La France refuse de détricoter l’Union bancaire pour plaire au Royaume-Uni

Par Aline Robert, Euractiv  |   |  967  mots
François Hollande accueille David Cameron à l'Elysée le lundi 15 février 2016.
Malgré une journée de négociation marathon à Paris, Hollande et Cameron n’ont pu gommer leur divergences en matière de gouvernance économique. Un article de notre partenaire Euractiv.

Le brûlant débat sur le Brexit, qui doit accaparer les chefs d'États réunis en Conseil européen en fin de semaine, s'est concentré à Paris lundi. Après le président du Conseil européen, Donald Tusk, venu rencontrer François Hollande en début d'après-midi, le Premier ministre britannique s'est à son tour rendu à l'Élysée dans la soirée, après avoir rencontré les eurodéputés britanniques, à Bruxelles.

Les lignes rouges tracées par Hollande

Si le débat se concentre dans la capitale française, c'est que le bras de fer entre l'UE et le Royaume-Uni s'est transformé, ces dernières semaines, en affrontement entre Paris et Londres. Le président François Hollande a notamment tracé des « lignes rouges », montrant que la France, et certains de ses partenaires ne sont absolument pas prêts à signer le document proposé par Donald Tusk, et qui accorde un certain nombre de concessions supplémentaires au Royaume-Uni.

    |Lire: Première victoire de Cameron sur le Brexit

Parmi les trois principales revendications du Royaume-Uni, qui concernent les allocations des migrants, la gouvernance économique et l'union toujours plus étroite des pays européens, le second point est celui qui pose le plus de problèmes à la France.

Londres craint une mise à l'écart de ses services financiers

"Nous ne cherchons pas à imposer de veto à quoi que ce soit. Ce sujet a été mal compris", assure une source britannique, indiquant que le Royaume-Uni craint de voir ses services financiers mis à l'écart en cas d'intégration plus poussée de la zone euro. C'est donc pour défendre le marché intérieur de l'UE que le Royaume-Uni réclame d'avoir son mot à dire sur la zone euro, même si la méthode peut surprendre. En effet, le texte actuellement en négociation se propose de revenir sur le « single rule book » qui est le socle de l'Union bancaire, et qui prévoit que la régulation des banques soit unique.

Les banques françaises s'opposent aux britanniques

Les banques françaises sont montées au créneau la semaine dernière, pour dénoncer les propositions actuellement sur la table, qui fourniraient des avantages aux banques britanniques, selon elles. La Fédération bancaire française (FBF) craint pour « l'intégrité du marché intérieur et l'égalité de concurrence entre acteurs financiers » : des arguments qui sont exactement ceux de ses concurrents anglo-saxons...

Au sein du document proposé par Tusk, le Royaume-Uni se propose de reprendre la main sur la supervision des banques installées au Royaume-Uni.

« En cas de faillite bancaire, c'est le contribuable britannique qui sera mis à contribution. Donc, nous voulons aussi avoir notre mot à dire sur la régulation », explique la source britannique.

Cette revendication est aussi mal perçue par les europhiles, comme la député européenne Sylvie Goulard.

« S'il n'y a plus de règles communes dans le marché intérieur des services financiers, il n'y a plus de marché intérieur du tout ! », constate l'élue dans une interview aux "Echos".

La BCE aussi s'inquiète aussi des conséquences d'un Brexit

La France n'est pas la seule à craindre que le Brexit ne pénalise l'industrie financière. Selon une source à la Banque centrale européenne, les renégociations qui risquent de s'entrouvrir si les Anglais choisissent de sortir, créeraient « de l'incertitude sur les marchés financiers, et plus précisément pour les banques ».

La nature même des revendications britanniques, qui ne sont qu'un accord du Conseil européen mais prétendent avoir la valeur d'un traité selon le texte, représentent une autre source d'incertitude pour la Banque centrale européenne.

"On est dans le flou le plus total, ce que les marchés détestent. Si l'on doit attendre un arbitrage de la Cour de justice de l'Union européenne pour savoir si l'accord a valeur de traité ou non, on va ajouter de la volatilité", assure-t-on à la BCE.

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RÉACTIONS

"Le risque d'un éclatement est réel (...) Ce qui se casse ne peut être réparé", a-t-il déclaré en évoquant un processus "très fragile" dans lequel "l'avenir de l'Union européenne est en jeu". a déclaré Donald Tusk le 15/02.

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CONTEXTE

Le Premier ministre britannique, David Cameron a promis de renégocier les relations de son pays avec l'Union européenne.    La renégociation sera donc suivie d'un référendum d'ici fin 2017, pour décider si, oui ou non, le Royaume-Uni reste dans l'UE.

S'il obtient les réformes souhaitées, David Cameron fera campagne pour rester dans l'UE. Dans le cas contraire, les conservateurs appelleront à une sortir de l'UE. Cette décision aurait de lourdes conséquences pour le commerce, l'investissement et la position de la Grande-Bretagne sur la scène internationale.

Certains États membres sont prêts à écouter les inquiétudes de David Cameron sur certains sujets comme l'immigration, et à faire de petites concessions pour que la Grande-Bretagne reste dans l'Union.

Néanmoins, les dirigeants européens ont écarté toute possibilité de changer les principes fondamentaux de l'UE, tels que la libre circulation des travailleurs et l'interdiction de la discrimination entre les travailleurs de différents pays de l'UE.

>> Lire : L'UE compte mener la vie dure au Royaume-Uni en cas de Brexit

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PROCHAINES ÉTAPES

  • 18 février 2016 : Sommet européen, les exigences de David Cameron y seront discutées.
  • Juin 2016 : Date à laquelle David Cameron souhaiterait organiser le référendum.
  • Fin 2017 : Date limite choisie par David Cameron pour l'organisation du référendum.
  • Juillet-décembre 2017 : Le Royaume-Uni sera à la présidence tournante du Conseil de l'UE.

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Par Aline Robert, EurActiv.fr

(Article publié le mardi 16 février 2016)

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