticiper et d'inclure les nouveaux modèles comme le Covid, la guerre en Ukraine, le chantage à l'énergie », a déclaré Christine Lagarde, disant en « assumer la responsabilité ».

Les prix ont en effet grimpé en août à un niveau record de 9,1% sur un an en zone euro, très au-dessus du taux de 2% visé par la BCE. Les nouvelles tensions des prix de l'énergie depuis l'arrêt complet de la livraison de gaz russe vers l'Europe présagent même d'une inflation à deux chiffres à l'automne.

Concernant ce tour de vis de la BCE, celui de septembre en appelle d'autres lors des deux réunions à suivre avant la fin de l'année, selon les observateurs. Cependant, une séquence agressive de la BCE sur ses taux va renchérir les conditions d'emprunt des pays de la zone euro jugés vulnérables, comme l'Italie. L'institut pourrait devoir dégainer tôt ou tard son nouvel outil, présenté cet été, destiné à tuer dans l'œuf les attaques spéculatives sur la dette, selon Holger Schmieding, économiste chez Berenberg.

De l'autre côté de l'Atlantique, les taux de la Réserve fédérale américaine se situent déjà entre 2,25 et 2,50%. Une nouvelle forte hausse de 75 points de base se profile le 21 septembre prochain, lors de la prochaine réunion du comité de politique monétaire (FOMC), l'organe de décision de la Fed. Son président, Jerome Powell, a déclaré jeudi que la Fed devait agir fermement contre l'inflation, afin d'éviter les conséquences douloureuses pour les ménages de prix qui continueraient leur escalade : « Nous devons agir fermement comme nous l'avons fait, et nous devons persévérer jusqu'à ce que le travail soit terminé », a-t-il déclaré.

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La zone euro risque une « récession » pour l'année 2023

Par ailleurs, la Banque centrale européenne a relevé jeudi ses prévisions de croissance du PIB en zone euro pour 2022, mais les a drastiquement réduites pour 2023.

L'institution monétaire s'attend à une « stagnation » de l'activité économique fin 2022 et début 2023. Elle prévoit désormais une croissance de 3,1% cette année mais seulement 0,9% en 2023, contre 2,8% et 2,1% respectivement prévus dans ses projections de juin. Pour 2024, l'institution table sur un PIB en hausse de 1,9%, contre 2,1% précédemment.

La zone euro risque une « récession » pour l'année 2023 en cas de « coupure totale » des livraisons de gaz russe, a prévenu la présidente de la Banque centrale européenne Christine Lagarde. Avec la fermeture du gazoduc Nord Stream, « nous y sommes presque », a ajouté Christine Lagarde.

(Avec AFP)