Au sein de la BCE, le débat sur une hausse des taux de 75 points de base en septembre est lancé

Alors que c'est pour l'instant un relèvement de 50 points de base des taux directeurs, comme la précédente hausse, qui est privilégié pour septembre, des voix s'élèvent au sein de la banque centrale européenne, plaidant pour un resserrement plus agressif malgré les risques de récession.
La Banque centrale européenne doit relever ses taux en septembre.
La Banque centrale européenne doit relever ses taux en septembre. (Crédits : Ralph Orlowski)

Faut-il relever les taux directeurs de 75 points de base ? C'est la question qui agite actuellement les membres de la Banque centrale européenne alors que l'institution monétaire doit opérer un second resserrement monétaire en septembre. Si elle s'est, jusque-là, montrée prudente avec une hausse de 50 points de base en juillet dernier, l'inflation qui continue d'atteindre des sommets - 8,9 % sur un an en juillet dans la zone euro, son plus haut historique - pourrait bien la pousser à adopter une stratégie plus agressive à l'instar de celle menée par la Réserve fédérale américaine (Fed) aux Etats-Unis. Cette dernière a déjà relevé à plusieurs reprises ses taux directeurs : d'un quart de point -la hausse habituelle - mi-mars, d'un demi-point - alors la plus forte hausse depuis 2000, en mai puis de trois-quarts de point en juillet.

En Europe, c'est une nouvelle hausse d'un demi-point qui est, pour l'instant, anticipée pour la réunion du 8 septembre. Mais des responsables de la BCE entendent bien y débattre d'une hausse des taux directeurs de 75 points de base, selon Reuters qui cite cinq sources proches des discussions. « Je ne soutiendrai pas nécessairement 75 (points de base), mais il n'y a aucune raison pour que cela ne soit pas discuté », a déclaré l'une d'elles. « Si la Fed l'a fait, il n'y a aucune raison pour que nous ne le mettions pas au moins sur la table ». « L'inflation est de plus en plus généralisée et les effets de second tour sont clairs », a déclaré une deuxième source. « Les perspectives sont bien pires que ce que nous avions prévu en juin, donc je suis d'accord pour dire (qu'une hausse de taux de) 75 points de base devrait au moins être discutée ». « Pour moi, (un relèvement de) 50 points de base est le minimum. Nous aurons d'autres statistiques avant le 8 septembre, mais pour l'instant, je vois des arguments solides en faveur de 75 », indique une troisième. Enfin, une quatrième source s'interroge : « si l'on n'augmente pas les taux, l'énergie deviendra-t-elle moins chère? Non. En fait, elle pourrait devenir plus chère, car l'euro reculerait probablement et les prix de l'énergie sont libellés en dollars »« Mais, si vous n'augmentez pas le taux, les prévisions d'inflation augmentent et nous devrons donc en faire davantage plus tard », ajoute-t-elle. Et de conclure : « Le risque de ne rien faire est bien plus grand ». Un porte-parole de la BCE n'a pas souhaité faire de commentaire.

Lire aussiÀ Jackson Hole, les banques centrales coincées entre l'inflation galopante et l'économie asphyxiée

 « Réagir avec plus de force » contre l'inflation

Si une hausse d'une telle ampleur semble, pour l'instant, improbable compte tenu de l'opposition attendue des membres issus des pays du sud de la zone euro, ce genre de commentaires met en lumière une dynamique restrictive (« hawkish ») dans les débats. Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, a d'ailleurs affirmé la semaine dernière que les perspectives d'inflation ne s'étaient pas améliorées depuis juillet, donnant à penser qu'elle serait favorable à un relèvement important du coût du crédit en septembre. Ce samedi, elle s'est à nouveau exprimée à ce sujet affirmant que les banques centrales doivent agir avec « détermination » pour combattre l'inflation. Face à « la voie de la prudence », la responsable monétaire a défendu « celle de la détermination » qui consiste à « réagir avec plus de force à la poussée actuelle d'inflation », a-t-elle plaidé lors de la réunion de Jackson Hole, aux Etats-Unis. « Si une banque centrale sous-estime la persistance de l'inflation - comme la plupart d'entre nous l'ont fait au cours de la dernière année et demie - et si elle tarde à adapter ses politiques en conséquence, les coûts peuvent être considérables », a-t-elle prédit.

Trois facteurs plaident en faveur de cette option, a-t-elle expliqué lors de cette grand-messe annuelle des banquiers centraux dans l'Ouest américain : « l'incertitude quant à la persistance de l'inflation, les menaces pour la crédibilité de la banque centrale et les coûts potentiels d'une action trop tardive » contre la hausse des prix, selon son discours mis en ligne par la BCE.

Le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau a lui aussi défendu une action déterminée de la BCE. « Nous pouvons avoir une approche graduelle, mais nous ne devons pas être lents et retarder la normalisation (de la politique monétaire, NDLR) jusqu'à ce que des anticipations d'inflation plus élevées nous obligent à des relèvements de taux agressifs », a-t-il expliqué. « Ramener l'inflation à 2% est notre responsabilité; notre volonté et notre capacité à tenir les engagements de notre mandat ne sont pas négociables », a déclaré le gouverneur, selon son discours obtenu par l'AFP. « N'ayez aucun doute qu'à la BCE, nous augmenterons les taux si nécessaire au-delà de la normalisation », a-t-il assuré.

Risque de récession

Et ce, « même au risque d'une croissance plus faible et d'un chômage plus élevé », selon Isabel Schnabel. C'est en effet le risque d'un resserrement monétaire. Or, la perspective d'une récession dans la zone euro (les 19 pays ayant adopté la monnaie unique) est imminente. Les indicateurs passent au rouge les uns après les autres et, après un fort rebond en 2021 post-covid, la croissance devrait fortement ralentir en 2022. D'après le dernier indice PMI, l'activité s'est contractée au mois d'août à 49,2 après un premier repli au mois de juillet à 49,9. Avec deux mois de reculs consécutifs, l'économie de la zone euro se rapproche donc de la récession technique. Cette phase se définit par deux trimestres consécutifs de recul de l'activité.

Lire aussiL'économie se contracte en France, la récession se précise en Europe

Mais, cette perspective ne semble pas remettre en cause la pertinence d'une remontée des taux plus importante que prévu, ajoutent les sources citées par Reuters. La récession serait principalement due à un choc de l'offre - la flambée des prix de l'énergie et une pénurie de gaz russe - contre lequel la politique monétaire n'est pas très efficace. Les sources reconnaissent néanmoins qu'une récession atténuerait probablement certaines pressions sur les prix et pourrait aider la BCE à revenir à son objectif d'inflation de 2%.

(Avec agences)

Commentaires 7
à écrit le 29/08/2022 à 11:56
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Le sujet de la hausse des taux et de ses conséquences paraîtra bientôt anecdotique... On parle trop peu dans les diners en ville du vent de démondialisation qui va souffler sur la planète capitaliste, pour des raisons géopolitico-militaires, d'adapta...

à écrit le 29/08/2022 à 9:28
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Le début de la fin pour certains pays qui se sont abondamment endettés grâce au parapluie de l'euro sans faire de réformes, la charge de la dette va exploser avant que l'inflation ne mange cette dette. La distribution de l'argent facile et de son cor...

à écrit le 29/08/2022 à 7:29
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Ils ne savaient pas,ils pensaient que, ils croyaient que.....toujours a cote, planche a billet et transition energetique, on aura inflation,recession et chomage

à écrit le 28/08/2022 à 21:56
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La BCE a perdu toute indépendance: d’abord vis-à-vis des tenants de la dette qui.ne.sera.jamais.remboursée ou du quoi.qu’il.en.coûte... mais depuis Vendredi du monde entier, après le discours de Jérôme Powell qui a mis, merci à lui, les pieds dans le...

à écrit le 28/08/2022 à 17:19
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Bonjour, comme beaucoup je ne suis pas spécialiste monétaire... Mais je crois que les hausse ou la baisse des taux directeur dois se fait par petit Bond... Car ils ne faut surtout pas bloquer nos économies... La consommation intérieure est un crit...

le 29/08/2022 à 9:32
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La consommation intérieure française se sont des produits chinois pas chers et des produits allemands trés cher, ou de la technologiques de pays comme le Japon, la Corée du Sud ou les USA, il suffit de voir notre balance commerciale déficitaire qui v...

à écrit le 28/08/2022 à 15:26
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Bonjour, L'argument qui consiste à dire que l'inflation est due à une diminution de l'offre n'est que partiellement vrai.elle est aussi due à la masse monétaire surabondante. Rendre l'argent plus chère à probablement le mérite de diminuer les tr...

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